Alors que Julian est toujours, sans raison valable, détenu dans une prison de haute sécurité, le processus juridique entourant son extradition continue de serpenter à travers le maquis du système juridique britannique. Aujourd’hui, la Cour suprême a refusé d’entendre l’appel de Julian, qui était fondé sur sa santé et l’effet sur celle-ci d’une incarcération dans les conditions du service pénitentiaire des États-Unis. Elle a déclaré que son appel n’avait « aucun fondement juridique défendable ».
Il s’agit d’un revers qui, très probablement, va maintenir Julian en prison pendant au moins une année supplémentaire.
Les motifs juridiques que la Haute Cour avait précédemment jugés défendables étaient que le gouvernement américain n’aurait pas dû être autorisé à donner en appel de nouvelles assurances diplomatiques (très conditionnelles) concernant le traitement d’Assange, qui n’avaient pas été proposées en première instance pour être prises en compte dans la décision initiale. Un argument important pour que cela ne soit pas autorisé est que si elles étaient données au tribunal de première instance, la défense pourrait discuter de la valeur et de la conditionnalité de ces assurances ; des preuves pourraient être produites et la question pourrait être évaluée par le tribunal.
En n’introduisant les assurances qu’au stade de l’appel – qui ne porte que sur des points de droit et n’a pas pour mission d’établir les faits – les États-Unis ont évité tout examen de leur validité. Le Home Office a toujours soutenu que les assurances diplomatiques devaient être acceptées sans discussion. Le ministère de l’Intérieur tient à cette position car elle facilite l’extradition vers des pays dont le bilan en matière de droits de l’homme est épouvantable.
En déclarant qu’il n’y a pas de point de droit défendable, la Cour suprême accepte que les assurances diplomatiques ne soient pas testées et doivent être prises pour argent comptant, ce qui a été un point de controverse majeur dans la jurisprudence récente. Il est maintenant établi que nous renverrons quelqu’un en Arabie saoudite si les Saoudiens nous donnent un morceau de papier promettant de ne pas lui couper la tête.
J’ai été particulièrement intéressé par le fait que la Cour suprême ait refusé d’entendre l’appel de Julian au motif qu’il n’y avait « aucun point de droit défendable ». Lorsque la Cour suprême a refusé d’entendre mon propre appel contre l’emprisonnement, elle a plutôt énoncé sa formulation alternative, il n’y avait « aucun point de droit défendable d’intérêt public général ». Cela signifie qu’il y avait un point de droit défendable, mais qu’il s’agissait simplement d’une injustice individuelle, qui n’avait d’importance pour personne, sauf pour Craig Murray.
À mon avis, avec le gouvernement conservateur très ouvert sur son désir de couper les ailes des juges et de réduire la portée de la Cour suprême en particulier, la Cour évite ainsi de s’attirer les foudres.
L’extradition est donc maintenant confiée à Priti Patel, le ministre de l’Intérieur, qui doit décider de l’extrader ou non. La défense a quatre semaines pour présenter ses arguments à Patel, qu’elle doit entendre. Certains membres de la droite libertaire du parti Tory s’opposent à l’extradition pour des raisons de liberté d’expression, mais Patel n’a pas une seule pensée libertaire dans sa tête et semble se délecter de la déportation, donc personnellement je n’ai pas d’espoir particulier pour cette étape.
En supposant que Patel autorise l’extradition, l’affaire retourne au tribunal d’origine et au juge Baraitser pour l’exécution. C’est là que ce processus prend une tournure remarquable.
La procédure d’appel qui vient de s’achever était l’appel initié par le gouvernement des États-Unis contre la décision initiale de Baraitser selon laquelle la combinaison de la santé de Julian et des conditions auxquelles il serait confronté dans les prisons américaines signifiait qu’il ne pouvait pas être extradé. Le gouvernement américain a obtenu gain de cause devant la Haute Cour. Julian a ensuite essayé de faire appel de ce verdict de la Haute Cour auprès de la Cour suprême, mais l’autorisation lui a été refusée.
Mais Julian lui-même n’a pas encore fait appel devant la Haute Cour, et il pourra le faire, une fois que l’affaire aura été renvoyée à Baraitser par Patel. Son appel portera sur les motifs pour lesquels Baraitser a initialement donné raison aux États-Unis. Il s’agit principalement de :
– l’utilisation abusive du traité d’extradition qui interdit spécifiquement l’extradition politique ;
– la violation de l’article 10 de la Convention des Nations Unies sur les droits de l’homme relatif à la liberté d’expression ;
– l’utilisation abusive de la loi américaine sur l’espionnage ;
– l’utilisation de preuves corrompues, payées par un fraudeur condamné qui a depuis reconnu publiquement que son témoignage était faux ;
– l’absence de fondement de l’accusation de piratage.
Aucun de ces points n’a encore été examiné par la Haute Cour. Il semble remarquablement étrange qu’après être passé une fois par la procédure d’appel, tout recommence une fois que Priti Patel a pris sa décision, mais c’est le jeu fou auquel la loi nous soumet. Cela ne pose aucun problème à l’establishment politique, bien sûr, car cela leur permet de garder Julian enfermé sous haute sécurité à Belmarsh.
La défense avait demandé à la Haute Cour d’examiner ce que l’on appelle les points de « l’appel croisé » en même temps que l’appel américain, mais la Haute Cour a refusé.
Le rayon de lumière qu’était la décision de Baraitser sur la santé et les conditions de détention est donc définitivement éteint. Cela signifie qu’au lieu d’avoir la possibilité d’être libéré par la Cour suprême cet été, Julian risque de passer au moins un an de plus à Belmarsh, ce qui doit être un coup dur pour lui juste avant son mariage.
D’un point de vue plus positif, cela signifie qu’enfin, dans une cour supérieure, les arguments qui comptent vraiment seront entendus. J’ai toujours éprouvé une certaine ambivalence à l’égard des arguments fondés sur la santé de Julian, alors que l’enjeu est bien plus important, et je n’ai jamais fait état personnellement de ses problèmes de santé par respect pour sa vie privée. Mais maintenant, la Haute Cour va devoir se demander si elle souhaite vraiment extrader un journaliste pour avoir publié des preuves de crimes de guerre systématiques commis par l’État qui demande son extradition.
Voilà qui mérite d’être rapporté.
Craig Murray
Traduction « à la recherche d’un second souffle » par Viktor Dedaj avec probablement toutes les fautes et coquilles habituelles
Source: Lire l'article complet de Le Grand Soir