Guerre en Ukraine
Mais quel dialogue, M. Poutine?
Le procureur de la Cour pénale internationale (CPI) a annoncé récemment son intention d’ouvrir une enquête, évoquant des « crimes de guerre » et des « crimes contre l’humanité » commis sur le sol ukrainien. Dans son communiqué, le procureur de la CPI, Karim Khan, se dit « convaincu qu’il existe une base raisonnable pour croire que des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité présumés ont été commis en Ukraine ».
Dans cette foulée, l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe a annoncé qu’elle allait mettre en place une mission d’experts indépendants pour enquêter sur les violations du droit international perpétrées par la Russie. Un rapport devra être finalisé « de préférence dans les trois semaines » pour établir « d’éventuels cas de crime de guerre » et « les présenter aux tribunaux compétents »Théoriquement, Vladimir Poutine pourrait être jugé pour plusieurs motifs. Ainsi, eu égard à l’article 8 bis du statut de Rome, qui fonde la Cour pénale internationale, « il y a crime d’agression lorsqu’un État emploie la force armée contre la souveraineté, l’intégrité territoriale et l’indépendance politique d’un autre État ».Mais le chef d’État russe pourrait également être poursuivi au regard de l’article 8 de la Cour pénale internationale, qui réprime les crimes de guerre définis par les Conventions de Genève et de La Haye. De surcroît, selon l’article 7 du Statut de Rome, Vladimir Poutine pourrait enfin être poursuivi par la cour pénale internationale pour crimes contre l’humanité, c’est-à-dire pour « violation délibérée et ignominieuse des droits fondamentaux d’un individu ou d’un groupe d’individus inspirée par des motifs politiques, philosophiques, raciaux ou religieux ».
Mais le président russe , au pouvoir depuis 2000, risque-t-il vraiment d’être poursuivi par un tribunal international? Il y a un bémol: la Russie n’a pas ratifié le Statut de Rome, soit la Cour pénale internationale. Elle a en réalité retiré sa signature en 2016, et ne reconnaît donc plus la compétence de cette cour internationale sur son territoire. Or cela est nécessaire pour que le tribunal puisse exercer sa compétence.
Enfin, un autre problème pourrait rendre difficile la poursuite d’un chef d’État tel que Poutine: en effet, la Cour pénale internationale ne peut juger que les individus physiquement « présents à leur procès », si l’un des pays coopérant avec la CPI émet un mandat d’arrêt contre le prévenu et l’arrête en vue d’un jugement, selon l’article 63 du Statut de Rome.Or, la CPI est limitée par son absence de force de police et par la discrétion des États pour faire arrêter les suspects présents sur leur sol. Dans ces conditions, difficile de savoir si une telle procédure pourra aboutir.
Nonobstant les obstacles qui se dressent sur le chemin de la CPI, je suis d’avis que tous les efforts doivent être entrepris pour conduire à l’arrestation du «tyran de Moscou» avant qu’il n’étende ses tentacules jusqu’aux pays limitrophes de son «empire»… Mais quel dialogue, M. Poutine?
Selon les propres paroles du président russe Vladimir Poutine adressées au chancelier allemand Olaf Scholz, «La Russie est ouverte au dialogue avec la partie ukrainienne, ainsi qu’avec tous ceux qui veulent la paix en Ukraine, mais à condition que toutes les exigences russes soient satisfaites».
Mais quelles sont les exigences de Poutine? Un statut «neutre et non nucléaire» pour l’Ukraine, sa «démilitarisation obligatoire» et sa «dénazification», la reconnaissance de l’annexion de la péninsule de Crimée par la Russie et la «souveraineté» des régions séparatistes pro-russes de l’Est ukrainien, Donetsk et Lougansk, dans leurs territoires administratifs, alors que les rebelles n’en contrôlent actuellement qu’un tiers.
Or, à quel dialogue le président russe fait-il allusion lorsqu’il assujettit l’acceptation de toutes ses exigences à un cessez-le-feu entre la Russie et l’Ukraine? Où est la véritable marge de manœuvre du président ukrainien Volodymyr Zelensky?
En réalité, dans les conditions imposées par Poutine, aucun dialogue n’est possible. La chaîne de communication est rompue pour faire place à un monologue n’exigeant rien de moins que la capitulation de la capitale, Kiev, sans coup férir!
Henri Marineau, Québec
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