Jean Castex a une bonne formation universitaire : élève de l’Institut politique de Paris, il obtint une maîtrise de droit public, puis il entra à l’Ecole nationale d’administration (ENA), promotion Victor Hugo (1991). Il a eu par la suite, un parcours professionnel exemplaire au service de l’Etat et des fonctions dans divers ministères. Enfin, il a été choisi par notre Président comme Premier ministre le 3 juillet 2020.
En l’absence du Chef de l’Etat, retenu par le conflit russo-ukrénien, le Premier ministre a été invité, le 25 février, à prononcer un discours au dîner du CRIF, où toute personnalité française, de droite ou de gauche, tient à participer chaque année.
En cette période où dénoncer la violation du droit international par la Russie de Poutine est de règle, le naïf que je suis, pensait que le Premier ministre n’hésiterait pas à avoir le courage de dénoncer l’Etat d’Israël, qui bafoue le droit international depuis sa création en 1948. Quelle erreur !
Le Premier ministre a fait très fort : « Comme vous, je m’inquiète de la résolution des Nations Unies sur Jérusalem qui continue d’écarter, à dessein et contre toute évidence, la terminologie juive de « mont du temple ». Mais notre pays n’a-t-il pas voté le 6 décembre 2021 en faveur de cette résolution – Jean Castex était déjà Premier ministre – si critiquée à l’époque en particulier par le CRIF ?
Prolongeant les affirmations de ces dirigeants, thuriféraires de l’Etat d’Israël, il n’hésitait pas à poursuivre : « Vous connaissez mon attachement à Jérusalem – il a le droit de le dire – Jérusalem est la capitale éternelle du peuple juif, Je n’ai jamais cessé de le dire – là, à tort » !
Jean Castex n’avait que deux ans lors de l’invasion en juin 1967 et l’occupation du futur Etat palestinien – 194ème Etat des Nations Unies, membre observateur, depuis le vote historique du 29 novembre 2012. Il a tout de même, au cours de ses études de juriste, dû entendre parler de la résolution 242 du Conseil de sécurité (CDS) du 22 novembre 1967, renouvelée le 22 octobre 1973, après la guerre du ramadan/kippour. Je la lui rappelle : « Soulignant l’inadmissibilité de l’acquisition de territoire par la guerre (…) ». Donc de Jérusalem-Est. A ce sujet, le Premier ministre ignore-t-il aussi les nombreuses résolutions des Nations Unies concernant cette ville ? La résolution 248 du CDS de 1968 déclarant que « toutes les mesures et dispositions législatives et administratives prises par Israël (…) qui tendent à modifier le statut juridique de Jérusalem sont non valides et ne peuvent modifier ce statut ». Le CDS a souvent renouvelé cette prise de position, en particulier avec les résolutions 476 du 30 juin 1980, puis 478 du 20 août 1980, réaffirmant que toutes les mesures prises pour modifier le statut de la ville étaient « nulles et non avenues ».
Le Premier ministre, enfin, a-t-il oublié le communiqué des 27 dirigeants européens, dont notre pays, affirmant le 14 décembre 2020 que la position de l’Union Européenne sur le statut de Jérusalem restait « inchangée », après la déclaration du président Donald Trump de reconnaître la Ville sainte en tant que capitale d’Israël ?
Violer la légalité internationale, que la France, en tant que membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU est censée faire respecter, n’est-il pas déshonorant de la part de notre Premier ministre ? Mais, comme certains autres dirigeants, il n’a que faire du droit international.
Il va encore plus loin : « Il n’est pas acceptable que (…) des associations abusent de termes historiquement chargés de honte, comme pour qualifier l’Etat d’Israël. Comment parler d’apartheid dans un Etat où les citoyens arabes sont représentés au gouvernement, au Parlement, etc. ? »
Jean Castex vise, tout simplement le rapport de Richard Falk et Viriginia Telley publié en mars 2017, où pour la première fois une Commission de l’ONU, établissait par une étude rigoureuse, qu’Israël « impose aux Palestiniens, quel que soit le territoire où ils vivent, un régime d’apartheid qui les discrimine et les oppresse pour le bénéfice d’un autre groupe les Juifs israéliens ». Régime d’apartheid confirmé récemment par l’association Amnesty International, et antérieurement, avec un courage qui l’honore, par l’association juive israélienne B’Tselem.
Quant à ses exemples concernant la démocratie israélienne, le Premier ministre a-t-il, là aussi, oublié le célèbre pâté d’alouette : un cheval, une alouette ?
Un autre Premier ministre s’est tout autant illustré ces derniers jours, Naftalie Bennett, le Premier ministre d’Israël.
N’hésitant pas à bafouer le shabbat le samedi 5 mars, il décide de s’impliquer pour tenter de trouver une sortie à la crise ukrainienne. Sans se joindre au concert des nations qui ont condamné la Russie, vu les liens d’Israël avec Moscou et Kiev, il s’est vu en médiateur ! Une « obligation morale », clame Radio J, le lundi matin ! Un comble. Son pays, Israël occupe son voisin, la Palestine depuis bientôt 55 ans. Il a toujours affirmé qu’il n’y aurait jamais d’Etat palestinien et il se déplace pour donner une leçon aux belligérants !
J’évoque à nouveau le conflit russo-ukrénien. Comment ne pas souligner la démonstration flagrante de l’hypocrisie des dirigeants occidentaux, qui n’ont jamais rien fait pour s’opposer à l’occupation de la Palestine ? Deux exemples, qui heurtent tous « Les Damnés de la terre », si bien évoqués par Frantz Fanon : l’Occident envoie des armes pour aider la résistance ukrainienne, mais envoie aussi des armes… pour armer Israël ! L’Occident boycotte même les écrivains, musiciens, etc. russes, mais n’hésite pas à laisser Tel-Aviv organiser le Concours Eurovision de la chanson et, pour notre pays, à interdire le boycott d’Israël !
Nota Bene : Article adressé, avant parution sur ce site, au Premier ministre Jean Castex, avec copie à Emmanuel Macron
*Me Maurice Buttin est président d’honneur du Comité de Vigilance pour une Paix Réelle au Proche-Orient, membre des C.A. de « Pour Jérusalem », de « Chrétiens de la Méditerranée », des « Amis de Sabeel-France ». Il est membre de l’AFPS.
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Source: Lire l'article complet de Le Grand Soir