C’était hier, et pourtant, c’était il y a six ans. Le 13 novembre 2015, des commandos islamistes coordonnent des attentats à Paris et en sa périphérie. Une première bande de terroristes se fait exploser à côté du Stade de France. La deuxième tire à bout portant sur des terrasses dans le centre de Paris. Mais c’est le troisième commando, lancé à l’assaut de la salle de spectacle Le Bataclan, où a lieu un concert rock, qui fait le plus de dégâts et marque le plus les esprits.
Au milieu des morts et des blessés, un jeune homme affalé par terre : Victor Rouart. Gravement atteint par balles à la jambe, il n’a pu rejoindre la sortie. Pour tromper la douleur et refouler ses cris, il mord le chandail d’une autre victime sous lui. Les terroristes donnent des coups de pied aux corps qu’ils croisent et, alertés par la sonnerie des téléphones portables (la nouvelle de l’attaque a couru à l’extérieur), ils tirent sur ceux qui pourraient vivre encore. À moins que ce ne soit pour faire taire la voix des consciences, qui réclament déjà justice pour leurs proches ?
Dans Comment pourrais-je pardonner ? (L’Observatoire, 2021), écrit avec l’aide et le talent du journaliste Luc-Antoine Lenoir, Victor Rouart livre le récit nuancé d’un attentat vécu de l’intérieur. Il est sans illusions sur la réaction ambiguë de la société française. Et, devant l’absence de remords des djihadistes, il aborde le problème du pardon et du mal : « Le pardon spontané me semblait un passe-droit. Pire, à l’échelle de la société, j’avais l’impression qu’il était encore là l’habillage d’un renoncement. Vous n’aurez pas ma haine, répétaient nombre de Français au lendemain des attentats. En disant cela, ne cède-t-on pas face au mal ? » Pour Rouart, le pardon « se mérite » et n’est pas inconditionnel : sinon, il se pervertit et se place au service du mal.
Jeune catholique (loin de cacher sa foi, il prend appui sur elle), il propose un point de vue réaliste et informé qui tranche avec les lieux communs de sa génération. S’il est, bien sûr, touché par les hommages sincères aux victimes, il se montre par contre sceptique devant le déballage des bons sentiments. N’y a-t-il pas une part de déni et d’aveuglement dans tous ces beaux discours républicains ? se demande-t-il. La facilité avec laquelle, lors des élections présidentielles de 2017, le sujet se voit relégué dans l’oubli choque Rouart – qui constate comme plusieurs la normalisation du terrorisme et la montée de l’autocensure dans son pays.
La réalité du mal pose la question du tragique, qui pose à son tour la question du politique. Les figures du redressement national ne se trouvent pas nécessairement sur les devants de la scène, semble-t-il, mais souvent derrière, loin des personnages de cour favorisés par le progressisme mondain. Elles ont pour nom Arnaud Beltrame, le gendarme qui se sacrifia pour un otage et combattit un terroriste. Elles ont pour nom le père Hamel, 85 ans, qui lança à l’islamiste venu l’égorger un roboratif vade retro, satana. Merci à Victor Rouart de dire, à la suite de tous ces Français courageux qui n’accepteront jamais la soumission : vous n’aurez pas mon pays.
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Source : Lire l'article complet par Le Verbe
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