Entre l’hystérie des médias qui diffusent sans recul la narratif du régime de Kiev conseillé par les agences occidentales et les experts militaires qui spéculent de manière aléatoire sur l’évolution tactique des combats, il n’y a pas de place pour la mise en lumière des enjeux géopolitiques de fond escamotés depuis le début de l’opération militaire russe en Ukraine.
À l‘échelle mondiale, ce conflit s’inscrit dans la clarification, au moyen du rapport de force militaire classique, de l’équilibre géopolitique mondial et donc de sa nouvelle configuration au XXIe siècle dominée par trois pôles principaux, la triade formée par États-Unis, la Chine et la Russie. Les calculs opposés des puissances aboutissent à une situation précaire et fluide.
L’asymétrie géopolitique entre la Russie et le États-Unis induite par la géographie est au cœur de cette crise.
Les bases militaires de l’OTAN et des États-Unis (incluant les infrastructures du bouclier antimissile), se sont progressivement rapprochées du territoire de la Russie, avec les élargissements successifs de l’OTAN, selon une manœuvre d’encerclement. Le partenariat oriental de l’UE qui est complémentaire à l’OTAN, participe de cet étranglement progressif de l’espace géopolitique de la Russie, avec pour objectif de créer une zone tampon contre la Russie, et préparer de manière implicite les futurs élargissements de l’OTAN et l’UE.
Il est bien évident que les États-Unis n’accepteraient pas l’installation de bases militaires russes à ses frontières et un élargissement de l’OTSC au Canada ou au Mexique. La doctrine de l’étranger proche mis en avant par la Russie est tout aussi légitime que la doctrine Monroe défendue par les États-Unis, afin de préserver un espace de sécurité et de respiration géopolitique. Les États-Unis comme puissance maritime cherchent à freiner l’accès de la Russie, puissance continentale aux océans mondiaux, d’où la cristallisation de la crise en mer noire, autour de le péninsule de Crimée.
En effet, sur les temps longs, en résonance avec les doctrines de Halford John Mackinder et Nicholas J. Spykman, prolongées par Paul Wolfowitz, Zbigniew Zbrezinsky, Wess Michell. Les États-Unis ont cherché à refouler la Russie dans ses terres continentales depuis la disparation de l’URSS en 1991 et mettre en place une ceinture d’États dans une bande côtière entourant le continent eurasien (le « Rimland » de MacKinder et Spykman).
Cette stratégie a naturellement fini par provoquer une réaction de la Russie par contrecoup géopolitique.
En expansion continue depuis la fin de la guerre froide, les États-Unis se sont finalement retrouvés en sur-extension géopolitique. La bascule géopolitique s’est produite en Syrie, avec l’intervention russe dès 2015, et la bataille d’Alep, qui a fait échouer le changement de régime promu par les États-Unis et leurs alliés du Rimland pour continuer à élargir la zone d’influence euro-atlantiste.
En recul géopolitique depuis l’échec du changement de régime en Syrie dès 2015, suivi du départ d’Afghanistan en 2021, les États-Unis se sont ensuite repositionnés sur une deuxième ligne de front dans l’Indopacifique en opérant un resserrement géopolitique avec les pays anglo-saxons au sein de l’alliance AUKUS.
La régression géopolitique d’une puissance laisse toujours un vide que vient remplir une puissance adverse. Le recul géopolitique des États-Unis et de son instrument l’OTAN, provoque la retour de la Russie sur ses zones d’intérêts prioritaires et ses terres historiques (l’étranger proche).
La Russie, par des opérations militaires successives (Géorgie 2008, Syrie 2015, Ukraine 2014, 2022) ou des opérations d’imposition de la paix (Haut Karabagh 2021) a repris l’initiative et cherche à desserrer l’étau de l’encerclement de l’OTAN dans le Rimland, qui s’élargissait à ses dépend, avec les élargissements successifs de l’OTAN depuis la fin de la guerre froide.
Cette poursuite de la bascule géopolitique ne se fait pas sans difficultés, car les États-Unis et leur alliés de l’OTAN cherchent à faire de l’Ukraine, un nouvel Afghanistan pour la Russie. La dureté des combats entre les armées ukrainiennes et russes résulte avant tout de l’aide militaire portée par tous les pays de l’OTAN, États-Unis en tête à l’Ukraine depuis 2014. Cette aide massive a porté sur l’entrainement, l’armement de l’armée ukrainienne mais aussi la construction d’ infrastructures militaires (ports, bases militaires pour la formation…) et depuis le déclenchement de l’opération russe, avec des livraisons d’armes à partir de la Pologne et la Roumanie, la fourniture continue de renseignements (continuum OTAN-Ukraine), des sanctions économiques massives et la prise en charge de la guerre de communication de l’Ukraine contre la Russie.
L’opération militaire russe de 2022 aboutira pourtant inévitablement à la neutralisation de l’Ukraine c’est à dire le renoncement à l’OTAN, condition minimale et nécessaire pour la sortie de crise.
Du point de vue géopolitique, cela signifierait un nouveau recul géopolitique pour les États-Unis et l’OTAN qui perdraient un État-front qu’ils ont armé et entrainé, sans adhésion formelle à l’OTAN, avant-poste dans le monde russe pour grignoter la sphère d’influence de la Russie.
source : Eurocontinent
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