Si le monde est déjà dans un concept multipolaire depuis plusieurs années – nous avançons à pas certains vers un monde multipolaire post-occidental. Et dans cette réalité, l’Occident ne sera pas seulement représentatif d’une minorité mondiale du point de vue démographique, mais également en ce qui concerne le manque criant de ressources naturelles allié à des endettements extérieurs par habitant de loin les plus importants au niveau mondial.
Lorsqu’on analyse la crise actuelle, probablement sans précédent, entre non seulement l’Occident et la Russie, mais plus généralement entre les nostalgiques de l’unipolarité et les partisans résolus de l’ère multipolaire – on s’aperçoit d’un constat assez révélateur. Celui qu’en regardant la carte mondiale des pays ayant largement élargi les sanctions contre la Russie (dans l’écrasante majorité les nations occidentales) – il s’avère que c’est également les Etats possédant les plus importantes dettes extérieures par habitant.
En effet, si l’on prend à ce titre le Top 10 de pays par dette extérieure – 8 sont occidentaux. Et dans le Top 20 – 14 des pays, soit 70%. Evidemment, les «grands» spécialistes économiques du monde occidental vous diront que c’est normal, car l’Occident était la référence pour d’autres pays du monde (non-occidentaux) pour y placer leurs avoirs.
Le souci pour cette théorie, est que nous approchons sa fin. Le monde entier a été témoin du hold-up occidental vis-à-vis des réserves russes – en Occident. Face à cela et au-delà du fait que la Russie a su trouver les instruments nécessaires pour non seulement compenser cela, mais aussi de mettre les instigateurs des sanctions en grandes difficultés, le fait est que cette situation a le mérite d’apporter plusieurs autres éclaircissements.
Tout d’abord – que l’Occident collectif ayant définitivement montré son visage de véritable cambrioleur à ciel ouvert – s’appropriant ce qui ne lui appartient pas – observera un effet catastrophique pour le système financier occidental sur le court, moyen et long terme. Le processus de perte de confiance vis-à-vis des monnaies que sont le dollar et l’euro ne fera que s’accélérer désormais. Tout comme la multiplication des accords bilatéraux et multilatéraux de commercer en monnaies nationales non-occidentales.
De deux: que sans les principales matières premières, énergétiques et pas seulement, l’Occident ne peut pas grand-chose. Ni pour son industrie, ni pour ses consommateurs lambda. Toutes les discussions sur les énergies «renouvelables» restent des projets n’ayant aucune chance d’être réalisés dans un avenir proche, ni même certainement sur le moyen terme. Toujours sur le même volet: toute cette arrogance de l’Occident collectif a toujours été basée, entre autres, sur le fait que l’industrie occidentale exporte des produits technologiques à haute valeur ajoutée.
Sauf que cette industrie technologique ne peut pratiquement rien sans les ressources naturelles dont elle a besoin pour travailler, vendre, exporter. Toute comme il serait totalement naïf de croire que l’industrialisation de l’Occident n’était pas directement liée à la colonisation et aux pillages des ressources naturelles des peuples colonisés.
Là aussi ce n’est pas tout. Les nations non-occidentales ont d’ores et déjà démontré, et continueront indéniablement à le faire – d’avoir tout le potentiel scientifico-intellectuel nécessaire pour pouvoir compenser ou créer à terme les alternatives nécessaires aux technologies occidentales. Les cerveaux russes, chinois, indiens, iraniens, et en provenance de beaucoup d’autres endroits du monde ne font d’ailleurs que le confirmer. Et si l’Occident arrivait dans un passé relativement proche à prendre une partie de ces cerveaux, ce processus va indéniablement ralentir dès à présent. Pour quelles raisons? Pour certains par patriotisme, pour d’autres par opportunités de créer de grandes choses (et donc gagner beaucoup d’argent) chez soi, au lieu d’être salariés pour le compte de compagnies occidentales. Pour beaucoup – les deux raisons seront de la partie.
Aussi, et lorsqu’on assiste à ce système qui se met en place, et qui n’est encore une fois que très logique, l’Occident risque de se retrouver dans une situation où:
1) Il ne sera plus le pôle d’attirance par «excellence».
2) Aura de plus en plus de mal à obtenir les matières nécessaires pour son industrie technologique, à moins de suivre à la lettre les conditions des pays à qui appartiennent les dites ressources.
3) Verra l’apparition de concurrents à grande échelle, y compris dans la sphère technologique, en provenance du monde non-occidental, représentant l’écrasante majorité planétaire par la même occasion.
On comprend maintenant beaucoup mieux certains processus qui touchent à l’Afrique. Et notamment pourquoi les pays occidentaux prenaient avec autant d’hystérie la montée en puissance de la coopération entre la Chine et la Russie avec les pays africains. La Chine – première puissance économique mondiale en termes de PIB à parité du pouvoir d’achat et ferme partisan de la multipolarité. La Russie – l’une des deux principales puissances militaires du monde, de même que sur le plan des ressources naturelles à l’échelle planétaire, et elle aussi fer de lance clé des règles multipolaires internationales. L’Afrique – continent si riche en ressources naturelles, mais que l’Occident a si longtemps rabaissé – pour pouvoir mieux piller ces ressources dont il avait si besoin afin de maintenir l’idée d’une domination justifiée de ce même Occident.
Ce schéma vicieux approche la fin. Et le fait que même les partenaires «traditionnels» des USA et de l’Occident se détournent d’eux – ne fait que renforcer cette thèse. Oui, le monde occidental devra apprendre à vivre sur de nouvelles bases et de nouvelles règles, même si cela paraissait inimaginable pour nombre de prétendus experts de ce petit monde. L’Occident avait encore récemment une chance de prendre le tout dernier wagon du train multipolaire. Il l’a raté. Et c’est pourquoi le monde ne sera que post-occidental.
Mikhail Gamandiy-Egorov
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Source : Lire l'article complet par Mondialisation.ca
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