par Régis Chamagne.
Après le brouhaha des derniers jours à propos de l’opération militaire russe en Ukraine, on peut tirer les premiers enseignements, dans la perspective du changement de paradigme géopolitique.
Les opérations sur le terrain
D’après ce que nous pouvons estimer à partir des informations glanées sur divers sites, l’opération russe semble se dérouler selon le plan ; la phase 1 est achevée. L’Ukraine est démilitarisée de facto malgré l’envoi de matériel militaire de la part des pays de l’OTAN. Les troupes les plus combatives, nazies, sont enclavées, dans le Donbass ou à Marioupol. Leur « réduction » est délicate et elle pourrait prendre du temps car les Nazis utilisent la population civile comme bouclier humain. Pour plus de détails sur la situation tactique, je renvoie les lecteurs aux sites qui suivent cela de près.
Au niveau stratégique, cette fin de phase est le moment pour Vladimir Poutine de faire acter la réussite militaire de l’opération d’une part et de poursuivre les négociations avec la question suivante : « Voulez-vous aller plus loin ? » Si oui, ce sera l’engagement de la phase 2. Même si le découpage de l’opération en phases n’est que symbolique, peu importe. Il permet de jalonner l’opération, de lui donner des références calendaires afin de jauger l’évolution des négociations et la persistance de l’incapacité des Occidentaux à agir, car c’est bien cela le plus important de tout.
Le roi est nu
Au niveau géopolitique, le monde entier aura pu constater qu’après avoir poussé l’acteur Zelensky à provoquer la Russie par son offensive contre le Donbass, les États-Unis et l’OTAN se sont dégonflés à défendre l’Ukraine contre l’offensive russe. Le roi est nu et cela constitue l’enseignement le plus important de cette guerre, pour le moment, car cela va avoir des répercussions considérables sur l’ensemble du paysage géopolitique mondial. À présent, que doivent penser les Taïwanais par exemple ? Les Chinois se frottent les mains.
À suivre…
À suivre donc, l’évolution des rapports de soumission, de « parrainage » (J’assure ta sécurité en échange de…) dans le monde. Les États-Unis sont en train de montrer à la face du monde qu’ils ne tiennent pas leurs promesses. Ceux qui s’intéressent à l’Histoire le savaient. La conquête de l’Amérique du nord par les Anglo-Américains ne fut qu’une succession de traités violés avec un génocide indien à la clé. Le dernier exemple connu est la promesse faite par Georges Bush père à Gorbatchev de ne pas étendre l’OTAN à l’est. Écrite ou orale, une promesse est une promesse et les Hommes d’honneur n’ont qu’une parole. Alors qu’en est-il aujourd’hui de la parole (écrite ou orale, peu importe) des États-Unis de défendre tel ou tel pays en échange de pétrole, gaz, métaux rares, soutien politique à l’ONU, positionnement géographique face à un concurrent (Corée du sud, Taïwan)… ?
Quelque soit l’évolution de la situation en Ukraine, rapide ou lente, plus ou moins difficile pour la population civile, tous les pays savent aujourd’hui que les États-Unis ne sont pas un partenaire fiable pour assurer leur sécurité. En n’intervenant pas en Ukraine les États-Unis se sont discrédités aux yeux du monde et cela est irréversible. En poussant l’acteur Zelensky à provoquer la Russie ainsi, ils se sont mis en situation de devoir réagir ou de capituler. N’ayant pas les moyens d’agir ils n’ont pu que capituler : une belle balle dans le pied ! N’importe quel planificateur opérationnel aurait envisagé les réactions possibles de Vladimir Poutine face à l’avancée des missiles de l’OTAN jusqu’aux portes de la Russie, y compris ce qui se passe actuellement. À l’évidence, il n’y avait pas de planificateur opérationnel ni de stratège dans l’équipe qui a imaginé l’opération américaine en Ukraine depuis 2014. Juste une bande d’idiots enfermés dans leur idéologie, leur haine de la Russie et leur monde virtuel fait de fantasmes de puissance.
Le coup de grâce
Il viendra. Il viendra au bon moment, quand les États-Unis n’auront tout simplement plus aucun moyen de l’empêcher ni la volonté ou la possibilité de déclencher une guerre nucléaire. Mais d’abord, posons-nous des questions simples.
À quoi servait la supériorité militaire américaine ? À imposer le dollar comme monnaie de réserve mondiale, une monnaie de singe, décorrélée de toute réalité et préservée de toute obligation. Avec le dollar qu’elles imprimaient elles-mêmes, les « élites » américaines pouvaient tout acheter pour rien en même temps qu’elles endettaient la majorité des pays du monde pour les maintenir sous contrôle. Et gare à ceux qui refusaient de se laisser faire : Irak, Libye, Iran, Algérie… Le paradigme géopolitique du monde unipolaire pouvait se résumer ainsi : posséder le monde grâce à une monnaie de singe que nous imprimons et que nous imposons au reste du monde par la menace, grâce à notre suprématie militaire (technologique) ; un système mafieux en somme.
L’ARGENT est le centre de gravité politique, religieux et philosophique du système dans lequel nous (les Occidentaux) vivons. S’attaquer à l’argent, c’est s’attaquer au cœur du système, ce sera donc pour la fin. Le coup de grâce !
Il y a toujours un décalage entre la réalité et la perception de la réalité, surtout lorsque nous vivons dans un monde baigné dans la propagande. Par exemple, la réalité de la perte de la suprématie technologique militaire américaine est ancienne. Elle remonte à l’échec monstrueux des derniers programmes militaires américains (F-35, porte-avions classe Gerald Ford…), vers le milieu de la décennie 2000. Elle est réalisée sur le terrain le 3 septembre 2013 et en avril 2014 et amplement confirmée par l’intervention russe en Syrie depuis septembre 2015. Depuis lors, tout analyste normalement intelligent aurait du le savoir, mais non. Il aura fallu la non-intervention des États-Unis et de l’OTAN en Ukraine pour que le monde entier comprenne cette réalité ancienne. Cet aveu de faiblesse colossal étalé aux yeux du monde aura servi de révélateur.
Il se passe la même séquence dans le domaine économique et financier. La dédollarisation de l’économie mondiale a commencé depuis 2007, très furtive au début, elle s’est étendue progressivement entre la Russie et la Chine pour leurs échanges, puis avec l’Iran et d’une façon générale avec les pays qui refusent l’hégémonie américaine. Petit à petit, de plus en plus d’échanges se font hors du dollar. En outre, la crise financière de 2007 puis les sanctions contre la Russie depuis 2014 ont conduit la Chine et la Russie à développer leur propres systèmes de transactions interbancaires, le SPSF russe et le CIPS chinois, chacun avec ses qualités et ses défauts. Actuellement, les deux pays travaillent à la fusion de leurs systèmes pour proposer une alternative techniquement fiable à SWIFT. Il semblerait que cela serait réalisé en fin d’année 2022. Ma conviction est que le système est déjà prêt et que sa mise en service officielle dépendra du moment.
Ainsi, lorsque la Russie et la Chine annonceront de conserve qu’elles abandonnent le système SWIFT, définitivement, c’est le monde entier qui basculera de SWIFT vers le nouveau système, pour acheter son énergie, ses céréales, ses produits manufacturés… Ce sera la fin officielle du dollar en tant que monnaie de réserve mondiale, datée et signée.
source : Régis Chamagne
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Source : Lire l'article complet par Réseau International
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