Dès le début de l’opération militaire russe en Ukraine, la Russie a affirmé ne pas vouloir « occuper » l’Ukraine. Cette rhétorique, si elle est censée maîtriser un certain discours dans la communication, se confronte aux difficultés de la réalité : il faut gérer le territoire et éviter la montée de la criminalité, les gens, dans la région de Kiev par exemple, demandant si c’est à nouveau la Russie ou encore l’Ukraine. La question de la frontière politique est d’autant plus importante, que, pendant ce temps-là, la Pologne se prépare, avec le soutien des États-Unis, à reprendre l’Ukraine de l’Ouest et à s’installer à Lvov. De plus en plus de voix en Russie appellent les dirigeants à aller au bout de la logique de cette opération militaire, qui ne peut se passer d’une dimension politique. Le moment de décider de l’avenir du territoire ukrainien et des habitants est arrivé.
L’Ukraine n’est pas l’Allemagne nazie, ce c’est pas un pays souverain. Prendre militairement le territoire et rentrer chez soi reviendrait à une capitulation du vainqueur, car l’Ukraine reprendra avec ses tuteurs ses habitudes et ses travers. Par ailleurs, les territoires sur lesquels avance l’armée russe doivent être sécurisés. Les pouvoirs locaux prennent souvent courageusement la fuite à la vue de l’armée russe, les localités se retrouvent livrées à elles-mêmes et confrontées à la montée de la criminalité. Comme le rappelle Oleg Tsarev, ancien député ukrainien et candidat aux présidentielles en 2014, il faut absolument installer des administrations militaires temporaires sur ce territoire, de manière stable et non pas simplement traverser les espaces plus ou moins habités en distribuant de l’aide humanitaire.
D’une manière générale, les gens ont besoin de savoir ce qui se passe et où ils vivent. Dans la région de Kiev par exemple, où l’armée russe distribue de l’aide humanitaire, les populations ne sont pas hostiles, les enfants viennent naturellement vers les soldats, les gens discutent, ils veulent s’organiser face à un pouvoir défaillant. Et naturellement ils veulent savoir s’ils retournent en Russie ou bien si c’est temporaire et le pouvoir ukrainien va revenir. Si la Russie ne veut pas « occuper » le territoire, c’est-à-dire être présente contre la volonté des gens, elle doit de toute manière, surtout dans ces zones favorables, organiser des structures administratives et de police permettant aux gens de comprendre quel avenir est possible et de les inciter à sortir de l’ombre, n’ayant plus à avoir peur des répressions des extrémistes et du pouvoir kiévien. Ces zones doivent absolument être administrées et sécurisées, des règles de vie doivent être établies, un droit doit être instauré et les drapeaux ne doivent pas être cachés. Si les gens voient une véritable volonté en face d’eux, ils vont alors avoir le courage de se révolter contre le pouvoir de Kiev et de ses bandes, de se libérer et de s’affirmer. Sinon, pourquoi devraient-ils prendre des risques, si des membres de SBU vont ensuite débarquer et les interpeller, voire les fusiller ? L’on se souvriendra de ce maire de Koupiansk, dans la région de Kharkov, qui appelait à l’arrivée de l’armée russe à être du côté des forces russes et qui est aujourd’hui incarcéré à Kiev, sous le coup d’une affaire pour haute trahison, après avoir été enlévé par les services ukrainiens dans un territoire tenu par l’armée russe. Egalement tragique, cet activiste pro-russe, Pavel Slobodtchuk, ancien conseiller du maire, qui a été fusillé dans sa voiture à côté de sa femme à Kherson, lui est décédé, elle est à l’hôpital dans un état grave. Exemple inverse, dans le port de la mer d’Azov, à Berdiansk, les forces russes ont interpellé un agent du SBU, qui préparait un attentat dans la ville contre le député de la Rada Alexandre Ponomarev, qui ne soutient pas Zelensky et sa bande.
Dans la région de Kherson, justement, une administration militaire russe a été mise en place, mais comme le souligne le député de Russie Juste, Viktor Yatsenko, puisque la Russie ne propose aucune perspective concrète, cela ne permet pas de mettre en place une base politique, alors qu’une grande partie de la population est pro-russe :
« Ce n’est pas qu’il n’existe pas de véritable épine dorsale pro-russe qui pourrait sortir aujourd’hui – c’est qu’elle n’est pas prête, n’a pas encore été formée pour une simple raison. Personne ne déclare les vraies règles du jeu. Personne ne déclare que Kherson, c’est la Russie, et c’est une zone tampon où les droits des Russes seront protégés ».
Le politicien ukrainien Tsarev, qui reprend du poids politique en Ukraine, explique clairement sa position :
« Je ne vais pas parler comme il est convenu de le faire par les personnes officielles. Je ne vais pas respecter le politiquement correct. Je vais le dire clairement – l’Ukraine ne doit pas exister comme État. Ce sont des terres russes et elles doivent rentrer en Russie. De quelle manière cela doit se passer, c’est à discuter. Ce peut être et une confédération, et une intégration directe dans la Russie. Nous en discuterons avec le peuple. Mais nous devons clairement affirmer que l’Ukraine, comme anti-Russie, comme un État profondément ennemi à la Russie, ne doit pas exister. C’est notre terre russe historique, ce sont nos gens, même s’ils sont actuellement malades du nationalisme. Mais ce sont nos gens ».
Le positionnement de la frontière, non seulement étatique, mais déjà politique, est fondamental. Un autre député, de Russie Unie, Vladimir Chamanov, ancien commandant des troupes aéroportées russes, s’est exprimé sans ambages devant les caméras, estimant que l’opération militaire russe devra aller jusqu’à la frontière entre l’Ukraine et la Pologne, et que les autorités russes doivent clairement déterminer où est la frontière. Bref, il faut avoir le courage de ses ambitions.
Cette position est d’autant plus intéressante, lorsque l’on voit la tentation d’utiliser les visions expansionnistes historiques de la Pologne par les États-Unis. En effet, le Premier ministre polonais a déclaré soumettre au sommet OTAN-UE ce 24 mars la proposition de l’envoi d’une « mission de la paix » en Ukraine de l’Ouest, avec l’idée à peine cachée de s’installer à Lvov … longtemps. Déjà les pays Baltes envisagent de rejoindre le mouvement, mais avec des contingents militaires. Lavrov a mis en garde, rappelant le risque d’une confrontation, alors directe, entre la Russie et l’OTAN. Pourtant, il est tout à fait possible, vu le faible enthousiasme des pays de l’OTAN, qu’une mission autonome soit mise en place, n’oublions pas que la Hongrie et la Roumanie ont des intérêts dans la région, Biden se rendant justement à Varsovie après le sommet. Les États-Unis ont l’habitude de ces méthodes et peuvent parfaitement prendre le risque d’un élargissement du conflit militaire … aux frais de l’Europe.
Si la Russie sécurise le territoire ukrainien et pose clairement des frontières, sans entrer encore une fois dans d’éternelles et inutiles négociations, elle peut couper court à la dimension militaire du conflit en Ukraine. Ces pays satellites des États-Unis ont l’appétit qui se réveille, tant qu’ils sentent une hésitation en face d’eux, qui leur ouvre la porte, mais il y a peu de chances qu’ils prennent sciemment le risque d’une confrontation avec l’armée russe. La dimension politique du conflit, elle, sera beaucoup plus longue, car la source du problème n’est pas Kiev, mais Washington. Le processus de déglobalisation que nous observons en Russie (voir notre texte ici), notamment avec le départ de certains cardinaux gris comme Tchoubaïs, donne bon espoir et peut ouvrir une brèche dans l’habitude de soumission des autres pays : il est possible de vivre autrement, il est possible de vivre souverainement et le combat en vaut la peine.
PS : Oleg Tsarev est actuellement à Moscou pour soulever de nombreuses questions liées à l’Ukraine, dont nous avons ici parlées. Mais se pose également celle des prisonniers politiques ukrainiens, incarcérés pour leurs positions anti-Maïdan, qui sont emprisonnés sur les territoires libérés par l’armée russe. Cela fait presque un mois et ils sont toujours en prison. Un sentiment d’injustice monte. Comment les libérer, comment assurer la transition juridique et judiciaire sur ces territoires, ce sont des questions fondamentales que la Russie va devoir régler … rapidement.
source : Russie Politics
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Source : Lire l'article complet par Réseau International
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