Le renseignement US perplexe: pourquoi la Russie n’utilise pas la force aérienne en Ukraine

Le renseignement US perplexe: pourquoi la Russie n’utilise pas la force aérienne en Ukraine

La communauté du renseignement US et celles du reste du monde demeurent perplexes sur la non utilisation par la Russie du potentiel de ses forces aériennes dans le conflit ukrainien.

Cet aspect de la stratégie russe est d’autant plus mystérieux qu’aucune explication satisfaisante à cette décision n’a pu être convaincante.

Il semble désormais certain que la Russie a fait le choix de ne pas utiliser la force aérienne en Ukraine.

Les forces russes opèrent en Ukraine sans couverture aérienne.  

Il aurait été logique qu’en préalable à l’opération Z, les forces aérospatiales russes eussent neutralisés les défenses aériennes et l’aviation ukrainiennes mais cela n’a pas été ordonné.

Il y a eu des assauts aéroportés directs sous protection d’hélicoptères d’attaque (notamment les Ka-52) volant à très basse altitude et qui ont été confrontés à la DCA adverse en plein milieu de l’assaut.

Autre mystère, aucune des lignes logistiques russes à l’intérieur de l’Ukraine n’est couverte par un quelconque soutien aerien.

C’est la première fois depuis les années 30 qu’un pays fait le choix de se passer de la force aérienne lors d’une offensive militaire contre un pays armé jusqu’aux dents.

Des forces aéroportées russes ont sauté sur des objectifs sans que ces derniers n’aient été traités à l’artillerie ou à l’aviation. Dans un assaut aéroporté, des blindés russes ont été largués au-dessus d’une base militaire ukrainienne dotée de défenses aériennes de courte portée. 

Autre lacune, les forces russes à l’intérieur de l’Ukraine ne disposent d’aucune système de communication à longue distance. Les seuls canaux de communication sont ceux, fort limités, au niveau du bataillon et ils ne sont ni cryptés ni sécurisés. Les Ukrainiens n’en disposent pas également mais utilisent des lignes téléphoniques anciennes enterrées sous terre.

Aucun chasseur de combat russe n’a survolé l’Ukraine depuis le début de l’opération Z. Les rares raids de Su-25 l’ont été pour des missions de soutien au sol de forces prioritaires. D’autres unités n’ont pas eu cette chance et ont été clairement sacrifiées. 

Le brouillage électromagnétique russe en Ukraine a été très limité. Il n’a pas dépassé l’échelon d’une sous-brigade. 

Pour la majorité des analystes militaires, la Russie est très loin d’utiliser son potentiel militaire en Ukraine. La raison est encore inconnue mais cela s’est traduit déjà par des pertes assez lourdes côté russes, en majorité dans les convois de soutien logistique qui avaient du mal à suivre la progression des troupes d’assaut sans aucune couverture aérienne.

Autre mystère, la marine de guerre ukrainienne a été épargnée par la Russie alors qu’elle avait les moyens de l’anéantir intégralement dès les deux premiers jours de l’opération. Mis à part le sabordage du navire amiral de la flotte ukrainienne par ses propres marins, les Russes n’ont ciblé aucun bâtiment de surface ou submersible des forces navales ukrainiennes.

Certaines unités russes en Ukraine se sont retrouvés sans ordres et sans ordre du jour. D’autres qui se sont avancés en profondeur en Ukraine ont manqué de carburant et de munitions. Toutes les unités motorisées non chenillées se plaignent de fausses répliques de pneus Michelin de deuxième main acquises en Chine et qui s’usent très vite.

Il y a également eu divergence d’objectifs entre les unités russes. Dès le premier jour de l’operation la plupart des troupes de choc ont poussé très loin en profondeur jusqu’au centre de l’Ukraine mais ces têtes de pont n’ont pas été suivies par d’autres unités qui n’ont rencontré aucune résistance. Dans tous les cas, l’aviation russe était totalement absente.

Il était clair depuis le début que la Russie ne voulait occuper aucune ville en Ukraine mais voulait manœuvrer et gagner l’adhésion des militaires ukrainiens. Cela explique très imparfaitement pourquoi la Russie n’a pas voulu détruire les capacités de l’armée ukrainienne alors que l’un des objectifs de l’opération était la démilitarisation de l’Ukraine. Pour une source militaire anonyme chinoise, cette méthode est extrêmement risquée et coûteuses en termes de moyens, d’autant plus que le régime ukrainien a publiquement annoncé sa volonté d’acquérir l’arme nucléaire. “Les Russes se rendent-ils compte de la gravité d’une situation où l’Ukraine se dote à nouveau d’armes nucléaires ?” L’Ukraine disposait de 2000 armes nucléaires au lendemain de la chute de l’ex-Union Soviétique mais demain elle aura sur son sol des missiles nucléaires tactiques US et se targuera d’avoir repoussé la superpuissance militaire russe.

Le processus décisionnel au sein des forces armées russes semble totalement incompréhensible. Est-ce le résultat d’une rivalité entre les forces terrestres et les forces aériennes à l’issue de laquelle les premiers ont eu le dernier mot? Où est-ce le résultat d’une corruption généralisée au sein du commandement militaire russe dont le leadership n’est pas parvenu à saisir l’ampleur? Il est trop tôt pour se prononcer car les opérations continuent mais l’absence des forces aériennes russes en Ukraine continuera à faire couler des eaux sous les ponts pour les années à venir.

Pour un de nos correspondants militaires en Asie du Sud-est, la Russie ne peut pas se permettre de faire la guerre comme dans les années 30 dans un contexte aussi hostile que celui dans lequel elle se trouve depuis une décennie. Les défenses aériennes ukrainiennes sont fortes mais étaient totalement vulnérables aux forces aérospatiales russes. Le parallèle avec l’opération Tempête du Désert (Désert Storm) de 1991 est saisissant: les Américains ont eu recours exclusivement à une guerre aérienne massive contre l’Irak de Saddam Hussein avant de déclencher une très brève operation terrestre qui a failli tourner au désastre. Ils ont alors trompé les Irakiens en leur faisant croire à un cessez-le-feu en échange un retrait. Ils ont profité ce retrait pour engager tous leurs moyens aériens et faire un massacre. Les Russes ont été trop directs. Aucun stratagème, pas de couverture aérienne, pas de censure militaire comme c’est le cas dans les pays de l’Otan, pas de gestion d’image, aucune forme d’amortissement des pertes militaire comme le fond les Américains et leurs alliés (une déclaration de décès sur 8 réelles postcombat)…Est-ce vraiment une guerre ou une opération de police contre un des plus grands pays d’Europe soutenu par l’ensemble de l’Otan?

Vladimir Poutine a t’il été trompé par son haut commandement militaire? C’est fort plausible et nous pensons que c’est le cas depuis des années. Son dialogue avec son Chef du renseignement extérieur durant lequel ce dernier tentait de balbutier quelques mots laisse à penser que certains hauts responsables russes s’étaient habitués à établir de faux rapports à la hiérarchie.

La Russie est dans une situation où elle n’a aucune marge de manœuvre possible. La logique aurait voulu qu’elle utilise tout son potentiel pour mettre fin au plus vite à cette affaire ukrainienne car plus les États-Unis ne souhaite qu’un enlisement du conflit comme celui d’Afghanistan. Or, l’économie russe n’est pas celle des États-Unis et ne pourra jamais survivre à un conflit prolongé de plus de trois années en Ukraine avec le niveau des pertes actuelles.

Certains de nos conseillers militaires affirment que la situation pourrait changer et s’attendent à voir la Russie utiliser l’arme aérienne. Nous avons souligné l’arrivée massive de missiles Stinger (plus de 2000) en Ukraine occidentale en plus d’autres systèmes d’armes, qui vont compliquer la donne sur le théâtre des opérations.

Ce n’est toutefois pas la Guerre de Finlande, la fameuse Guerre d’Hiver ou la petite Finlande a donné une leçon militaire à Staline avant la Seconde Guerre mondiale. C’est à partir des données de cette guerre (et suite aux purges ayant décimé l’encadrement de l’Armée Soviétique) qu’Hitler a estimé que l’URSS était un tigre de papier. Une appréciation qui l’a poussé plus tard à envahir l’immense territoire sovietique avec opération Barbarossa (1941). La Russie a toujours consenti à de très lourds sacrifices pour se resaisir après un premier choc ou une menace existentielle. L’histoire du front oriental lors de la Seconde Guerre mondiale est plus qu’édifiant à ce propos.

Washington observera la Russie en Ukraine comme Hitler avait observé les déboires de l’ex-URSS en Finlande et agira certainement comme l’avait fait l’Allemagne National-socialiste.

Cela veut dire que la Russie fait face à un danger existentiel majeur et que face à ce péril, l’économie des moyens est contreproductive à partir du moment où une guerre est décidée. Une fois le coup parti, une balle ne revient plus au canon.

L’évolution de la situation militaire en Ukraine nous apprendra plus sur le processus décisionnel ayant abouti à ne pas utiliser la force aérienne dans un conflit aussi fatidique que celui auquel nous assistons depuis 2011.

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Source: Lire l'article complet de Strategika 51

À propos de l'auteur Strategika 51

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