RapSit-USA2022 : Carlson-Gabbard, couple maudit

RapSit-USA2022 : Carlson-Gabbard, couple maudit

RapSit-USA2022 : Carlson-Gabbard, couple maudit

L’échange entre Romney et Tulsi Gabbard, qui s’est poursuivi sur le compte Tweeter de Gabbard par une avalanche d’accusations concernant sa “trahison”, est devenu une affaire nationale aux USA, et le symbole du débat sur la liberté d’expression, la diffamation hystérique, le harcèlement illégal, l’insulte comme argument central de la “conversation”. Par bonheur pour elle, Tulsi Gabbard dispose d’un allié de poids, le présentateur-vedette de FoxNews Tucker Carlson dont on connaît sa tendance à donner la parole à cette même Gabbard sur toutes les questions de sécurité nationale. On comprend que cette proximité est la cause principale qui fait que cette affaire Romney-Gabbard n’est pas aussitôt tombé dans l’infamie de l’oubli, arme paradoxale habituelle de la communicationSystème ; qu’au contraire elle est devenue polémique nationale où Carlson-Gabbard rendent coup sur coup, notamment sur le segment ‘prime time’ de Carlson sur FoxNews, dont l’audience quotidienne se situe régulièrement dans les eaux des 4 millions de téléspectateurs, – record absolu bien entendu, de tous les réseaux US pour cette sorte d’émission.

On voit bien ici dans l’émission de Carlson (le 15 mars, près d’un million de vues dans l’après-midi). Il est encore question des laboratoires biologiques en Ukraine, dans une mesure, au vu de l’avalanche de références, où il devient absolument bizarre et grotesque de condamner Gabbard, – ou bien s’agit-il tout simplement de la conduite d’un pays totalitaire (oui, – totalitaire, impliquant un complet endoctrinement dès les premiers pas à l’école, dès les premiers mots balbutiés). Bref, l’affaire des ‘biolabs’ est entendue, et elle constitue même un argument solide pour justifier la “mission militaire spéciale” russe en Ukraine.

Ce qui est directement en cause désormais, c’est donc la question de “la liberté d’expression, de la diffamation hystérique, du harcèlement illégal, de l’insulte comme argument central de la ‘conversation’, etc.”, bref tout ce qui fait que la communication est devenue à la fois l’arme, le champ de batailler et la cause profonde de l’affrontement entre Système et antiSystème.

Du fait de sa position dans la question des ‘biolabs’ et son soutien à Gabbard, Carlson devient lui aussi la cible d’attaques extrêmement directes et diffamatoires ; ce fut le cas de la part de la multimillionnaire Whoopi Goldberg, actrice et présentatrice de l’émission ‘The View’, qui, entre diverses incursions historiques (« …quelques remarques malencontreuses, notant que l’Holocauste hitlérien n’avait “rien à voir avec la race” mais représentait une simple bataille “d’hommes blancs contre d’autres hommes blancs” »), – en vient à traiter Carlson de “propagandiste russe” et d’“agent étranger d’un dictateur”, – ce qui la remet dans le droit chemin Système et nous vaut une sévère riposte de Carlson. Comme Gabbard, l’homme de FoxNews malgré les orientations très comme-il-faut du réseau sur la ‘Ukrisis’ mais lui-même installé confortablement sur son audience de 4 millions, ne recule absolument devant la polémique écrasante de la bienpensance. Au contraire il s’en pourlèche les babines

« Carlson s’est adressé en particulier à l’animatrice de ‘The View’, qui l’avait qualifié de “propagandiste russe”, “d’agent étranger pour un dictateur”, et accusé d’“aider Poutine à se sortir de la condamnation pour des actes criminels contre des civils”. Goldberg, poursuivant ; “Avant, on arrêtait les gens qui faisaient des trucs comme ça”.

» ”Vraiment ?" a répliqué Carlson : “'Ils avaient l'habitude d'arrêter les gens pour avoir dit des trucs comme ça ?  Quand ont-ils arrêté des gens pour avoir dit des trucs comme ça, et de qui s’agit-il exactement ?”

» “Donc nous sommes en guerre avec la Russie ! Nous devons vous envoyer au goulag pour défendre la liberté !”… “Parce que voilà la démocratie ! La démocratie, la seule chose pour laquelle elle n’a pas de tolérance, ce sont les opinions dissidentes de ses propres citoyens, en particulier les citoyens qui espèrent et prient sincèrement pour le meilleur de leur propre pays”…

» “Quiconque suggère qu'il pourrait y avoir un moyen de sortir de ce désastre sans une guerre totale, quiconque dit cela est immédiatement dénoncé comme un outil de la propagande russe”. »

Là-dessus, et avant d’appeler une nouvelle fois Tulsi Gabbard à la barre, Carlson en a rajouté une couche à propos des ‘biolabs’-qui-n’existent pas ; puisque par ailleurs s’amoncellent les précisions sur ces labos et sur les activités de ces labos. Donc, et une fois de plus dans des univers parallèles, curieuse convergence de développer des accusations de trahisons contre quelques cibles qui affirment que les labos existent, tout en “révélant” par ailleurs toujours plus de détails croustillants sur ces labos-qui-n’existent-pas.

« Au cours du week-end, CBS a rapporté que des responsables du Pentagone ont confirmé que ces laboratoires biologiques en Ukraine mènent en fait des recherches sur l'anthrax et d'autres “agents pathogènes mortels”, a affirmé Carlson.

» Il a également noté que “le directeur du Programme US de Réduction des Menaces, un homme qui connaîtrait un certain Robert Pope, a confirmé que des scientifiques conservent des agents pathogènes de l'ère soviétique à des fins de recherche en Ukraine”.

» “Ils nous ont dit qu’ils les détruisaient. Ils auraient dû les détruire, mais ils ne l’ont pas fait. Quel est le danger dans une zone de guerre active ?! Et ils savaient que ces agents pathogènes existaient et faisaient l'objet d'expériences, de recherches…” »

L’une des défenses les plus brillantes (le 15 mars 2022) apportée à Carlson-Gabbard vient du fameux journalistes Glenn Greenwald (c’est lui qui mena de main de maître l’affaire Snowden-NSA en 2013). Ancien avocat devenu célébrissime commentateur de tendance progressiste mais évitant les fréquentations des progressistes-Système, et même ne cessant de les pilonner de plus en plus jusqu’à se sentir très à l’aise avec un Carlson ou avec une Gabbard, – goût partagé de l’indépendance et de la dissidence, – Greenwald plaide en virtuose et avec une incroyable précision la logique des arguments de principe. Il ne s’agit en rien d’une défense politique mais de façon bien plus importante d’une défense sur les principes qui se traduit par une dénonciation furieuse du harcèlement McCarthyste dont, dans ce cas, font l’objet Carlson-Gabbard.

« Aussi omniprésentes que les accusations de “traître” l'ont été pendant la présidence Trump, l’invasion russe de l’Ukraine a élevé cette manie de l’accusation de “trahison” à des sommets jamais vus auparavant. Toute personne et tout individu qui remet en question ou s'écarte de quelque manière que ce soit du consensus bipartisan dominant est accusé d'être un agent russe traître sur la base de la moindre infraction. Les deux personnalités publiques les plus accusées de trahison avant l'invasion de l'Ukraine par la Russie étaient l'ancien représentant Tulsi Gabbard (D-Hawai), aujourd'hui lieutenant-colonel [de l’US Army dans la Garde Nationale], et l'animateur de Fox News Tucker Carlson. Cette campagne de dénigrement menée avant l’invasion a donné un avant-goût de l’intolérance du climat à l’égard de toute remise en question, aussi rationnelle ou partielle soit-elle, et de la désinvolture avec laquelle l'accusation de trahison serait utilisée comme une arme contre quiconque s'exprimerait de manière inappropriée.

» En effet, les commentaires de l'ancienne députée et de l'animateur du câble Fox qui ont déclenché cette avalanche d’accusations publiques étaient étonnamment anodins. […]

» L’une des raisons pour lesquelles l’allégation de “trahison” de Romney à l'encontre de Gabbard a attiré autant d'attention est que, en tant que riche descendant d'une dynastie politique et financière, Romney est perçu (ou du moins espéré) comme étant plus sobre et responsable que les progressistes standard de l’information par câble ou de l'op-ed du type ‘#Résistance’ [anti-Trump], qui traitent les gens d’“agents russes” avec plus de fréquence et de facilité que la plupart des gens achètent des chaussettes. Pourtant, le fait que le candidat républicain à la présidence en 2012 ait lancé de manière aussi imprudente, inexacte et dangereuse cette diffamation, cette accusation de faute criminelle grave, contre Gabbard, illustre à quel point le climat actuel est devenu autoritaire et répressif.

» S’il existe un signe distinctif d’une culture tyrannique, c’est le refus de tolérer toute dissidence ou remise en question de la politique officielle du gouvernement, et de criminaliser cette dissidence en l'assimilant à une trahison. En effet, bon nombre des Américains qui agissent de la sorte adorent exprimer de manière flamboyante leur horreur alors que la Russie fait de même contre ses propres adversaires de guerre.

» Il est extrêmement difficile, voire impossible, de trouver un seul despote dans l'histoire qui n'ait pas utilisé les accusations de “trahison” contre les dissidents comme un instrument central de contrôle. Le fait que le discours américain soit maintenant complètement descendu à ce niveau est à peine discutable. Il suffit de regarder les dernières quarante-huit heures d'accusations de trahison contre Gabbard, sans parler des six dernières années de manipulation progressiste anti-Trump, pour voir à quel point un tel comportement est devenu acceptable et pavlovien. »

Il s’agit d’un occurrence exemplaire, d’une part des effets de l’‘Ukrisis’ dans une situation nationale déjà marquée par d’intenses divisions jusqu’à l’existence de “mondes parallèles” entrés en concurrence pour chacun affirmer une réalité qui lui soit propre, et où l’arme principale est la communication, souvent avec moyens policiers et de pression psychologique terribles ; d’autre part de la mise en évidence que c’est aux États-Unis que l’on trouve cette situation poussée à son extrême, tant est grande la puissance de la communication, et que c’est aux États-Unis malgré l’importance européenne de cette affaire que les effets de ‘Ukrisis’ s’avèreront les plus considérables pour la situation structurelle intérieure. (Les débats en Europe sont complètement inconséquents et inféconds du fait de l’appauvrissement extraordinaire de la réflexion de politique étrangère depuis la fin du siècle dernier.)

Il est complètement étonnant de voir combien ces remarque relevant de notre ‘Glossaire.dde’ à l’article ‘déterminisme-narrativiste’, et qui concernent la première ‘Ukrisis’ (celle de 2014-2015), restent absolument valable aujourd’hui (c’est à la suite de cette première ‘Ukrisis’ où la manipulation de la communication atteignit des grandeurs inexplorés jusqu’alors que s’est imposée à nous la nécessité de forger ce concept) :

« A la question du journaliste et enquêteur Robert Parry sur le comportement US vis-à-vis de la Russie, qui est de continuer à proclamer des constructions complètement faussaires concernant le comportement de la Russie malgré les indications des services de renseignement démontrant cette fausseté, un ‘officiel de l’administration’ Obama lui répondait que

“La Russie détient par nature tous les avantages [en Ukraine,] par la proximité et par l’histoire, mais ces avantages peuvent être compensés par la ‘guerre de la communication’, – et cela n’a aucun sens d’abandonner cet avantage-là en notre faveur en retirant les accusations [faussaires] qui ont mis le président Poutine sur la défensive”. »

… Ce qui signifie finalement : “qu’importe où se trouve l’“avantage” (!) de la vérité opérationnelle qu’est la réalité de l’histoire (de la culture, etc.), si la communication se montre assez forte pour imposer son simulacre”… Ce qui signifie (suite), a contrario et suivant en cela la grande loi de notre temps qu’est l’inversion, que s’il y a deux mondes parallèles il y en a un qui contient assez d’éléments de la Vérité pour déterminer une vérité-de-situation, tandis que l’autre est effectivement un simulacre, quelle que soit la puissance de la communication. Nos deux compères (Carlson-Gabbard), sinon trois dans ce cas avec Greenwald, sont de ceux qui peuvent espérer parvenir à ce résultat, classant leurs tourmenteurs du “camp du Bien” dans le camp du simulacre.

L’épisode montre bien que cette vérité-de-situation rassemble des gens indifférents aux étiquettes (le populiste Carlson, la démocrate Gabbard, le progressiste Greenwald), face au théâtre grandiloquent des figurants du Système. On comprend bien, par exemple, que l’antiracisme fournisseurs de $millions au compte en banque de Goldberg, égérie hyper-friquée des ‘Black Lives Matter’ comme entreprise néo-libérale, n’a rien à voir avec l’antiracisme du “souverainiste-traditionnaliste” Séba.

Tout cela nous conduisant par ailleurs à envisager que les deux protagonistes principaux et directs de cette passe d’arme sont bien placés pour poursuivre leurs aventures, et éventuellement apparaître vers 2024, comme mêlés aux manœuvres diverses pour les présidentielles. D’ici là, il est entendu que les autres, les figurants-Système, feront tout leur possible pour les dessouder impitoyablement, – et, en cela, répétant la formule de Michel Maffesoli :

« Quand quelque chose s’achève, ce qui est en train de s’achever devient très violent. En polémologie, on nous a appris que les combats d’arrière-garde étaient les plus sanglants. On pressent qu’on a perdu la bataille, donc on tue »

 

Mis en ligne le 16 mars 2022 à 17H25

Source: Lire l'article complet de Dedefensa.org

À propos de l'auteur Dedefensa.org

« La crisologie de notre temps » • Nous estimons que la situation de la politique générale et des relations internationales, autant que celle des psychologies et des esprits, est devenue entièrement crisique. • La “crise” est aujourd’hui substance et essence même du monde, et c’est elle qui doit constituer l’objet de notre attention constante, de notre analyse et de notre intuition. • Dans l’esprit de la chose, elle doit figurer avec le nom du site, comme devise pour donner tout son sens à ce nom.

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