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par Michael Hudson.
L’objectif à long terme de la Russie est d’arracher l’Europe à la domination de l’OTAN et des États-Unis – et au cours du processus, de créer avec la Chine un nouvel ordre mondial multipolaire centré sur une Eurasie intégrée économiquement.
Mon vieux patron Herman Kahn, avec qui j’ai travaillé à l’Institut Hudson dans les années 1970, avait un discours tout fait qu’il donnait lors de meetings publics. Il disait que quand il était au lycée à Los Angeles, ses professeurs disaient ce que la plupart des libéraux disaient dans les années quarante et cinquante : « Les guerres n’ont jamais rien résolu ». C’était comme si elles n’ayant jamais rien changé – elles ne devaient donc pas être menées.
Herman n’était pas d’accord et il faisait une liste de toutes sortes de choses que les guerres avaient résolu dans l’histoire mondiale, ou du moins changé. Il avait raison, et bien sûr c’est l’objectif des deux côtés dans la Nouvelle Guerre froide d’aujourd’hui.
La question qu’il faut poser est qu’est-ce que la Nouvelle Guerre froide d’aujourd’hui cherche à changer ou à « résoudre ». Pour répondre à cette question, il est utile de se poser la question de qui a démarré la guerre. Il y a toujours deux parties – l’attaquant et l’attaqué. L’attaquant recherche certaines conséquences et l’attaqué recherche des conséquences involontaires dont ils peuvent l’un et l’autre tirer avantage. En l’occurence, les deux côté ont leurs séries de duels de conséquences recherchées et d’intérêts spéciaux.
La force militaire active et l’agression, depuis 1991, ont été le fait des États-Unis. En rejetant le désarmement mutuel des pays du Pacte de Varsovie et de l’OTAN, il n’y a pas eu de « dividende de la paix ». Au lieu de cela, la politique américaine exécutée par l’administration des Clinton et par celles qui ont suivi, qui était de mener une nouvelle expansion militaire via l’OTAN, a payé des dividendes pour trente ans en déplaçant la politique étrangère de l’Europe occidentale et des autres alliés américains en hors de leur sphère politique domestique vers le propre blob américain orienté vers la « sécurité nationale » des États-Unis (le mot pour les intérêts spéciaux qui ne peut pas être nommé). L’OTAN est devenu le corps façonnant la politique étrangère de l’Europe, au point de dominer même les intérêts économiques domestiques.
Les récentes pressions exercées sur la Russie par le régime néonazi ukrainien de l’après-2014 visaient (et ont réussi) à provoquer une confrontation forcée en réponse à la crainte pour les intérêts américains de perdre leur emprise économique et politique sur leurs alliés de l’OTAN et des autres satellites de la zone dollar, ces pays ayant vu d’importantes opportunités de profit en augmentant le commerce et les investissements avec la Chine et la Russie.
Pour comprendre quels sont les objectifs et les intérêts américains menacés, il est nécessaire de comprendre la politique américaine et le « blob », c’est-à-dire le système de planification centrale du gouvernement qui ne peut pas être expliqué en examinant la politique apparemment démocratique des États-Unis. Il ne s’agit pas de la politique des sénateurs et des représentants du Congrès américains pour représenter leurs circonscriptions électorales ou leurs États.
Les trois oligarchies américaines qui contrôlent la politique étrangère des États-Unis
Il est plus réaliste de regarder la politique intérieure et la politique étrangère des USA en termes de complexe militaro-industriel, de complexe du pétrole et du gaz (et du secteur minier) et de complexe bancaire et immobilier qu’en termes de politique politicienne des républicains et des démocrates. Les sénateurs et les représentants du Congrès les plus importants ne représentent pas tant leurs États et leurs districts que les intérêts économiques et financiers des principaux contributeurs de leurs campagnes politiques. Un diagramme de Venn pourrait montrer que dans le monde post-citoyens américain actuel, les politiciens américains représentent les contributeurs de leurs campagnes électorales, pas les électeurs. Et ces contributeurs appartiennent basiquement à trois blocs principaux.
Trois principaux groupes oligarchiques ont acheté le contrôle du Sénat et du Congrès pour mettre leurs propres décideurs politiques au département d’État et au département de la Défense.
En premier le Complexe Militaro-Industriel (MIC) – des fabricants d’armes comme Raytheon, Boeing et Lockheed-Martin ont implanté de manière élargie leurs usines et leurs employés dans presque tous les États d’Amérique et plus particulièrement dans les districts du Congrès où les chefs des commissions principales sont élus. Leur base économique est la rente monopolistique obtenue par dessus tout à partir de leurs ventes d’armes à l’OTAN, aux exportateurs de pétrole du Proche Orient et aux autres pays qui ont des surplus de balance de paiement. Les actions de ces entreprises ont immédiatement grimpé en flèche après les nouvelles de l’attaque russe, ce qui a conduit à une envolée boursière de deux jours, les investisseurs étant conscients que la guerre dans un monde de « capitalisme du Pentagone » à coût majoré (comme l’a décrit Seymour Melman) fournira un cadre de sécurité nationale garanti pour les profits monopolistiques des industries de guerre. Les sénateurs et les représentants du Congrès de Californie et de Washington représentent traditionnellement le MIC, avec le Sud solidement pro-armée. L’escalade militaire de la semaine passée a été la promesse d’une envolée de ventes d’armes à l’OTAN et aux autres alliés américains, permettant d’enrichir les véritables électeurs de ces politiciens. L’Allemagne a rapidement accepté d’augmenter ses dépenses militaires au-delà de 2% de son PIB.
Le deuxième plus gros bloc oligarchique est le secteur de l’extraction du pétrole et du gaz, accompagné du secteur minier (OGAM : oil, gaz, mining), qui mène une politique de favoritisme fiscal spécifique accordé par l’Amérique aux entreprises qui vident les ressources naturelles du sol pour les déverser principalement dans l’atmosphère, les océans et les réserves d’eau.
Comme le secteur bancaire et immobilier qui cherche à optimiser au maximum la rente économique et les gains de capitaux par le logement et autres avoirs, l’objectif de ce secteur OGAM est d’optimiser au maximum le prix de son énergie et de ses matières premières brutes de manière à maximiser sa rente de ressources naturelles. Depuis plus d’une année maintenant, l’une des principales priorités américaines a été de monopoliser le marché du pétrole de la zone du dollar et de l’isoler du pétrole et du gaz russes, parce que le gazoduc Nord Stream 2 menaçait de relier plus étroitement les économies de l’Europe occidentale et de la Russie.
Si les opérations du secteur du pétrole, du gaz et des mines ne sont pas situées dans tous les districts de vote des États-Unis, leurs investisseurs, eux, le sont. Les sénateurs du Texas et d’autres États miniers ou producteurs de pétrole de l’Ouest sont les principaux lobbyistes OGAM, et le département d’État est sous une forte influence du secteur pétrolier, ce qui lui assure la couverture de la Sécurité nationale pour bénéficier d’avantages fiscaux spéciaux. L’objectif politique secondaire est d’ignorer et de rejeter la volonté environnementale de remplacer le pétrole, le gaz et le charbon avec des sources alternatives d’énergie. Aussi l’administration Biden a soutenu l’expansion de forages offshore, elle a donné son appui au pipeline canadien issu des sables bitumeux de l’Athabasca qui sont la source de pétrole la plus polluante existante et elle a célébré la renaissance de la fracturation hydraulique américaine.
L’extension de la politique étrangère est d’empêcher les pays étrangers qui ne cèdent pas le contrôle de leur pétrole, de leur gaz et de leurs mines aux compagnies américaines de l’OGAM d’entrer en compétition avec les fournisseurs américains sur le marché mondial. Isoler la Russie (et l’Iran) des marchés occidentaux va réduire l’approvisionnement en pétrole et en gaz, et par conséquence faire monter les prix et augmenter les bénéfices des entreprises.
Le troisième principal groupe oligarchique est le secteur symbiotique de la Finance, des Assurances et de l’Immobilier (FIRE : Finance, Insurance, Real Estate) qui est le successeur moderne de la finance capitaliste de la vieille aristocratie terrienne post-féodale de l’Europe vivant de ses rentes foncières. Alors que la plupart des logements dans le monde actuel sont devenu la propriété de propriétaires occupants (bien qu’avec un taux grandissant de manière aiguë de propriétaires absentéistes depuis la vague d’expulsions post 2008 d’Obama), la rente immobilière est en large partie payée au secteur bancaire sous la forme d’intérêts hypothécaires et d’amortissement de la dette (sur l’augmentation des ratios d’endettement alors que les prêts bancaires font monter les prix du logement). Près de 80% des prêts bancaires américains et britanniques sont accordés au secteur immobilier, ce qui produit une inflation des prix de l’immobilier pour créer de la plus-value – qui est de fait exonérée d’impôt pour les propriétaires absents.
Ce bloc bancaire et immobilier centré sur Wall Street s’appuie encore plus largement sur une base électorale de district par district que le secteur militaro-industriel (MIC). Son sénateur de New York, issu de Wall Street, Chuck Schumer, dirige le Sénat, et il est soutenu depuis longtemps par l’ancien sénateur du Delaware, qui lui est issu de l’industrie des cartes de crédit, Joe Biden, et par les sénateurs du Connecticut qui sont eux issus du secteur de l’assurance, secteur très présent au centre de cet État. Sur le plan intérieur, l’objectif de ce secteur est d’augmenter au maximum la rente immobilière et la plus-value issue de cette augmentation des prix de l’immobilier. Au niveau international, l’objectif du secteur FIRE est de privatiser les économies étrangères (et plus que tout de garder dans les mains des États-Unis le privilège de la création de crédit), de manière à transformer les infrastructures d’État et les services publics en monopoles privatifs lucratifs pour fournir les services de base (comme la santé, l’éducation, le transport, les technologies de la communication et de l’information) à des prix majorés au lieu des prix subventionnés destinés à réduire le coût de la vie et à faire des affaires. Et Wall Street a toujours été très étroitement lié avec l’industrie du pétrole et du gaz (à savoir le Citigroup dominé par Rockefeller et les conglomérats bancaires de Chase Manhattan).
Les secteurs FIRE (Finance, immobilier et assurance), MIC (industrie militaire) et OGAM (pétrole, gaz et mines) sont les trois secteurs rentiers qui dominent l’actuel capitalisme financier post-industriel. Leurs succès mutuels ont explosé alors que les actions MIC et OGAM ont augmenté. Et les mouvements pour exclure la Russie du système financier occidental (et désormais partiellement de SWIFT), couplés avec les effets adverses d’isoler les économies européennes de l’énergie russe, promettent de susciter un afflux vers les titres financiers en dollars.
Comme mentionné au début, il est plus utile de voir l’économie et la politique étrangère des États-Unis en termes de complexes basés sur ces trois secteurs rentiers qu’en termes de politique politicienne des républicains ou des démocrates. Les plus influents sénateurs et représentants du Congrès ne représentent pas tant leurs États et leurs districts que les intérêts économiques et financiers de leurs principaux donateurs. C’est pourquoi ni l’industrie ni l’agriculture ne jouent un rôle dominant dans l’actuelle politique étrangère des États-Unis. La convergence des objectifs politique des trois groupes rentiers dominants de l’Amérique dépasse très largement les intérêts du travail et même du capital industriel en dehors du complexe militaro-industriel. Cette convergence est la caractéristique déterminante de l’actuel capitalisme financier post-industriel. C’est basiquement une reconversion vers une économie de recherche de rentes, qui est indépendante des politiques du travail et du capital industriel.
La dynamique qui doit être retracée aujourd’hui est pourquoi ce blob oligarchique a-t-il trouvé son intérêt à mettre la pression sur la Russie, dans une posture de type « à prendre ou à laisser » de résister aux attaques toujours plus violentes sur les provinces russophones de Lougansk et de Donetsk que la Russie a bien évidemment interprété comme telle, accompagnée de menaces plus générales de l’Occident contre la Russie.
Les conséquences attendues par le « blob » rentier de la Nouvelle Guerre froide
Comme le président Biden l’a expliqué, l’actuelle escalade militaire orchestrée par les États-Unis (Provoquer l’ours) ne porte pas réellement sur l’Ukraine. Biden a promis dès le départ qu’aucune troupe américaine ne serait impliquée. Mais il avait demandé depuis plus d’un an que l’Allemagne empêche le gazoduc Nord Stream 2 d’alimenter son industrie et ses logements avec un gaz bon marché et se tourne vers les fournisseurs américains bien plus chers.
Les officiels des États-Unis ont d’abord essayé d’empêcher l’achèvement de la construction du gazoduc. Les entreprises qui participaient à la construction ont été sanctionnées, mais finalement c’est la Russie elle-même qui a achevé la construction du gazoduc. Les pressions des États-Unis se sont alors tournées vers les politiciens allemands généralement malléables, en déclarant que l’Allemagne et le reste de l’Europe faisaient face à une menace de sécurité nationale si la Russie cessait de fournir le gaz, probablement pour obtenir certaines concessions politiques ou économiques. Aucune demande spécifique de la Russie ne pouvaient être imaginée, et donc leur nature est restée obscure et sans forme précise, comme un blob. L’Allemagne a refusé d’autoriser la mise en service du Nord Stream 2.
L’un des objectifs majeur de l’actuelle Nouvelle Guerre froide est de monopoliser le marché pour les livraisons américaines de gaz naturel liquéfié (GNL). Sous l’administration de Trump, déjà, Angela Merkel a reçu des pressions pour la pousser à promettre de dépenser 1 milliard $ pour construire de nouvelles installations portuaires pour que les navires gaziers puissent décharger le gaz naturel pour l’usage allemand. La victoire aux élections démocratiques en novembre 2020, suivie par le retrait de Mme Merkel de la scène politique allemande, ont mené à l’annulation de cet investissement portuaire, laissant l’Allemand sans véritable autre alternative que d’importer le gaz russe pour chauffer ses maisons, alimenter ses services publics électriques et pour fournir la matière première pour son industries des engrais et ainsi maintenir sa production agricole.
Ainsi le plus urgent des objectifs stratégiques américains d’une confrontation de l’OTAN avec la Russie est d’augmenter les prix du pétrole et du gaz, par dessus tout au détriment de l’Allemagne. En plus de générer des profits et des gains en bourse pour les compagnies pétrolières américaines, des prix plus élevés pour l’énergie vont supprimer une grande part de la vapeur de l’économie allemande. Ce qui se dessine est que pour la troisième fois en un siècle les États-Unis ont vaincu l’Allemagne – en augmentant à chaque fois leur contrôle sur une économie allemande toujours plus dépendante des États-Unis pour les importations et la direction politique, avec l’OTAN comme contrôle effectif contre toute résistance domestique nationale.
Des prix plus élevés pour l’essence, le chauffage et les autres énergies sera aussi dommageable pour les consommateurs des États-Unis et ceux d’autres nations (particulièrement les économies en déficit d’énergie du Sud global) et réduiront le budget des familles américaines pour les dépenses de biens domestiques et de services. Ceci pourrait faire pression sur les petits propriétaires marginalisés et les investisseurs, menant à plus de concentration de propriétaires absentéistes de logements et de biens commerciaux aux États-Unis, ainsi qu’à des rachats auprès de propriétaires en difficultés dans d’autres pays confrontés avec la flambée des coûts du chauffage et de l’énergie. Mais ceci est un dommage collatéral bien connu du blob post-industriel.
Le prix de la nourriture augmentera aussi, à commencer par le blé (la Russie et l’Ukraine comptent pour 25% des exportations mondiales de blé). Cela fera pression sur de nombreux pays du Proche Orient et du Sud global en déficit alimentaire, empirant leur balance de paiement et les menaçant de défaut de paiement des dettes étrangères.
Les exportations de matières premières brutes russes pourraient être bloquées par la Russie en réponse aux sanctions actuelles sur la monnaie et sur SWIFT. Cette menace pourrait causer des ruptures de chaîne d’approvisionnement pour du matériel stratégique, y compris le cobalt, le palladium, le nickel et l’aluminium (dont la production consomme beaucoup d’électricité comme coût principal – ce qui rendra le métal encore plus cher). Si la Chine décide de se voir comme la prochaine nation menacée et rejoint la Russie dans une protestation commune contre la guerre commerciale et financière américaines, les économies occidentales subiront un sérieux choc.
Le rêve à long terme des guerriers américains de la Nouvelle Guerre froide est de briser la Russie, ou au moins de restaurer la kleptocratie managériale de Yeltsin et des Harvard Boys, avec des oligarques cherchant à encaisser leur privatisations dans les bourses occidentales. OGAM (Oil, gaz, mining) rêve toujours d’acheter le contrôle majoritaire de Yukos et de Gazprom. Wall Street adorerait recréer le boom du marché boursier russe. Et les investisseurs MIC (armement) anticipent avec joie la perspective de vendre plus d’armes pour faire émerger tout cela.
Les intentions russes pour bénéficier des conséquences involontaires des objectifs de l’Amérique
Qu’est-ce que la Russie veut ? Dans l’immédiat, extirper le cœur néo-nazi et anti-russe que le massacre de Maïdan et le coup d’État ont mis en place en 2014. L’Ukraine doit être neutralisée, ce qui basiquement veut dire pour la Russie pro-russe, dominée par Donetsk, Lougansk et la Crimée. L’objectif est d’empêcher l’Ukraine de devenir une zone d’étape pour les mouvements anti-russes orchestrés par les États-Unis comme en Tchétchénie ou en Géorgie.
L’objectif à long terme de la Russie est d’arracher l’Europe à la domination de l’OTAN et des États-Unis – et au cours du processus, de créer avec la Chine un nouvel ordre mondial multipolaire centré sur une Eurasie intégrée économiquement. L’objectif est de dissoudre complètement l’OTAN et ensuite de promouvoir un large désarmement et les politiques de dénucléarisation que la Russie cherche depuis longtemps à mettre en place. Non seulement cela réduira les achats étrangers d’armes américaines, mais cela peut aussi aboutir à mener des sanctions contre tout futur aventurisme militaire des États-Unis. Cela pourrait aussi réduire la capacité de l’Amérique à financer ses opérations militaires alors que la dé-dollarisation s’accélère.
Maintenant il devrait être évident pour tout observateur informé que (1) le but de l’OTAN est l’agression, pas la défense et que (2) il ne reste plus de territoires de la vieille Union soviétique à conquérir, qu’est-ce que l’Europe gagne à rester membre ? Il est évident que la Russie n’envahira plus jamais l’Europe. Elle n’a rien à gagner – et n’avait rien à gagner en combattant l’Ukraine, à l’exception de faire reculer l’expansion des proxy de l’OTAN dans ce pays et les attaques soutenues par l’OTAN sur la Novorossiya.
Est-ce que les dirigeants européens nationalistes (la gauche est largement pro-US) se demanderont pourquoi leurs pays devraient payer pour les armes américaines qui ne font que les mettre en danger, payer des prix plus importants pour le GNL américain et l’énergie, payer plus pour le blé et les matières premières brutes produites par la Russie, tout en perdant l’option de réaliser de ventes d’exportations et de faire des bénéfices sur les investissements non guerriers en Russie – et peut-être de perdre aussi la Chine ?
La confiscation américaine des réserves monétaires russes, faisant suite au vol récent des réserves de l’Afghanistan (et à la confiscation par l’Angleterre des stocks d’or du Vénézuéla) menace l’adhésion de tous les pays au standard du dollar, et à travers elle le rôle du dollar comme moyen d’échange des épargnes étrangères par les banques centrales mondiales. Ceci accélèrera le processus international de dé-dollarisation déjà entamé par la Russie et la Chine qui s’appuie sur la détention mutuelle de leurs devises respectives.
Sur le long terme, la Russie rejoindra probablement la Chine pour former une alternative au FMI et à la Banque mondiale dominés par les États-Unis. L’annonce faite par la Russie qu’elle veut arrêter les nazis ukrainiens et tenir un procès pour crimes de guerres semble sous-entendre qu’une alternative à la Court de la Hague sera mise en place après la victoire militaire en Ukraine. Seule une nouvelle Court pénale internationale pourrait poursuivre les criminels de guerre depuis les dirigeants néo-nazi d’Ukraine jusqu’aux officiels des États-Unis responsables de crimes contre l’Humanité tels que définis par le code de Nuremberg.
Est-ce que le blob américain a actuellement étudié toutes les conséquences de la guerre de l’OTAN ?
Il y a presque de l’humour noir à regarder les tentatives des États-Unis de convaincre la Chine qu’elle devrait rejoindre les États-Unis dans leur dénonciation des mouvements de la Russie en Ukraine. La plus énorme des conséquences involontaire de la politique étrangère américaine a été de rapprocher la Chine et la Russie, avec également l’Iran, l’Asie centrale et d’autres pays le long de l’Initiative de la Ceinture et la Route.
La Russie rêvait de créer un nouvel ordre mondial, mais c’est l’aventurisme américain qui a mené le monde dans un ordre entièrement nouveau – un qui a l’air d’être dominé par la Chine comme le vainqueur par défaut maintenant que l’économie européenne est essentiellement dépecée et que l’Amérique est laissé avec ce qu’elle a saisi à la Russie et à l’Afghanistan, mais sans la capacité d’obtenir de futurs supports.
Et tout ce que j’ai écrit plus haut peut très bien déjà être obsolète alors que la Russie et les États-Unis se sont mis sous alerte atomique. Mon seul espoir est que Poutine et Biden peuvent s’entendre que si la Russie lance des bombes à hydrogène sur la Grande Bretagne et Bruxelles, il y aura un accord diabolique (et pas un accord de gentlemen) pour ne pas se bombarder mutuellement.
Avec de telles discussions, je me retrouve au temps de mes discussions avec Herman Kahn il y a cinquante ans. Il était devenu assez impopulaire pour avoir écrit « Penser à propos de l’Impensable », à savoir la guerre atomique. Alors qu’il était parodié en Dr Strangelove, il a en effet dit qu’il y aura actuellement des survivants. Mais il a ajouté que pour lui-même, il espérait être juste sous la bombe atomique, parce que ce n’était pas un monde dans lequel il aurait voulu survivre.
source : Michael Hudson
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Source : Lire l'article complet par Réseau International
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