Nazis ma non troppo. Le bataillon Azov vu par « Check News » de Libération — Aymeric MONVILLE

Nazis ma non troppo. Le bataillon Azov vu par « Check News » de Libération — Aymeric MONVILLE

Dur, dur, quand tu es « fact-checker » (vérifieur d’informations) à Libé et que ton patron te demande d’enquêter sur le bataillon Azov, pour voir si ce ne serait tout de même pas un peu monté en épingle cette histoire de néonazisme. Et encore plus dur quand, après avoir bien tout vérifié, il ne te reste comme argument que : « euh… certes, ils sont nazis mais… »
Florilège.

Checknews du 8 mars commence donc à nous expliquer : « Depuis l’invasion de l’Ukraine par la Russie, des images de défilés de ces combattants, arborant croix gammées et insignes SS ou réalisant des saluts nazis, sont massivement partagées sur les réseaux sociaux. »

Et de poursuivre : « Cette focalisation sur Azov est alimentée par la propagande russe ».

C’est vrai que ces Russes sont vraiment capables de tout, même de « focaliser ». On ne sait vraiment d’ailleurs pas pourquoi ils en font tout un plat de cette histoire de nazisme.

Libé toujours :  » Le fondateur d’Azov, Andreï Biletsky (…) énonce parmi les missions de son organisation ’la purification raciale de la nation’. (…) Dans le cadre du conflit russo-ukrainien, il fonde le bataillon Azov, dont le logo renvoie clairement à l’iconographie nazie. »

Evidemment les crapules à la solde de Poutine s’arrêteront là avec un ricanement mauvais. Mais Libé nous apprend qu’Andreï Biletsky, depuis, « a beaucoup lissé son discours. Il nie les mots très durs qu’il a tenus dans sa jeunesse lorsqu’il parlait de croisade contre les sémites ».

Mots durs en effet. Et qui ont certainement dépassé sa pensée lorsqu’il était en führer.

D’ailleurs Libé recourt ensuite à des historiens ayant le sens de la nuance. Ainsi d’un certain Viatcheslav Likhatchev qui « pointe néanmoins une composition plus hétéroclite qu’il n’y paraît » et rapporte : « Même à l’été 2014 tous les combattants d’Azov n’étaient pas d’ultra-droite. J’ai personnellement connu un anarchiste qui a servi dans Azov ».

Thierry le Luron est resté dans les mémoires avec son « Je ne suis pas raciste, mon chien est noir ». Mais « Je ne suis pas nazi, j’ai pris un verre avec Louise Michel au bataillon Azov », il n’y avait pas pensé.

Mais revenons à Libé, toujours très en forme, et qui nous rapporte que dans les principales photographies remontées ces derniers jours sur les réseaux sociaux, plusieurs datent de Mathusalem : pensez, celle où se mélangent treillis, svastika, bannière de l’OTAN et drapeau d’Azov, date de 2014, bref de l’histoire ancienne. Celle où un membre d’Azov pose en groupe autour d’un portrait de Hitler « remonte au moins à 2015 ». Nous voilà rassurés. Il faut bien que jeunesse se passe.

Libé conclut ensuite sur la « réhabilitation de la figure controversée de Stepan Bandera ».

Controversée ? Oui, un peu tout de même. Mais bon… La bio Wikipedia de Stepan Bandera nous rapporte des éléments en effet « controversés », comme celui-ci :

« Du 30 juin au 5 juillet 1941 a lieu un important massacre de Juifs à Lviv. Les Einsatzgruppen organisent les attaques avec l’aide des unités paramilitaires ukrainiennes pro-nazies menées par Stepan Bandera ».

Ou encore :

 » En 1943, l’UPA [l’armée de Bandera] massacre entre 40 000 à 60 000 Polonais dont beaucoup de femmes et d’enfants en copiant les méthodes de purification ethnique des nazis. »

On apprend aussi, au passage, qu’avant d’être « élevé à la dignité posthume de Héros d’Ukraine par un décret signé le 22 janvier 2010 par le président ukrainien Viktor Iouchtchenko », Bandera avait été financé et soutenu par les services secrets occidentaux pour continuer une guérilla en Ukraine contre l’URSS.

Mais tout cela n’est sans doute que le fruit d’une cyberattaque russe visant à nous désinformer.

Retournons donc à une source sûre, d’autant que j’ai gardé le meilleur pour la fin, quand Libé nous dit, à propos du fier bataillon :

« En difficulté sur le terrain militaire, l’Ukraine l’intègre à sa garde nationale (l’équivalent de la gendarmerie nationale en France) dans la foulée, à l’automne de la même année [2014]. »

C’est vrai que c’est tout de suite plus apaisant, des néo-nazis recyclés en gendarmes patrouillant sur les routes avec des démangeaisons dans le bras. On se sent tout de suite plus en sécurité et moins tenté par l’excès de vitesse.

Mais, j’aimerais comprendre s’ils sont aussi compris dans le programme de second mandat du président sauveur de l’Europe ces nazis comme « équivalent de la gendarmerie nationale en France » ? Le Wolfsangel, l’emblème de la division Das Reich, qui a déjà beaucoup servi par chez nous, et qui figure encore en bonne place dans la panoplie du bataillon Azov et du parti Svoboda (qui, soit dit en passant, a donné un vice-ministre et un ministre de la Défense à l’Ukraine post-Maïdan), ça ferait son petit effet pour envoyer disperser les ronds-points de Gilets jaunes, vous ne trouvez pas ?

On avait beau crier « C.R.S. = S.S. », on n’avait encore rien vu.

Aymeric Monville

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Source: Lire l'article complet de Le Grand Soir

À propos de l'auteur Le Grand Soir

« Journal Militant d'Information Alternative » « Informer n'est pas une liberté pour la presse mais un devoir »C'est quoi, Le Grand Soir ? Bonne question. Un journal qui ne croit plus aux "médias de masse"... Un journal radicalement opposé au "Clash des civilisations", c'est certain. Anti-impérialiste, c'est sûr. Anticapitaliste, ça va de soi. Un journal qui ne court pas après l'actualité immédiate (ça fatigue de courir et pour quel résultat à la fin ?) Un journal qui croit au sens des mots "solidarité" et "internationalisme". Un journal qui accorde la priorité et le bénéfice du doute à ceux qui sont en "situation de résistance". Un journal qui se méfie du gauchisme (cet art de tirer contre son camp). Donc un journal qui se méfie des critiques faciles à distance. Un journal radical, mais pas extrémiste. Un journal qui essaie de donner à lire et à réfléchir (à vous de juger). Un journal animé par des militants qui ne se prennent pas trop au sérieux mais qui prennent leur combat très au sérieux.

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