L’auteur est professeur au collège de Bois-de-Boulogne. Il est le porte-parole du Regroupement pour le cégep français
Un mouvement s’est mis en branle depuis un an chez les professeurs de cégep soucieux de préserver la langue française : pas moins de 28 assemblées syndicales de professeurs de cégep des quatre coins du Québec se sont prononcées pour l’extension de la loi 101 au collégial. Or de nombreuses autres assemblées se tiendront dans les prochaines semaines. Le mouvement, qui regroupe une majorité des 48 cégeps, va donc très certainement continuer à prendre de l’ampleur.
Après des années de résignation face au recul du français, un mouvement démocratique de la base reprend courage. Comme aux beaux jours du Printemps érable, on retrouve confiance dans la solidarité. Les professeurs espèrent maintenant être entendus de leurs centrales syndicales. Rappelons-nous que la loi 101 n’aurait pas été possible à l’origine sans la mobilisation de la CSN, de la CEQ et de la FTQ. Les syndicats sont à nouveau appelés à jouer un rôle décisif dans l’avenir du français, en luttant contre une vision néolibérale qui dévalorise la langue commune.
Comme dans les années 1970, le camp patronal promeut une logique néolibérale de peur : pertes d’emplois dans les collèges anglophones, manque de place dans les collèges francophones pour accueillir… les étudiants francophones et allophones ! Comme si la protection de la langue commune n’était pas aussi une protection du droit à travailler en français. Comme si un retour massif des francophones et allophones dans nos cégeps n’était pas une bonne nouvelle !
Rappelons ce fait crucial : l’anglicisation du marché de l’emploi de Montréal menace les emplois francophones par milliers, ce pour quoi Réjean Parent, ex-directeur de la CSQ, appelait récemment de ses vœux l’extension de la loi 101 au cégep. Guy Rocher a exprimé à de multiples reprises son regret de ne pas avoir inclus les cégeps, et même le premier cycle universitaire, dans la loi 101.
Le mouvement des professeurs pour le français a de redoutables adversaires. On ne sera pas surpris que Bernard Tremblay, p.-d.g. de ce lobby patronal financé par des fonds publics qu’est la Fédération des cégeps, s’oppose bec et ongles à l’extension de la loi 101 au collégial. Il faut savoir que l’anglais est l’argument marketing numéro 1 qui a permis la croissance effrénée des collèges anglophones au cours des dernières années.
Résultat : un système à deux vitesses, où on vend aux jeunes allophones et francophones l’idée que s’angliciser permet de s’intégrer à l’élite économique des Michael Rousseau de ce monde. Non contents de recruter les francophones et les allophones ayant les meilleures cotes R et provenant de milieux mieux nantis, les cégeps anglophones dominent maintenant le secteur préuniversitaire à Montréal et progressent bien au-delà du poids démographique des anglophones dans le secteur technique. La dynamique élitiste vers l’anglais ne divise pas seulement le réseau collégial, elle menace de fracturer la société québécoise. C’est donc un enjeu national qui dépasse les assemblées syndicales locales des cégeps.
Le mouvement de la base syndicale pour la loi 101 est impressionnant. Il a maintenant besoin de la force institutionnelle des grandes centrales pour atteindre son but. Gérald Larose, ex-président de la CSN, a récemment exprimé son changement d’avis en faveur de la loi 101 au collégial et a prédit que les centrales syndicales devraient suivre leurs membres dans cet élan sans précédent. Il reste beaucoup à faire pour contrer le discours de peur de la Fédération des cégeps, mais le mouvement des professeurs pour le français est suffisant pour revitaliser le monde syndical plus que jamais.
Ont aussi signé ce texte: Caroline Hébert du cégep de Sainte-Foy, Sébastien Mussi du collège de Maisonneuve, Aïcha Van Dun du cégep régional de Lanaudière, Gabriel Coulombe du cégep Garneau, Nicolas Bourdon du collège de Bois-de-Boulogne, Yannick Lacroix du collège de Maisonneuve, Richard Vaillancourt du collège de Bois-de-Boulogne.
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