par Laura Ruggeri.
Le conflit actuel en Ukraine montre que restaurer un sens de la réalité se paie au prix d’un tribut lourd et sanglant.
Le 10 mars, quand le directeur de la CIA Bill Burns s’est adressé au Sénat des États-Unis et a déclaré : « La Russie est en train de perdre la guerre de l’information sur l’Ukraine », il a répété une déclaration qui avait déjà été amplifiée par les médias anglo-américains depuis le début des opérations militaires en Ukraine. Bien que cette déclaration soit factuellement vraie, elle ne nous dit pas pourquoi elle reflète principalement la perspective occidentale. Comme d’habitude, la réalité est beaucoup plus compliquée.
La capacité américaine de guerre de l’information est sans comparatif : quand on en vient à parler de manipuler les perceptions, à produire une réalité alternative et à utiliser l’esprit comme une arme, les États-Unis n’ont pas de rivaux. Le déploiement coercitif d’instruments de pouvoir non militaires pour renforcer son hégémonie et attaquer n’importe quel État qui rivalise avec eux est également indéniable. Et c’est précisément pourquoi la Russie n’a pas eu d’autres choix que l’option militaire pour défendre ses intérêts et sa sécurité nationale.
La guerre hybride, dont la guerre de l’information fait partie, a évolué selon les normes américaines et la doctrine de l’OTAN, mais elle n’a pas rendu la force militaire redondante, comme les guerres de proxys le démontrent. Avec des capacités de guerres hybrides plus limitées, la Russie doit compter sur son armée pour influencer le résultat d’une confrontation avec l’Occident que Moscou considère comme essentielle. Et quand votre existence en tant que nation est en danger, gagner ou perdre la guerre de l’information dans le metaverse occidental devient relativement hors de propos. Gagner chez soi et s’assurer que vos partenaires et alliés comprennent votre position et la rationalité derrière vos actions ont inévitablement la priorité.
L’approche de la Russie sur la question de l’Ukraine est remarquablement différente de celle de l’Occident. Pour ce qui est de la Russie, l’Ukraine n’est pas un pion sur l’échiquier, mais plutôt un membre de la famille avec qui la communication est devenue impossible suite à une interférence étrangère prolongée et des opérations d’influence. Selon Andrei Ilnitsky, un conseiller du ministère de la Défense russe, l’Ukraine est le territoire où le monde russe a perdu une des batailles stratégiques dans la guerre cognitive. Ayant perdu cette bataille, la Russie se sent d’autant plus obligée de gagner la guerre – une guerre pour arrêter les ravages faits à un pays qui a toujours fait partie historiquement du monde russe et pour prévenir les mêmes ravages dans son propre pays. Il est assez révélateur que ce que les États-Unis et l’OTAN appellent une « guerre de l’information » est mentionné comme « mental’naya voina », c’est-à-dire une guerre cognitive, par le proéminent stratège russe. Se trouvant principalement à l’extrémité finale de la réception des opérations d’influence, la Russie s’est attachée à étudier étudié leurs effets délétères.
Alors qu’il est trop tôt pour prédire la trajectoire du conflit entre la Russie et l’Ukraine et ses résultats politiques, l’un des principaux points à retenir est que l’emploi par les États-Unis de tous les instruments de la guerre hybride pour initier et alimenter ce conflit n’a laissé à la Russie aucune autre alternative que le recours au pouvoir militaire pour le résoudre. Vous ne pouvez pas gagner la bataille pour les cœurs et les esprits quand votre adversaire les contrôle. Vous devez d’abord restaurer les conditions qui rendront possible de les atteindre et même après cela, il faudra des années pour cicatriser les blessures et défaire le conditionnement psychologique.
Bien que la désinformation et le mensonge aient toujours fait partie de la guerre, et que l’information soit depuis longtemps utilisée pour soutenir les opérations de combat, dans le cadre de la guerre hybride, l’information joue un rôle central, à tel point qu’en Occident, le combat est considéré comme se tenant principalement à son niveau et que de vastes ressources sont dédiées à influencer les opérations aussi bien en ligne que hors ligne. En 2006, l’ancien Général Maj. Robert H. Scale a expliqué une nouvelle philosophie de combat qui serait ensuite versée dans la doctrine de l’OTAN : « La victoire sera plutôt définie selon les termes de capter les aspect psycho-culturels que le terrain géographique ».
Dans le lexique des États-Unis et de l’OTAN, l’information et l’influence sont des mots interchangeables. « L’information comprend et agrège de nombreux attributs sociaux, culturels, cognitifs, techniques et physiques qui jouent sur et impactent la connaissance, la compréhension, les croyances, les visions du monde et, finalement, les actions d’individus, de groupes, de systèmes, de communautés et d’organisations ».
L’arsenal de la guerre de l’information américain est sans égal parce que les États-Unis contrôlent l’Internet et ses principaux gardiens de contenu comme Google, Facebook, YouTube, Twitter, Wikipedia… Cela signifie qu’ils peuvent exercer un contrôle sur la noosphère, « ce « royaume de l’esprit qui s’étend sur toute la planète » que RAND présentait déjà en 1999 comme partie prenante de la stratégie américaine de l’information. Pour cette raison, aucun gouvernement ne peut ignorer l’impact profond de l’Internet sur l’opinion publique, les affaires d’État et la souveraineté nationale. Parce que ni la Russie ni la Chine ne peuvent battre les États-Unis à un jeu où ceux-ci ont toutes les cartes en main, la meilleure chose à faire est le quitter la table de jeu, ce qui est exactement ce que les deux pouvoirs sont en train de faire, chacun s’appuyant sur ses forces spécifiques.
La « guerre de l’information sur l’Ukraine » n’a pas commencé en réponse aux opérations militaires de la Russie en 2022. Elle a initialement été déchaînée en Ukraine même. Depuis 1991, les États-Unis ont dépensé des milliards de dollars, et l’Union européenne des dizaines de millions, pour arracher ce pays à la Russie, non sans compter l’argent dépensé par l’Open Society de Soros. Aucun coût n’était considéré trop élevé en raison de l’importance de l’Ukraine sur l’échiquier géopolitique. Les opérations d’influence des États-Unis ont mené à deux révolutions de couleur, la Révolution orange (2004-2005) et l’EuroMaïdan (2013-2014). Après le coup d’État sanglant de 2014 et le retrait de tous les contre-pouvoirs, l’influence des États-Unis et de l’OTAN s’est transformée en contrôle total et en une violente répression des dissidents : ceux qui s’étaient opposé au Maïdan vivaient dans la peur – le massacre d’Odessa étant un rappel constant du destin qui s’abattrait sur toute personne qui oserait résister au nouveau régime.
La promotion de tendances néo-nazies s’est intensifiée, en même temps que le culte au collaborateur nazi Stepan Bandera ; des membres d’organisations terroristes comme le Bataillon Azov et d’autres groupes ultranationalistes ont rejoint le gouvernement et la Garde nationale ukrainienne, le passé a été effacé et l’histoire ré-écrite, les monuments soviétiques ont été détruits, les russophones ont été soumis à des menaces quotidiennes et à la discrimination, les partis et les organes d’information pro-russes ont été bannis, la russophobie a été inculquée aux enfants dès la maternelle. En 2020, les projets ultra-nationalistes comme le « Cours de la jeunesse banderiste », le « Festival Banderstadt de l’esprit ukrainien », etc, ont reçu à eux seuls près de la moitié des fonds alloués par le gouvernement pour les enfants et les organisations de jeunesse.
Les Ukrainiens vivant dans les Républiques séparatistes de Donetsk et de Lugansk qui ne pouvaient pas être ciblés par les opérations d’influence ont été ciblés par des rockets, des bombes et des balles : les anciens compatriotes ont été transformés en ennemis presque du jour au lendemain. Alors que tous les indicateurs de qualité de la vie montraient un net déclin, d’importants segments de la population se sont retrouvés à vivre dans un état permanent de dissonance cognitive : on leur disait que de discriminer des LGBT était mal mais que des discriminer des russophones était bien, que de se souvenir des soldats soviétiques qui avaient combattu le nazisme dans la Deuxième Guerre mondiale et libéré Auschwitz était mal, mais que se souvenir de l’Holocauste était bien. Parce que la dissonance cognitive est un sentiment inconfortable, les gens ont eu recours au déni et à l’auto-illusion, ont embrassé n’importe quelle opinion qui était dominante dans leur environnement social pour trouver un soulagement.
Comme l’état d’esprit d’une population entière ne peut pas être changé du jour au lendemain, même avec une armée de spécialistes cognitifs du comportement, les bases ont été posées par étapes. La Révolution orange a aidé à forger une identité ukrainienne nationale, mais précisément parce qu’elle s’appuyait sur des différences culturelles et linguistiques existantes, elle s’est terminée par la révolution de couleur la plus divisée régionalement : les Ukrainiens de l’Ouest dominaient les protestations et les Ukrainiens de l’Est s’y opposaient largement. La Révolution orange a eu un effet profond sur la perception que les Ukrainiens avaient d’eux-mêmes et de leur identité nationale mais elle n’est pas parvenue à couper les liens politiques, culturels, sociaux et économiques entre l’Ukraine et la Russie. La plupart des gens des deux côtés de la frontière ont continué à voir les deux pays comme étant inextricablement liés.
Une deuxième révolution, l’Euromaïdan, devait finir le travail démarré en 2004. Cette fois le narratif avait une portée plus large : ses partisans identifiaient la corruption et le manque de perspectives économiques comme les griefs principaux de la population, ciblaient les dirigeants ukrainiens et leurs liens avec la Russie comme cause principale des troubles du pays et proposaient l’intégration dans l’Union européenne comme solution miracle.
Prendre la Russie comme bouc émissaire pour tous les problèmes sociétaux et économiques, attiser le sentiment anti-russe était exactement ce qu’une myriade de joueurs américains ou financés par les États-Unis ont fait depuis la chute de l’Union soviétique. L’Ukraine, comme le reste des pays post-soviétiques, grouille de médias, d’ONG, d’éducateurs, de groupes de diasporas, de militants politiques, de chefs d’entreprises et de leaders communautaires dont le statut a été artificiellement gonflé par leur accès à des ressources étrangères et à des réseaux internationaux.
Ces « vecteurs d’influence » introduits eux-mêmes en tant que pourvoyeurs des « normes et des meilleures pratiques du monde », des « règles démocratiques », du « développement participatif et responsable », ont utilisé les mots clés du marketing pour leur travail de démolition des pratiques existantes et des cadres de référence et leur substitution par de nouveaux cadres et pratiques, souvent de qualité inférieure. Sous le prétexte de combattre la corruption, d’offrir un chemin pour la modernisation et le développement, ces joueurs se sont implantés dans la société civile ukrainienne, ont modelé sa conscience collective et diabolisé aussi bien la Russie, les politiciens locaux et les figures publiques favorables à des relations rapprochées avec Moscou.
Le travail de ces agents d’influence a été un instrument pour démolir les visions du monde, les croyances, les valeurs et les perceptions qui dataient de l’époque soviétique, altérant ainsi la compréhension que la population avait d’elle-même. Les agents d’influence se sont assuré que les générations les plus jeunes ignoreraient l’histoire de leur pays et embrasseraient une nouvelle identité fictionnelle.
Mais les révolutions de couleur nécessitent à la fois des cerveaux et des muscles pour renverser les gouvernement et défendre les pouvoirs de la nouvelle classe dirigeante. La force brute nécessaire pour intimider et attaquer ceux qui étaient réfractaires aux opérations d’influence ne pouvait être fournie que par des éléments marginaux de la société séduits par la rhétorique ultra-nationaliste.
Ces violents groupes marginaux ont été organisés et habilités à exercer une plus grande influence en Ukraine et à attirer ainsi plus d’adeptes. Une identité imaginaire et romantisée a été radicalisée par des déclarations absurdes affirmant que les Ukrainiens et les Russes ne pouvaient pas être appelées des nations sœurs parce que les Ukrainiens sont de « pur sang slave » tandis que les Russes sont « des sang mêlés barbares ». Il n’y a pas de limite : des reconstitutions épurées de tropes de propagande nazie comme les parades avec les torches qui peuvent être très impressionnantes sur les médias sociaux, des speechs faisant écho à la rhétorique xénophobe et anti-sémite d’Hitler, le culte de Bandera et de ceux qui avaient combattu avec les Nazis contre l’Armée soviétique.
Alors que des groupes étrangers partageant les mêmes boîtes à outils idéologiques étaient appelés organisations extrémistes et terroristes juste de l’autre côté de la frontière, en Ukraine ils recevaient des conseils, un soutien financier et militaire de l’armée américaine et de la CIA. En même temps, la filiale présentable de la CIA, la NED, donnait des subventions, des bourses, des donations et des récompenses médiatiques à leurs compagnons endossant le politiquement correct et les slogans de « liberté, démocraties et droits de l’homme ». La dernière cohorte pouvait blanchir les crimes de la précédente. Après tout, si des membres d’Al-Quaïda coiffés de casques blancs en Syrie étaient devenu des chouchous des médias occidentaux, et avaient même gagné un Oscar, des néonazis pouvaient tout aussi facilement être commercialisés en tant que défenseur sde la démocratie.
La population de l’Ukraine a été soumise au type d’opérations psychologiques qui font vouloir plus d’un remède qui non seulement ne soigne pas la maladie mais en plus pourrait tuer le patient. Pour transformer le pays en tête de pont pour lancer des opérations hostiles destinées à affaiblir la Russie et à créer un fossé entre Moscou et l’Europe, la Russophobie est devenu une sorte de religion d’État, tous ceux qui ne la pratiquent pas doivent être marginalisés et éventuellement exclus du discours public. La pression pour amener les gens à se soumettre était si forte qu’elle a altéré le jugement.
La construction discursive d’un ennemi nécessite la constante démonisation de la Russie (Mordor), des Russes (des barbares eurasiatiques non civilisés) et des séparatistes du Donbass (des sauvages, des sous-hommes).
Quand les narratifs néo-nazis et russophobes sont normalisés et autorisés à dessiner les politiques et les discours dominants, quand les gens sont « sevrés » de pensée critique, de leur propre histoire, et qu’une guerre de huit ans est menée contre leur compatriotes, c’est un signe que les cerveaux des gens ont été utilisés comme des armes.
La conscience publique a été activement manipulée à la fois au niveau de la signification et au niveau des émotions. La perception sélective et les fantaisies de consolation ont fait partie des mécanismes psychologiques assurant que la population pourrait gérer le stress de vivre dans un état de dissonance cognitive où les faits et la fiction ne peuvent plus être séparés. En offrant un passage bas de gamme à travers un monde complexe, ces narratifs ont fourni une certitude émotionnelle au prix d’une compréhension rationnelle.
La décision émotionnellement satisfaisante de croire, d’avoir une foi, a immunisé les individus contre les faits dérangeants et les contre-arguments. L’élection d’un acteur sur la base de sa performance convaincante comme président dans une série télévisée intitulée « Serviteur du peuple » a confirmé la substitution victorieuse de la politique par le spectacle de sa simulation : ce n’était pas simplement le brouillage de l’illusion et de la réalité, mais l’authentification de l’illusion comme étant plus réelle que la réalité elle-même. La majorité des Ukrainiens a voté pour la marque d’un nouveau parti nommé d’après le nom d’une fiction télévisée et qui était le produit de l’imagination des mêmes personnes. Un parti qui a même utilisé des panneaux publicitaires pour faire la promotion de la campagne électorale de Zelensky.
Avec le flux mondial des séries télé de Netflix et leur retransmission dans plus d’une douzaine de canaux télévisés en Europe, nous voyons le marketing de Zelinsky vers les audiences étrangères comme une image-objet dont la réalité immédiate est sa fonction symbolique dans un système sémiotique de signifiants abstraits qui prennent un vie propre et génèrent une réalité parallèle, virtuelle. Cette réalité virtuelle en retour génère son propre discours.
Par exemple, pour les audiences étrangères, la guerre de huit ans dans le Donbass qui a causé 14 000 morts est moins réelle que les images extrapolées d’un jeu vidéo et transmises comme « le bombardement de Kiev ». C’est parce que la guerre dans le Donbass a été largement ignorée des médias internationaux.
Les images d’atrocités, qu’elles soient sorties de leurs contextes ou fabriquées, sont devenues des signifiants flottant librement, qui peuvent être réutilisés selon les besoins des propagandistes, pendant que les réelles atrocités doivent être cachées. Après tout, peu importe que le narratif soit vrai ou faux, à partir du moment où il est convaincant.
Dans l’Ukraine post-Maïdan, on peut voir une anticipation du sort qui attend le reste de l’Europe, presque comme si l’Ukraine n’avait pas été seulement un laboratoire pour les révolutions de couleur, mais aussi un terrain d’essai pour le genre d’opération de guerre cognitive qui mènent à la destruction rapide de n’importe quel vestige de civilité, de logique et de rationalité existant encore en Occident.
La guerre cognitive intègre des capacités cybernétiques, éducationnelles, psychologiques et d’ingénierie sociale pour parvenir à ses buts. Les médias sociaux jouent un rôle central en tant que force démultiplicatrice et sont un outil puissant pour exploiter les émotions et renforcer les biais cognitifs. Un volume et une rapidité d’information sans précédent submergent les capacités cognitives individuelles et encouragent le « thinking fast », le « penser vite », (réflexivement et émotionnellement) par opposition à un « thinking slow », un « penser lentement » (rationnellement et judicieusement). Les médias sociaux induisent aussi une approbation sociale, où les individus imitent et affirment les actions et les croyances des autres pour s’intégrer, créant ainsi des chambres de résonance au conformisme et à la pensée unique. Modeler les perceptions est la seule chose qui compte ; les opinions critiques, les vérités qui dérangent, les faits qui contredisent le narratif dominant doivent être supprimés en un clic ou en modifiant les algorithmes. L’OTAN utilise l’apprentissage automatique et la reconnaissance des formes pour identifier rapidement les lieux d’où sont originaires les publications des médias sociaux, les messages et les articles d’information, les thèmes abordés, les identifiants sentimentaux et linguistiques, le rythme de publication, les liens entre les comptes de médias sociaux, etc.
Un tel système permet une surveillance en temps réel et fournit des alertes aux partenaires de l’OTAN et aux médias sociaux qui s’acquittent invariablement des requêtes pour supprimer ou invisibiliser le contenu et les comptes jugés problématiques.
Une population polarisée et désorientée cognitivement est une cible idéale pour des types de manipulations émotionnelles connus comme l’écriture de la pensée (thought-scripting) et le conditionnement mental (mind boxing). La pensée d’une personne tend à se figer autour de scénarios de plus en plus construits. Et si le scénario est discutable, il est peu probable qu’il soit modifié par des arguments. Le cerveau bien conditionné (well boxed) est imperméable à l’information qui n’est pas conforme au scénario et sans défense contre les puissantes fausses informations ou les simplifications qu’il a été préparé à croire. Plus un cerveau est conditionné, plus l’environnement politique et le dialogue public sont polarisés. Ces dégâts cognitifs rendent tout effort pour promouvoir un équilibre et un compromis peu attirants, et dans les cas les pire même impossible. Le tournant totalitaire des régimes libéraux de l’Occident et la mentalité insulaire des élites politiques occidentales semble confirmer ce triste état des choses.
Avec la censure des médias russes, l’exclusion et le harcèlement de quiconque cherche à expliquer la position de la Russie, l’équivalent d’un nettoyage ethnique du discours public a été accompli et ses cheerleaders ont les visages éclairés de sourires fous qui ne présagent rien de bon.
Les exemples de frénésie irrationnelle des foules sont trop nombreux pour être listés, ceux qui sont victimes de cette ferveur pseudo-religieuse demandent que la Russie et les Russes sont supprimés. Pour cela, nous n’avez même pas besoin d’être humain ou vivant pour devenir une cible de l’hystérie de masse : les chats et les chiens russes ont été bannis des compétitions, les classiques russes bannis de l’ université et les produits russes ont été retirés des rayons.
La manipulation acharnée des émotions a déchaîné un dangereux tourbillon d’insanité de masse. Comme en Ukraine, en Europe les citoyens soutiennent des décisions et appellent à des mesures contre leurs propres intérêts, contre leur prospérité et leur futur. « Je gèlerai pour l’Ukraine » est le nouveau paradigme de la vertu parmi ceux qui n’ont accès qu’aux informations approuvées par l’Amérique et aux types de scénarios compatibles avec un cadre de référence qui exclut la complexité. Dans cet univers parallèle, fictionnel, une sorte de metaunivers (metaverse) sécurisé, rassurant, compensatoire libéré du désordre de la réalité, l’Occident occupe toujours le terrain supérieur de la moralité.
La vaste couverture médiatique internationale de la guerre en Ukraine a été non seulement fictionnelle mais aussi totalement alignée sur les narratifs fournis par les unités de propagande ukrainiennes mises et places et financées par l’USAID, la NED, l’Open Society, le Pierre Omidyar Network, la European Endowmnent for Democracy etc.
Dan Cohen dans un article publié par Mint Press décrit en détail comment le système stratégique d’information ukrainien fonctionne. L’Ukraine, avec l’aide de consultants étrangers et des principaux partenaires médiatiques, a construit un réseau efficace d’agences de médias et de relations publiques qui produisent activement et promeuvent des fausses nouvelles. Dans les pays de l’OTAN, quiconque ose questionner l’exactitude de ces informations est accusé d’être un « agent de Poutine », attaqué et exclut du débat public. L’espace d’information est si lourdement gardé qu’il ressemble à une chambre d’écho.
Les campagnes de désinformation ukrainiennes affectent le jugement des audiences occidentales comme des législateurs. Le 8 mars, quand le président Zelensky s’est adressé à distance à la Chambre des Communs de l’Angleterre, de nombreux membres du parlement n’avaient pas de casques pour écouter la traduction simultanée de son discours. Cela n’avait pas d’importance. Ils ont aimé le spectacle et ont applaudi avec enthousiasme. Dans leurs esprits conditionnés, Zelensky était déjà classé comme « notre bon gars à Kiev », et tous les scénarios, même incompréhensibles, feraient l’affaire. Le 1er mars, des diplomates de pays occidentaux et leurs alliés sont sortis lors une liaison vidéo pendant l’intervention du ministre des Affaires étrangères de Russie, Sergueï Lavrov, à la conférence des Nations unies sur le désarmement à Genève. Les cerveaux conditionnés sont incapables cognitivement de s’engager dans des discussions avec ceux qui ont des visions différentes, rendant la diplomatie impossible. C’est pourquoi au lieu de compétences diplomatiques nous voyons des acrobaties théâtrales et médiatiques, des costumes vides qui délivrent les dialogues de scénarios et projettent une supériorité morale.
L’Occident a trouvé refuge dans ce monde de paraître généré par les médias parce qu’il ne peut plus résoudre ses problèmes systémiques : au lieu du développement et du progrès, nous voyons une régression économique, sociale, intellectuelle et politique, l’anxiété, la frustration, des illusions de grandeur et l’irrationalité. L’Occident est devenu complètement auto-référentiel.
L’idéologie dystopique et les projets d’ingénierie sociale comme le transhumanisme et le Great Reset sont les seules solutions que les élites occidentales peuvent offrir pour affronter l’implosion inévitable d’un système qu’elles ont contribué à briser.
Ces « solutions » nécessitent la suppression du pluralisme, la limitation de la liberté d’information et d’expression, l’usage élargi de la violence pour intimider les penseurs critiques, la désinformation et la manipulation émotionnelle, en gros, la destruction des fondements même de la démocratie moderne, le discours public, le débat rationnel et la participation éclairée dans le processus de prise de décision. La cerise sur le gâteau est que ceci est cyniquement emballé et promu comme une « victoire de la démocratie contre l’autoritarisme ». Pour construire la démocratie ils doivent d’abord la tuer et ensuite la remplacer par son simulacre.
Mais un espace mondial de communication et d’information qui ne respecte pas le principe de pluralisme et de respect mutuel produit inévitablement ses propres fossoyeurs. Nous voyons déjà comment cet espace mondial est en train de se fragmenter en espaces d’information hautement défendus le long des lignes des sphères d’influence géopolitiques. Le projet de mondialisation mené par les États-Unis est en train de s’effilocher et c’est principalement dû à son ambition démesurée.
Les États-Unis pourraient bien être en train de gagner la guerre de l’information en Occident mais toute victoire dans un univers parallèle créé par les médias pourraient rapidement se transformer en une victoire à la Pyrrhus quand la réalité se réaffirmera elle-même.
L’histoire récente nous dit que les narratifs soigneusement fabriqués, la désinformation et la diabolisation des opposants radicalise et polarise l’opinion publique, mais la victoire dans le champ de bataille de l’information ne se traduit pas nécessairement en une victoire militaire ou politique, comme nous l’avons vu en Syrie et en Afghanistan.
Pendant que l’Occident collectif se réjouit de son succès après l’option nucléaire d’interdire tous les médias russes de l’infosphère mondiale qu’il contrôle, il est trop aveuglé par l’hybris pour même voir les inévitables conséquences. Le contrôle total sur le narratif est accompli à travers des mesures autoritaires et la répression des voix dissidentes, qui est à l’inverse des démocraties inclusives et des valeurs universelles que l’Occident prétend hypocritement défendre et est projeté activement dans le Sud global. Dans la confrontation idéologique avec les pays qu’il définit comme « autoritaires », l’Occident est en train de perdre l’avantage qu’il prétendait posséder.
L’ordre mondial unipolaire mené par les États-Unis arrive à une fin et l’Occident perd rapidement son influence. La Russie fait attention et dans le future, elle pourrait investir plus d’énergie pour atteindre des audiences non occidentales à la place, c’est-à-dire des gens qui ne sont pas endoctrinés et imperméables à la vérité, aux faits et à la raison comme leurs homologues occidentaux.
Alors qu’au début de la révolution de l’information la Chine a pris des mesures pour protéger sa souveraineté digitale, pour bien des raison, il a fallu plus de temps à la Russie pour reconnaître le danger représenté par un système de communication et d’information qui, en débit de ses déclarations initiales d’être un terrain de jeu ouvert et équitable, est actuellement truqué en faveur de ceux qui le contrôlent.
L’initiative de la Russie en Ukraine n’est pas seulement une réponse aux attaques sur la population du Donbass et un moyen de prévenir l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN. Son but avoué de dénazifier l’Ukraine est une réponse défensive aux intenses opération de guerre cognitive que les États-Unis ont mené aussi bien en Russie que dans les pays environnants. L’expansion vers l’Est de l’OTAN n’étaient pas une simple expansion militaire, elle menait aussi à l’occupation de l’espace psycho-culturel, informationnel et politique.
Après avoir perdu une bataille stratégique dans la guerre cognitive, vu la normalisation de la russophobie néo-nazie et réalisé que des forces hostiles, aussi bien domestiques qu’étrangères, se sont retranchées en Ukraine, la Russie se sent d’autant plus obligée de gagner la guerre, comme Andrei Illnitsky l’a expliqué dans une interview à Zvezda. Illnitsky a reconnu que « Le plus grand danger d’une guerre cognitive est que ses conséquences sont irréversibles et peuvent se manifester pendant des générations. Les gens qui parlent le même langage que nous sont soudainement devenu nos ennemis ». L’érection de monuments à la gloire de Stepan Bandera, alors que ceux dédiés aux soldats soviétiques étaient détruits, était non seulement une provocation intolérable pour la Russie – un pays qui a perdu 26,6 millions d’hommes et de femmes en combattant le nazisme pendant la Deuxième Guerre mondiale – c’était aussi une expression tangible du genre d’effacement et de réécriture de l’histoire qui n’est pas seulement limitée à l’Ukraine.
Le conflit actuel en Ukraine montre que de restaurer un sens de la réalité se paie au prix d’un tribut lourd et sanglant. Malheureusement, quand on en vient aux questions de sécurité nationale, les décisions douloureuses ne peuvent pas être indéfiniment différées.
source : Strategic Culture Foundation
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Source : Lire l'article complet par Réseau International
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