Madeleine Albright née le 15 mai 1937 à Prague (Tchécoslovaquie) a définitivement cessé de nuire au monde ce 23 mars 2022, à 84 ans. Diplomate, politicienne mais aussi femme d’affaires américaine, elle est née de parents juifs –
son père était un diplomate tchèque. Membre du Parti démocrate, elle fut ambassadrice américaine auprès des Nations unies de 1993 à 1997 puis secrétaire d’État des États-Unis entre 1997 et 2001 dans l’administration du président Bill Clinton.
Rappelons que son père, Josef Korbel – qui obtint l’asile politique aux États-Unis en 1949 où il enseigna la politique internationale à l’université de Denver –, a essaimé en matière de relations internationales, lui-même, mais aussi par l’entremise de sa fille Madeleine Albright ou encrore sa célèbre élève Condoleezza Rice, conseillère à la Sécurité nationale sous George Bush (2001 à 2005).
« Le professeur Korbel assurait que pour dominer le monde, il suffisait que Washington impose une réécriture des relations internationales dans des termes juridiques anglo-saxons. En effet, en plaçant le contrat au-dessus de la Loi le droit anglo-saxon privilégie sur le long terme les riches et les puissants par rapport aux pauvres et aux misérables » (Thierry Meyssan).
Mais c’est avec cette sortie ignoble et inhumaine, à l’instar de son visage qui ne trompait pas, qu’elle s’était rendue célèbre du grand public en 1996 sur CBS News (ou tout au moins du public averti de la dissidence de l’époque) :
Journaliste : « Un demi-million d’enfants sont morts, c’est plus qu’à Hiroshima (et probablement davantage qu’à Auschwitz selon les chiffres officiels – NDLR), est-ce que cela en vaut le prix ? »
Madeleine Albright : « C’est un choix très difficile, mais nous pensons que cela en vaut le prix »
Les sanctions durèrent jusqu’en 2003, date de la seconde guerre du Golfe, comme on a l’habitude de la nommer, qui plongea une Irak exsangue dans près de vingt années de guerre puis un chaos qui perdure encore.
Elle enchaîna toute sa vie les coups foireux ou les choix inhumains, un peu comme son coreligionnaire Henry Kissinger (toujours vivant, lui, à 98 ans) mais sans avoir eu le mauvais goût de recevoir un prix Nobel de la paix. Voici un très court florilège de ses (basses) œuvres :
1994 : ambassadrice américaine aux Nations unies sous la présidence Clinton, elle tarda (ou retarda) l’intervention américaine lors du génocide des Tutsis au Rwanda. Alors que le carnage se poursuivait, les Nations unies ont tergiversé pour organiser une quelconque réponse à la tragédie en cours. Or les Américains, menés précisément par l’ambassadrice Madeleine Albright, ont joué un rôle clé dans le blocage d’une action plus rapide de l’ONU.
1996 : les Talibans prennent Kaboul, Madeleine Albright, alors secrétaire d’État, déclare : « c’est un pas positif ». Il est vrai qu’ils furent à l’époque des alliés objectifs. Jusqu’au 11 septembre 2001…
1998 : défendant la politique de diplomatie coercitive contre l’Irak, elle déclare : « C’est la menace du recours à la force [contre l’Irak] et notre déploiement là-bas qui va donner de la force à la diplomatie. Si nous devons utiliser la force, c’est parce que nous sommes l’Amérique ; nous sommes la nation indispensable. Nous sommes debout et nous voyons plus loin dans l’avenir que les autres pays, et nous voyons le danger pour nous tous ».
1999 : elle pousse Bill Clinton à intervenir au Kosovo pour empêcher ce qui est présenté à l’époque comme un génocide contre les musulmans ethniques par le dirigeant serbe Slobodan Milosevic, qu’elle accuse de perpétrer des « horreurs aux proportions bibliques ». Cet interventionnisme humanitaire et armé lui vaut des critiques nombreuses à Washington, où on lui reproche le bombardement de Belgrade (in Le Figaro).
2012 : lors d’une séance de dédicace de son livre Prague Winter dans la librairie Luxor de la capitale tchèque, des membres du groupe civique Friends of Serbs in Kosovo eurent une confrontation verbale avec Mme Albright et ses représentants. Celle-ci répliqua : « Get out, disgusting Serbs ! » (« Sortez, Serbes dégueulasses ! »).
Conscients que la politique oblige parfois à des choix désagréables voire funestes ou destructeurs – la libération actuelle de l’Ukraine par Vladimir Poutine nous le rappelle – il nous semble que l’on peut distinguer dans cette triste réalité des hommes guidés par quelque sentiment de justice, de morale ou simplement un peu d’humanité.
Ceux-ci sont rares, et ils ne sont jamais totalement exempts d’erreurs, de fautes intentionnelles ou même de décisions impitoyables quand le réel le commande. Mais d’autres paraissent essentiellement mus par de tristes passions ou des déterminismes historiques particulièrement néfastes pour la communauté humaine dont ils semblent d’ailleurs répugner à vouloir faire partie. Madeleine Albright était probablement de ces hommes là.
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