-
Campagne de dons Février 2022
Chers amis lecteurs. Nous lançons une nouvelle campagne de dons pour ce mois de Février et nous comptons sur vous pour nous aider à continuer notre travail de réinformation. Récemment, nous avons fait des tests d’insertions publicitaires dans nos publications, mais nous avons vite renoncé car elles se sont avérées très envahissantes et génaient considérablement la lecture des articles. Nous comptons donc, encore une fois, sur vous pour assurer la continuité de notre travail de réflexion et de réinformation. Aujourd’hui, avec la désinformation généralisée érigée en mode de gouvernance à l’échelle mondiale, Réseau International a besoin de vous plus que jamais.
Total dons 10 277,00 €
par Chems Eddine Chitour.
« Qu’elle soit nécessaire, ou même justifiée, ne croyez jamais que la guerre n’est pas un crime ». (Ernest Hemingway)
« Monsieur le Président, je viens de recevoir mes papiers militaires pour partir à la guerre. Je ne veux pas la faire. Je ne suis pas sur terre pour tuer des pauvres gens. Depuis que je suis né, j’ai vu mourir mon père, j’ai vu partir mes frères et pleurer mes enfants. Ma mère a tant souffert qu’elle est dans sa tombe. (…) S’il faut donner son sang, allez donner le vôtre. Vous êtes bon apôtre ». (Boris Vian – Le Déserteur)
Résumé
On a tendance à croire que ce conflit est tombé du ciel ! Voilà le Goliath russe qui veut terrasser le brave David ukrainien paré de toutes les vertus. En fait, c’est l’hubris de l’Occident qui voulait régenter le monde en considérant comme quantité négligeable qu’il pensait avoir terrassé la Russie. Aux premières heures de la journée du 22 février, dans une émission spéciale, le président Poutine explique que son armée est entrée en Ukraine. Il explique que, depuis une vingtaine d’années, l’Occident, sourd aux appels de la Russie, s’étend à l’Est malgré les promesses. L’Occident autiste n’a jamais pris au sérieux la Russie. Après la débâcle de la fin de l’Empire sous Gorbatchev, Eltsine a ouvert la Russie aux appétits de l’Occident. Ce fut « la fin de l’histoire » prophétie auto-réalisatrice de Francis Fukuyama éminence grise du Pentagone. Plus personne ne pouvait s’opposer à l’hyperpuissance américaine. Le président Poutine a hérité d’un pays en miettes où la curée l’a vidé de sa matière. Il a fallu toute sa détermination pour s’opposer à l’hégémonie du rouleau compresseur de l’Empire et des vassaux qui bombent le torse avec les muscles des États-Unis. La seule façon de mettre fin au conflit est que l’Ukraine, un grand pays, accepte d’être comme la Finlande, un État neutre. Ce qui ne diminue en rien sa puissance pouvant alors avoir des relations d’égale dignité avec l’Occident et la Russie dont elle est le berceau originel. De plus il est plus que jamais temps de militer pour un monde apaisé multipolaire prédit par Samuel Huntington un autre idéologue du Pentagone, mais sans l’hubris de l’Empire. Le nouveau monde devra s’atteler à conjurer les dangers des changements climatiques de plus en plus dangereux et erratiques à en croire le dernier rapport du GIEC
Introduction
On ne comprendra pas ce qui se passe si on ne remonte pas dans le temps pour comprendre la réalité d’un grand pays encerclé par des pays qui, quelques décennies auparavant, étaient des satellites de l’URSS et qui, du jour au lendemain, bombent le torse se mettant sous la protection intéressée de l’Oncle Sam et offrant leur pays comme débouchés. Le président russe, le 11 février 2007, à Munich. Vladimir Poutine livre un discours énergique en matière de relations étrangères. Il dénonce « l’interventionnisme des États-Unis à l’extérieur de leur territoire » et déplore que ceux-ci « soient au cœur d’un monde unipolaire » et exprime son inquiétude pour ce qu’il perçoit comme « l’expansionnisme de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord ».
Verbatim de son discours : « Qu’est-ce qu’un monde unipolaire ? Malgré toutes les tentatives d’embellir ce terme, il ne signifie, en pratique, qu’une seule chose : c’est un seul centre de pouvoir, un seul centre de force et un seul centre de décision. C’est le monde d’un unique maître, d’un unique souverain. En fin de compte, cela est fatal à tous ceux qui se trouvent au sein de ce système aussi bien qu’au souverain lui-même, qui se détruira de l’intérieur. (…) J’estime que le modèle unipolaire n’est pas seulement inadmissible pour le monde contemporain, mais qu’il est même tout à fait impossible. Cependant, tout ce qui se produit actuellement dans le monde – et nous ne faisons que commencer à discuter à ce sujet – est la conséquence des tentatives pour implanter cette conception dans les affaires mondiales : la conception du monde unipolaire. (…) Nous sommes en présence de l’emploi hypertrophié, sans aucune entrave, de la force – militaire – dans les affaires internationales, qui plonge le monde dans un abîme de conflits successifs. Nous sommes témoins d’un mépris de plus en plus grand des principes fondamentaux du droit international. À qui cela peut-il convenir ? La domination du facteur force alimente inévitablement l’aspiration de certains pays à détenir des armes de destruction massive ».
« Pouvons-nous poursuit le président Poutine assister impassiblement à ce qui se produit ? J’essaierai de répondre à votre question. Bien entendu, nous ne devons pas rester impassibles. Bien sûr que non. Je suis certain que la Charte des Nations unies est l’unique mécanisme d’adoption de décisions sur l’emploi de la force en tant que dernier recours. (…) Il ne faut pas substituer l’OTAN et l’Union européenne à l’Organisation des Nations unies. Il faut œuvrer pour que le droit international soit universel aussi bien dans sa compréhension que dans l’application de ses normes. La Russie respecte strictement le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires et le régime multilatéral de contrôle de la technologie des missiles, et elle a l’intention de les respecter à l’avenir également. Signé en 1999, ce Traité était adapté à une nouvelle réalité géopolitique : le démantèlement du bloc de Varsovie. Sept ans se sont écoulés depuis, mais il n’a été ratifié que par quatre pays, dont la Fédération de Russie. Les pays de l’OTAN ont ouvertement déclaré qu’ils ne ratifieraient pas le Traité, (…) Mais que se passe-t-il pendant ce temps-là ? Eh bien, on voit apparaître en Bulgarie et en Roumanie des « bases américaines légères avancées » de 5 000 militaires chacune »[1].
Le président Poutine continue à questionner et à mettre l’Occident devant ses contradictions : en rappelant leurs promesses : « Il se trouve que l’OTAN rapproche ses forces avancées de nos frontières, tandis que nous – qui respectons strictement le Traité – ne réagissons pas à ces démarches. Il est évident, je pense, que l’élargissement de l’OATN n’a rien à voir avec la modernisation de l’alliance, ni avec la sécurité en Europe. Que sont devenues les assurances données par nos partenaires occidentaux après la dissolution du Pacte de Varsovie ? Où sont ces assurances ? On l’a oublié. Néanmoins, je me permettrai de rappeler aux personnes présentes dans cette salle ce qui a été dit. Je tiens à citer des paroles tirées du discours de M. Werner, alors Secrétaire général de l’OTAN, prononcé à Bruxelles le 17 mais 1990 : « Que nous soyons prêts à ne pas déployer les troupes de l’OTAN à l’extérieur du territoire de la RFA, cela donne à l’Union soviétique des garanties sûres de sécurité ». Où sont aujourd’hui ces garanties ? Or, maintenant, on s’efforce de nous imposer de nouvelles lignes de démarcation et de nouveaux murs. Évidemment, nous voudrions aussi avoir affaire à des partenaires sérieux et tout aussi indépendants avec lesquels nous pourrions travailler à l’édification d’un monde plus démocratique et plus équitable, tout en y garantissant la sécurité et la prospérité, non seulement des élites, mais de tous »[1].
Dans le même ordre, lors de sa conférence de presse après une rencontre avec le Premier ministre hongrois Viktor Orbán, le 1er février 2022, le président russe « a riposté publiquement à l’Occident » accusant les États-Unis et l’OTAN d’utiliser l’Ukraine pour cerner la Russie et d’ignorer les préoccupations de Moscou pour sa « sécurité », constate The Washington Post. « Leur principal objectif est l’endiguement de la Russie et l’Ukraine est juste un instrument pour atteindre ce but. Il y a différentes façons d’y parvenir, comme nous entraîner dans un conflit armé et ensuite forcer leurs alliés en Europe à adopter les sanctions très dures contre nous, évoquées aujourd’hui aux États-Unis ». « Imaginez que l’Ukraine soit membre de l’OTAN, bourrée d’armes […] et lance une opération militaire en Crimée, qui est un territoire souverain russe », a ajouté le président Poutine, cité par le Washington Post. « Est-ce qu’on devrait faire la guerre à l’OTAN ? Quelqu’un a pensé à ça ? On dirait que non ».
À quoi sert l’OTAN par qui la guerre est arrivée !
Tout commence en fait avec une question fondamentale. À quoi sert l’OTAN ? J’avais expliqué dans une contribution que l’OTAN est un vestige de la Guerre froide qui devait disparaître avec la disparition du Pacte de Varsovie. Il n’en fut rien ! Non seulement il est maintenu par les États-Unis et on s’aperçoit que, dans la plupart des conflits qui ont eu lieu, l’OTAN est impliqué.
Dans son ouvrage paru en 2016, « Les guerres illégales de l’OTAN, une chronique de Cuba à la Syrie » Daniele Ganser postule que les guerres qui font les gros titres des médias depuis des années ne sont que très rarement qualifiées d’illégales alors que c’est généralement le cas. « Il y a une interdiction de recourir à la guerre à l’échelle mondiale à deux exceptions près. La première est le droit à l’autodéfense. La seconde, c’est qu’une guerre contre un pays ne peut être entreprise qu’avec un mandat explicite du Conseil de sécurité de l’ONU. Hormis ces deux cas, toute guerre est interdite depuis plus de 70 ans. Ce sont les pays de l’OTAN, dirigés par les États-Unis, qui ont déclenché le plus de guerres illégales dans une totale impunité depuis 70 ans. (…) Le National Security Council (NSC ou Conseil de Sécurité nationale) est la structure qui détermine la politique étrangère des États-Unis ».
800 bases américaines : Un budget du Pentagone de 750 milliards de dollars
En résumant on s’aperçoit que le cortège des guerres illégales est impressionnant (Iran : 1953), Guatemala en 1954. (…) l’Égypte en 1956, Cuba en 1961. La guerre d’Indochine, Vietnam en mai 1954 puis en 1972. Nicaragua. Entre 1981 et 1985, la guerre illégale de l’OTAN contre le Panama, Yougoslavie, en Afghanistan, en Irak, en Syrie, au Yémen dont le conflit court toujours avec 350 000 morts, en Ukraine… Dans le même ordre nous devons avoir en tête que le budget de la défense américaine est équivalent à celui de tout les autres pays du Monde soit près de 750 milliards de dollars. De même, savons nous combien de bases américaines encerclent la Russie ? « En 2017, près de 200 000 hommes, soit 10% du personnel militaire américain, sont déployés à l’étranger dans 800 bases militaires déclarées. En 1961, l’équilibre des forces de l’OTAN et du pacte de Varsovie est décrit par l’équilibre mondial entre le monde occidental et le bloc sino-soviétique. Depuis, l’URSS a été amputée de près de la moitié de son effectif du fait de la chute de l’Empire soviétique. La plupart des pays ayant rejoint l’OTAN ».
Élargissement de l’OTAN vers l’Est : la preuve que l’Occident a trahi ses engagements
Le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, continue d’affirmer d’une façon compulsive que personne n’a fait des promesses à l’ex-Union soviétique sur le non élargissement à l’Est. La contribution suivante parmi les multiples témoignages remet les pendules à l’heure si on est scientifiquement honnête : « Pourtant en théorie, écrit Mehdi Ghayeb ou en géostratégie, l’Alliance atlantique n’avait plus de raison d’exister après la chute du mur de Berlin et la fin du Pacte de Varsovie. Ce constat est d’autant plus vrai et grave à la fois, que l’OTAN est d’essence impérialiste. Il ignore superbement le droit international quand celui-ci contredit sa vision des choses. L’hebdomadaire Der Spiegel parle d’un document datant de 1991. « l’OTAN ne devrait pas non plus s’étendre formellement ou informellement vers l’Est ». Il est question du procès-verbal de la réunion des directeurs politiques des ministères des Affaires étrangères américain, britannique, français et allemand, tenue à Bonn le 6 mars 1991. Les Britanniques, les Américains, les Allemands et les Français ont convenu que l’adhésion à l’OTAN de candidats d’Europe de l’Est est inacceptable. Selon la note, le directeur politique du ministère allemand des Affaires étrangères Jürgen Chrobog a déclaré : « Nous avions clairement indiqué que nous ne prolongerions pas l’OTAN au-delà de l’Elbe (sic). Nous ne pouvions donc pas proposer l’adhésion à l’OTAN à la Pologne et aux autres ». Le président russe, Vladimir Poutine, a souligné à plusieurs reprises que pendant des négociations sur l’unification de l’Allemagne, l’Union soviétique s’est vu promettre que l’OTAN ne s’élargirait pas. Il l’a notamment dit lors d’une conférence de presse en décembre 2021 : « Pas un pouce vers l’Est, nous disait-on dans les années 90. Et alors ? Ils ont triché. Ils ont simplement trompé de manière flagrante : cinq vagues d’expansion de l’OTAN ».
Bruno Guigue résume assez bien les reproches de Poutine depuis une vingtaine d’années, en vain ! : « Que veut la Russie ? Elle veut un traité international garantissant la non-adhésion de l’Ukraine à l’OTAN. Cet accord en bonne et due forme mettrait un coup d’arrêt à la politique d’encerclement orchestrée par Washington depuis la chute de l’URSS et offrirait à la Russie de véritables garanties de sécurité. Dans ce scénario cousu de fil blanc, l’Ukraine sert d’appât et de maillon faible : en la colonisant, Washington y exerce une influence délétère qui menace la sécurité de la Russie à ses propres frontières. Dans cette conjoncture, seul l’hégémonisme des États-Unis a intérêt à la guerre. Enfin, le bénéfice économique d’un tel conflit, pour Washington, serait considérable : la Russie serait punie par l’Union européenne et le projet North Stream 2 définitivement torpillé ».
Comment le conflit ukrainien est devenu le laboratoire du terrorisme d’extrême droite ?
On ne peut pas ne pas citer cette dimension fasciste de l’Ukraine et que les médias occidentaux atténuent voire « oublient ». Le nazisme est compatible quand il s’agit de combattre tout ce qui n’a pas la pureté de l’Occident blanc chrétien. C’est dans ce cadre qu’il faut comprendre la tolérance à titre d’exemple des pays occidentaux à propos de Bataillon d’Azov ! Antoine Hasday, Maxime Macé et Pierre Plottu ont fait une étude sur les racines anciennes de ces mouvements. Ils écrivent : « Depuis 2014, des milliers de suprémacistes blancs étrangers utilisent ce combat comme un prélude à la guerre globale pour la défense de la « race blanche ». En février 2014, le mouvement pro-européen EuroMaïdan chasse du pouvoir le président ukrainien pro-russe Viktor Ianoukovytch. Ce qui exacerbe les velléités séparatistes des Ukrainien·nes russophones – dont beaucoup se considèrent plus Russes qu’Ukrainien·nes – en Crimée et dans la région du Donbass, où elles et ils sont majoritaires. En mars 2014, la Russie annexe la Crimée. Le déclenchement du conflit ukrainien a permis à toute une frange de l’extrême droite radicale d’assouvir ses fantasmes de guerre dans un conflit de haute intensité, qui a déjà fait plusieurs milliers de morts et qui n’est toujours pas résolu. (…) Le groupe ne cache alors pas ses convictions néonazies, en témoignent le Soleil noir et la Wolfsangel (…) Dès 1933, les nationalistes de l’OUN, en premier lieu Stépan Bandera et Roman Choukhevytch, voient l’Allemagne nazie un partenaire d’opportunité qui pourrait les mener sur la voie de l’indépendance, notamment face à la domination soviétique. L’Allemagne commence à financer l’organisation et Bandera noue des relations avec l’Abwehr et la Gestapo en 1934 ». (…) Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis ont utilisé des mouvements d’extrême droite ukrainienne afin de lutter d’abord contre l’URSS puis contre la Russie. Les milliards de dollars, comme le concède Victoria Nuland, en attestent, tout comme le soutien militaire accordé à Kiev (…).
Les sanctions contre la Russie, à terme, sans effet
Il est hors de doute que les sanctions contre la Russie seront dures, mais la Russie peut s’en remettre. Rodolphe Cottier décrivant les précédentes sanctions que la Russie a eu à connaitre lui ont permit d’être plus fortes et de plus ne plus autonomes. Il écrit : « Les sanctions contre la Russie, imposées à la suite du rattachement de la Crimée à la Fédération de Russie, ont provoqué une période de trois ans de récession, obligeant la Russie à réformer son économie à marche forcée. La Russie a imposé des contre-sanctions qui ont fait perdre de nombreuses parts de marché, notamment agricole, à l’UE. Les marchés perdus ont été pris par d’autres pays tels que l’Égypte ou le Brésil. Mais plus certainement, l’économie russe s’est attachée à pallier elle-même les pénuries. La production porcine couvre désormais ses besoins. Idem pour les céréales. La Russie devient le premier exportateur mondial de blé et de céréales, se payant même le luxe de devancer les États-Unis… En second lieu, la production russe fait baisser le cours du blé américain (et européen) du fait de la quantité disponible. Dans un autre domaine, la Russie développe l’extraction d’or (elle est le premier pays acheteur afin de gonfler ses resserves. Dans le même temps, la réserve fédérale russe se débarrasse de ses bons du trésor américains et de ses dollars ».
« Le manque de confiance poursuit Rodolphe Cottier dans la monnaie d’un pays surendetté et la volonté de s’affranchir de la dépendance envers les États-Unis d’Amérique s’ajoutent au prétexte principal de préserver la souveraineté. Il convient de rappeler que la Russie a remboursé quasiment l’ensemble des dettes héritées de l’URSS et présente désormais un endettement de moins de 11% en 2019 (source FMI). Les chiffres de l’économie russe, malgré les sanctions, laissent rêveur si l’on s’en tient au fait et que l’on laisse de côté l’idéologie : excédent commercial, réserves de change supérieures à l’endettement, un taux de chômage à 4,9%… Sur le plan énergétique, la Russie a proposé à ses partenaires européens la construction d’un second gazoduc – Nord Stream. Celui-ci est l’objet du courroux américain qui voit s’échapper un marché potentiel pour son propre gaz – nettement plus cher –, et ukraino-polonais qui y voient la perte de la manne financière du transit du gaz »[9].
Ukraine perdante : Europe victime des sanctions boomerang, États-Unis vainqueurs
« Le grand perdant, écrit Rodolphe Cottier en fait, aura été le peuple ukrainien. Instrument, ou jouet, dans les mains d’Atlantistes. Côté géopolitique, la crise ukrainienne aura permis aux USA d’avancer les pions de l’OTAN aux frontières russes, en s’étendant dans les pays Baltes, Pologne, Roumanie… Cette progression est perçue comme une menace rampante, une zone de conflit à ses frontières. (…) l’Ukraine a vu son industrie dévastée. Son agriculture passe dans les mains de Monsanto, les réserves de charbon sont aux mains des séparatistes, son industrie aéronautique agonisante tente de se relancer par un partenariat avec Boeing. Le pays est partagé en deux, de manière sans doute irrémédiable (…) »[9].
« Finalement, la politique américaine en Ukraine n’aura pas été un si grand échec. Si l’on se place du point de vue outre-Atlantique, on pourra observer un affaiblissement de l’intégration européenne, avec la scission entre une Europe de l’Ouest, ou une marge croissante de politiques réclament une levée des sanctions contre la Russie, alors que l’Europe de l’Est, Pologne et pays Baltes en tête, recherche avant tout la protection du bouclier militaire américain. L’OTAN, du fait de la diabolisation de la Russie, est étendue aux frontières orientales de l’UE, au point de voir la Pologne offrir au Pentagone l’installation d’une base permanente sur son territoire »[9].
S’agissant de l’Europe elle joue le rôle d’une variable d’ajustement, Ce sont des sanctions boomerang et l’Europe, passée les premières rodomontades, commence à évaluer les retours de manivelle de leurs « punitions de la Russie ». Les pays européens commencent à paniquer concernant l’énergie 43% du gaz provient de l’Europe, Un tiers du pétrole aussi. On sent que c’est limite et que ces actions vont avoir des contre sanctions elle sera de plus en plus vulnérables ; naturellement l’Empire est là grand seigneur à faire marcher à fond ses usines de GNL et développer ainsi le Gaz de schiste qui reprend des couleurs avec des prix jamais vus aussi bien pour le gaz que pour le pétrole.
L’Ukraine, un grand pays développé qui pourrait avoir une politique de neutralité
L’Ukraine est un grand pays de plus de 45 millions d’habitants. C’est peut-être la quatrième puissance européenne militaire et la cinquième économique. Ce pays a une grande population de Russes de souche et des liens sociaux et culturels étroits avec la Russie. L’Ukraine est un pays développé technologiquement. Son industrie nucléaire et son industrie de l’aviation sont connues. C’est à la fois Tchernobyl et Antonov, c’est aussi le grenier à blé de l’ex-URSS. Elle a la possibilité d’être autonome et ne pas être dépecée par une Union européenne qui la voit comme un marché. Elle n’est pas au même niveau que les pays qui ont rejoint l’Europe et qui n’apportent pas de valeur ajoutée.
Une façon de mettre fin au conflit rapidement est que l’Occident qui a crée le litige, revienne à la raison en persuadant l’Ukraine d’adopter une certaine forme de neutralité. Sur le site de la BBC, nous lisons : « Des responsables français auraient suggéré à l’Ukraine de prendre la Finlande comme modèle. La Finlande a adopté une neutralité formelle pendant la Guerre froide. C’était un État indépendant, souverain et démocratique. Elle est restée – et reste – en dehors de l’OTAN. Cela pourrait-il être attrayant pour Kiev ? Elle pourrait, en théorie, satisfaire le désir de M. Poutine de voir l’Ukraine ne jamais rejoindre l’OTAN. L’Ukraine aurait fait son choix souverain de ne pas adhérer ».
La détresse de l’Occident : aujourd’hui, l’Ukraine ; demain, Taïwan
Ce conflit a permis de remettre les pendules à l’heure sur la réalité inexorable du monde. Le roi est nu ! après avoir usé et abusé de toutes les ficelles, les fausses promesses, les gadgets de la démocratie à géométrie variable, l’Empire et ses vassaux sentent que le monde qu’ils avaient modelé à leur guise faisant fi des 88% des habitants de la Terre est en train de se craqueler. Les stratégies du PNAC de « L’Ordo ab chao » – L’ordre né du désordre cher à Condoleeza Rice et par la suite, les techniques des printemps sur commande avec le « Régime change » deviennent de plus inopérants devant de grandes nations qui n’acceptent plus le mépris et le magister dixit.
Lisons ce qu’écrit Drieu Godefridi en « colère » contre le déclin de l’Occident qu’il veut toujours. Dans une tribune sans concession, mais où règne en creux la rage que lui, Belge appartenant à la « civilisation de l’Europe », puisse assister impuissant à l’occupation de l’Ukraine sous les fanfaronnades d’un Occident sur le déclin, il rappelle avec nostalgie la réalpolitik de Nixon et Kissinger et la nullité des dirigeants occidentaux actuels. Nous lisons : « L’Ukraine a cessé d’exister comme État souverain indépendant. C’est désormais une donnée factuelle avérée. L’histoire retiendra l’idée d’intégrer l’Ukraine à l’Alliance atlantique (OTAN) comme l’une des plus hybristiques et contre-productives de notre temps. (…) Pauvres Européens. Ils avaient cru échapper à l’Histoire, son tragique et son fracas. Tandis qu’ils se déchirent sur les sujets les plus imbéciles – les vaccins, les éoliennes ! – l’Histoire s’écrit sous leurs yeux mais ils ne la voient pas. Depuis deux siècles, trois puissances militaires dominent l’Europe : Allemagne, France, Royaume-Uni. La France parle fort, mais n’a plus remporté une guerre par ses propres moyens depuis deux siècles. Le Royaume-Uni a quitté l’Union européenne et ne s’est jamais projeté comme puissance continentale. Reste l’Allemagne, première tradition et puissance militaire en Europe depuis deux siècles. La puissance militaire ne s’apprécie pas que par les chiffres actuels. Il existe un savoir-faire, une tradition proprement militaires ».
L’auteur explique comment les Américains se sont enfoncés dans l’erreur en n’écoutant pas George Kennan qui était contre l’élargissement à l’Est de l’OTAN : « En 1998, quand le Russe était militairement à terre, le Sénat des États-Unis ratifiait l’expansion de l’OTAN à l’Est. Rien ne justifiait cette expansion du point de vue de l’intérêt des membres de l’OTAN, contraints du fait même d’apporter leur garantie – celle d’une guerre totale en cas d’incursion russe. Je cède la parole à George Kennan, architecte de la victorieuse politique de containment de l’URSS ». « Je pense que c’est le début d’une nouvelle guerre froide. Je pense que les Russes vont progressivement réagir de manière assez négative et que cela affectera leurs politiques. Je pense que c’est une erreur tragique. Il n’y avait aucune raison pour cela. Personne ne menaçait personne d’autre. J’ai été particulièrement gêné par les références à la Russie en tant que pays mourant d’envie d’attaquer l’Europe occidentale. Les gens ne comprennent-ils pas ? Nos différences dans la guerre froide étaient avec le régime communiste soviétique. Et maintenant, nous tournons le dos à ceux-là mêmes qui ont organisé la plus grande révolution sans effusion de sang de l’histoire pour renverser ce régime soviétique. […] » (Cité par Thomas Friedman, The New York Times, 22 février 2022)[11].
Enfin, l’auteur attire l’attention sur le fait que le prochain domino est Taïwan : « Au-delà de l’Ukraine se pointe l’enjeu de Taïwan avec la Chine. De soumises au droit qu’étaient les relations étrangères depuis 1989 – par quoi l’Occident entendait son droit, quand l’Occident était sans rival, faisait tout ce qu’il voulait, ont insensiblement opéré une reptation à reculons vers les deux soleils qui les ont, de toute éternité, irradiées : la force et la diplomatie. La différence étant que les responsables américains du tournant diplomatique qui nous intéresse, MM. Nixon et Kissinger, étaient d’une tout autre trempe (…) Adeptes de la realpolitik, Nixon et Kissinger avaient le sens du principal et de l’accessoire, et de la prééminence en diplomatie du rapport de force sur n’importe quelle considération morale. Leur principal but était la victoire ultime de l’Occident sur ses deux rivaux totalitaires. Ce qui les mena tout naturellement à s’allier au plus faible des deux – à l’époque, la Chine – pour le détacher de ce qui était la vraie menace : l’URSS. La diplomatie se rit des professeurs de vertu. (…) Le principal ennemi de l’Occident, dans le couple Chine-Russie n’est pas la Russie. C’est la Chine. Chine et Russie n’avaient plus été aussi proches, sur tous les plans, depuis l’arrivée aux affaires de M. Kissinger. Nous avons littéralement jeté ces régimes autocratique et totalitaire dans les bras l’un de l’autre. (…) »[11].
L’Occident se réveille-t-il trop tard ? C’est par ces larmoiements et dans le même ordre que Mathieu Bock-Côté juge le déclin de l’Occident : « On ne comprendra, dit-il, rien à l’invasion de l’Ukraine par la Russie de Vladimir Poutine si on ne comprend pas que son agressivité conquérante repose sur une vision très sévère, mais pas fausse, de la civilisation occidentale, qu’il juge apathique, déréglée, dévitalisée, décadente. L’histoire des 30 dernières années qui nous conduit à cette impasse : nous avons cru que la politique se réduisait à l’expansion infinie du commerce et du droit (…) Nous n’avons pas pris conscience des conséquences géopolitiques de l’affaiblissement progressif de l’Empire américain, devant la montée de grandes puissances régionales qui entendent être souveraines chez elles, et dominer le coin du monde où elles veulent établir leur empire. Nous n’avons pas compris, ou pas voulu comprendre que la Russie avait vécu comme une humiliation l’effondrement et le démembrement de l’URSS ».
Conclusion provisoire
« Quand les riches se font la guerre, ce sont les pauvres qui meurent » disait Sartre. La guerre est toujours une tragédie, elle marque l’échec de la raison. Les Nations unies sont aphones. Cela rappelle la Société des Nations. Dans ce conflit, la Russie n’a pas cessé d’appeler à prendre en considération son désir légitime de sécurité. Quand on pense aux dizaines de conflits générés directement ou indirectement par les pays occidentaux, on est en droit de se demander : quelle est la finalité de tout cela ? Y a-t-il deux poids, deux mesures ? 100 000 migrants qui ont fui la guerre entrent en Pologne sans problème, quelques milliers d’Afghans, de Syriens avec femmes et enfants dans la faim et le froid campent près des barbelés de la forteresse Europe. Les larmes de crocodile des médias mainstream font tourner en boucle les images des Ukrainiens dans le métro. Pendant ce temps, une autre humanité souffre : 350 000 morts au Yémen, une famine épouvantable avec 5 millions dans des conditions atroces, cela n’émeut personne.
L’Occident veut continuer à être « sûr de lui et dominateur » avec l’entêtement de vouloir continuer à gouverner le monde à son entendement en dictant la norme du bien et du mal. Avec ses dernières convulsions, l’ancien monde unipolaire est devenu une vue de l’esprit. Il y a bien longtemps que la démocratie aéroportée ne fait plus illusion. L’histoire des civilisations montre que des empires disparaissent. La solution à la crise est au niveau de l’Occident qui a créé le problème en faisant miroiter à l’Ukraine l’entrée dans l’OTAN et l’appartenance à la forteresse Europe dont le rôle est de contenir la Russie en l’entourant de bases américaines. Il est évident que c’est l’Europe qui sera impacté des suites de ce conflit existentiel pour la Russie. Pour les États-Unis dans l’ancienne logique classique de l’Empire, c’est tout bénéfice.
Par contre, si l’Occident veut réellement apaiser les convulsions du monde, il pourra s’engager dans un désarmement total. L’Occident devrait faire son examen de conscience et œuvrer à l’émergence d’un monde multipolaire, où chaque pays peut vivre en paix car les vrais dangers de l’humanité sont à venir et le dernier rapport du GIEC nous annonce une apocalypse inévitable du fait de l’autisme et surtout de l’ébriété énergétique fossile actuel. Quand on pense que les majors européennes auront absorbé leur quota carbone quinze ans avant cette neutralité carbone de 2050 dont on s’aperçoit de plus que c’est une vue de l’esprit.
Professeur Chems Eddine Chitour
Adblock test (Why?)
Source : Lire l'article complet par Réseau International
Source: Lire l'article complet de Réseau International