-
Campagne de dons Février 2022
Chers amis lecteurs. Nous lançons une nouvelle campagne de dons pour ce mois de Février et nous comptons sur vous pour nous aider à continuer notre travail de réinformation. Récemment, nous avons fait des tests d’insertions publicitaires dans nos publications, mais nous avons vite renoncé car elles se sont avérées très envahissantes et génaient considérablement la lecture des articles. Nous comptons donc, encore une fois, sur vous pour assurer la continuité de notre travail de réflexion et de réinformation. Aujourd’hui, avec la désinformation généralisée érigée en mode de gouvernance à l’échelle mondiale, Réseau International a besoin de vous plus que jamais.
Total dons 8 140,00 €
À la lumière de l’hystérie belliqueuse qu’ils déploient si dangereusement que même le président ukrainien Vladimir Zelenski les appelle désespérément au calme depuis deux mois, on demande s’il est possible de neutraliser les États-Unis d’Amérique.
Plus exactement, la question porte sur la possibilité d’une résolution de la « crise diplomatique » étatsunienne. Or le problème des États-Unis à l’international n’est pas une crise. Si l’on considère qu’une crise est un dysfonctionnement ou problème soudain et aigu appelant la prise d’une décision conservatoire dans l’urgence, l’incapacité des États-Unis à mener des relations internationales n’est pas une crise passagère mais un problème structurel durable.
Parmi les récents symptômes de ce problème consubstantiel aux États-Unis il n’est pas nécessaire d’accorder beaucoup d’importance aux sénilités d’un président capable de confondre l’Ukraine avec l’Irak puis l’Afghanistan dans la même phrase, comme ses prédécesseurs pouvaient confondre la Slovénie et la Slovaquie, l’Iran et l’Irak ou la Syrie. Ce qui est plus significatif est, par contre, quand le 11 février la représentante permanente (ambassadrice) des États-Unis auprès de l’ONU Linda Thomas-Greenfield, particulièrement engagée dans le conflit contre la Russie et multipliant les déclarations belliqueuses devant la plus haute instance internationale (comme ses prédécesseurs), se permet d’enjoindre à la Russie d’abandonner la Crimée, et démontre d’une part qu’elle n’a pas pris la peine de lire les quelques pages des accords de Minsk qu’elle prétend citer, et d’autre part qu’elle n’en connaît ni l’objet, ni le contenu ni les signataires (ou la distinction entre les parties qui y ont pris un engagement et les parrains qui s’en sont portés témoins), déclarant sans sourciller que ces accords prévoyaient le retrait des troupes russes de Crimée. Une telle désinvolture, cet exemple n’étant certainement pas pour longtemps le dernier de la série, fait perdre du temps (et leur français) aux corps diplomatiques professionnels de la communauté internationale des pays sérieux, mais elle nuit aussi à la crédibilité des instances de concertation interétatiques, et plus largement à la crédibilité de l’art ou la science diplomatique, ce qui cause un sérieux préjudice à la paix dans le monde.
Ce problème structurel majeur a plusieurs causes. Hormis le complexe d’exceptionnalité (quasiment religieux) qu’on a exposé dans le Onzième Coup de minuit de l’avant-guerre, il est facile de noter le défaut de recul historique de ce jeune pays. Un État fondé il y a deux siècles et demi et peuplé par l’immigration intercontinentale peut difficilement enseigner l’histoire dans ses écoles puisqu’il s’agirait de l’histoire d’autres pays. Cela réduit sérieusement le catalogue de connaissances ainsi que les cadres de référence, même parmi la frange instruite de la population. Par exemple, et comme on l’a montré par ailleurs, cela explique que ce pays ne puisse pas envisager les relations internationales à long terme, la défaite militaire, l’alternance des situations de victoire et de défaite (ou d’alliance et d’inimitié) avec un même voisin (avec la circonstance aggravante de n’en avoir que deux) et ne cherche donc qu’a anéantir ses ennemis, ce qui rend d’ailleurs inutile à ses yeux la notion de traités.
Une autre cause de ce problème majeur est l’héritage philosophique du droit dit « positif » germanique (common law en anglais). Ce droit d’origine coutumière non écrite n’est qu’un compendium de jurisprudence, c’est-à-dire qu’il se construit (d’où l’appellation de droit positif) par les sentences de la justice, au contraire du droit romain écrit qui est dicté par le législateur. Les tenants irréductibles de ce système subjectif du cas par cas prônent la négociation et l’accord entre les parties, sans saisir que c’est parce que la négociation se termine généralement à l’avantage du plus fort que les civilisations philosophiquement avancées (méditerranéennes) ont établi des lois écrites indiscutables et applicables à tous. Évidemment le droit contractuel bilatéral n’incite pas à l’établissement de règles multilatérales d’ordre public, et la renégociation permanente n’est pas propice au respect absolu de textes écrits tels les lois, ou signés tels les traités.
Une autre source de ce problème est l’empreinte morale du protestantisme, où tout est relatif et aucune vérité n’est absolue, ce qui empêche une vision claire des situations, des événements et des acteurs. Ce flou autour des éléments concrets objectifs n’interdit point cependant le moralisme puritain qui tend à louer ou condamner les intentions (bonnes ou malignes), et donc à désigner des gentils et des méchants, ce que dénonçait Hubert Védrine en 1997 en notant qu’on veut « des coupables et des châtiments beaucoup plus que des explications ou des solutions ». Ces propensions culturelles ne sont pas propices au développement de l’une des premières règles de la diplomatie, le pragmatisme intégral (realpolitik en allemand). De plus elles justifient les exactions à finalité prétendument éthique, au motif que « la fin justifie les moyens », rejetant de ce fait non seulement le droit de la guerre (jus in bello) fondé par Saint Augustin et selon lequel certains moyens sont inacceptables quelle qu’en soit la fin, mais aussi le droit à la guerre (jus ad bellum) qui considère le crime contre la paix (« intervention » en langage pseudo-humanitaire actuel ou aggression selon l’ONU) comme le pire crime contre l’humanité car à l’origine de tous les crimes de guerre.
Parallèlement le règne du matérialisme et de l’économie (l’utile et le monnayable) a éliminé la culture générale, à commencer par la géographie et l’histoire, mais aussi les sciences sociales comme la science politique, la polémologie, la sociologie et la psychosociologie. Quelle que soit leur bonne volonté, les hauts fonctionnaires étatsuniens sont issus de ce qui tient lieu de système éducatif (à mi-temps) dans un pays dont la moitié des jeunes de vingt-cinq ans ne peuvent le situer sur une mappemonde, et on leur a inculqué qu’en tout domaine la quantité de travail, ou la rapidité de livraison, est plus importante que la qualité. Les intellectuels de ce pays lisent Bloomberg, dont le dernier fait d’armes est le gros titre « En direct – la Russie envahit l’Ukraine » (Russia Invades Ukraine) du 4 février et regardent CNN, dont la salade en matière de mélange d’États et de capitales hors Amérique est régulièrement rafraîchie. Tous les Français qui ont eu l’occasion de travailler avec des diplomates ou des officiers supérieurs étatsuniens ont alors relativisé, en comparaison, l’effondrement de l’enseignement secondaire du pays où seul le président croit que la Guyane est une île. Pour ne rien arranger, les États-Unis ont une masse autosuffisante, semi-continentale en termes géographiques, démographiques et économiques, leur permettant de s’affranchir du reste du monde.
En conséquence les États-Unis sont un pays inapte mais aussi hostile aux relations internationales. Ils ne répondent pas aux critères des États respectables et reconnaissables selon la convention de Montevideo de 1933 sur les droits et les devoirs des États, notamment la capacité à entretenir des relations avec d’autres États. Pire, leur poids diplomatique et financier, notamment dans les institutions internationales, et leur capacité de nuisance, notamment leurs armes de destruction massive et leurs vecteurs d’information monopolistique, représentent, compte tenu de leur ignorance et incompétence flagrante en matière diplomatique, un danger pour le reste du monde, comme celui-ci finira bien par s’en rendre compte, peut-être tardivement.
Cependant le monde est quand même un peu responsable de l’arrogance et du pouvoir qu’il a laissés se développer chez les garçons-vachers que Alexandre de Tocqueville avait si bien décrits. Évidemment il est facile de comprendre, a posteriori, qu’il aurait fallu cesser d’utiliser le dollar pour les transactions commerciales internationales, ainsi que d’accepter le dollar comme moyen de paiement des exportations vers les États-Unis, dès le 15 août 1975 (il n’est pas nécessaire de développer). Il aurait aussi fallu sortir de toutes les organisations dirigées par les États-Unis, notamment les fausses alliances, à la première déclaration de guerre ou au premier ultimatum proféré par ce pays, par exemple non pas la déclaration de guerre à la France de mars 2003, mais déjà l’ultimatum de 1956 où les États-Unis s’étaient joints à l’URSS pour menacer la France (et le Royaume-Uni) de frappes nucléaires si elle rétablissait la liberté de circulation interocéanique à Suez. Il aurait aussi fallu proposer à l’Assemblée générale de l’ONU de transférer le siège de l’organisation dans un pays sûr, dès le vol de la déclaration sur l’état du désarmement de l’Irak dans le district administratif de l’ONU le 8 décembre 2002, et à plus forte raison le lendemain quand les États-Unis, après l’avoir restitué (ou lui avoir substitué une version altérée), interdirent expressément au secrétaire général Kofi Annan de le communiquer au Conseil de sécurité auquel il était destiné.
On peut se demander ce que les pays civilisés pourraient faire, aujourd’hui, pour corriger leur laxisme et remettre ce pays majeur sur la voie de la responsabilité internationale, plutôt que d’attendre que, après la prochaine et dernière campagne étatsunienne de frappes nucléaires, la Chine se trouve devant l’alternative de lui appliquer l’une des deux uniques solutions qu’il étudie lui-même après la victoire sur l’un de ses ennemis, à savoir l’option « partition » (démembrement) et l’option « parking » (vitrifié cela s’entend). Le sujet mériterait à lui seul une étude approfondie, mais on peut déjà esquisser quelques idées. Au strict minimum, on pourrait renvoyer tout diplomate étatsunien ayant montré son ignorance élémentaire, c’est-à-dire retirer son accréditation dès qu’il aurait confondu deux pays, ou situé l’un des deux cents pays du monde sur le mauvais continent parmi les cinq peuplés (voire en Antarctique), ou ignoré un texte de droit international, ou à plus forte raison été pris en flagrant délit de mensonge autre que sur sa vie privée. On pourrait aussi refuser de recevoir tout décideur étatsunien pour le même motif (ou pour insultes envers tout chef d’État étranger), sachant qu’un pays qui ignore le concept d’immunité des chefs d’États souverains, qui est capable de publier des avis de recherche « mort ou vif » contre récompense ou d’exécuter sommairement des chefs d’États ne saurait, selon le principe de réciprocité fondateur de la diplomatie, faire l’objet de plus d’égards qu’il n’en déploie. À un niveau de coût économique supérieur on pourrait couper tous les tentacules extérieurs du système de désinformation étatsunien, c’est-à-dire interdire la dépendance économique (filialisation ou subventions) des médias du monde libre envers tout média étatsunien, voire interdire l’utilisation des communiqués de leur agence de presse dans le reste du monde, comme on a plus ou moins su le faire envers d’autres pays à d’autres périodes. Dans le même ordre d’idées, on pourrait bannir du monde libre leurs organisations crypto-gouvernementales d’influence politique, quitte à fournir une alternative désintéressée aux financements qu’elles prodiguent aux pays pauvres.
Surtout, on pourrait enfin proposer à l’Assemblée générale de l’ONU de retirer le siège de celle-ci de New-York, en raison des nombreuses et toujours plus grosses violations de l’Accord de Siège de 1947 (ainsi que de la Convention de Vienne de 1961 sur les relations diplomatiques et de la Convention de 1946 sur les privilèges et immunités des Nations unies), que le Comité des Relations avec le Pays Hôte, au sein de la commission juridique de l’Assemblée générale, déplore de devoir dénoncer chaque année par un rapport toujours plus accablant. L’expulsion par les États-Unis, fin mars 2018, de douze diplomates en poste à l’ONU, n’est qu’un exemple spectaculaire de ces violations flagrantes de l’Accord de Siège.
On trouvera plus d’éléments sur les risques que font courir les États-Unis d’Amérique au monde dans le « Onzième Coup de minuit de l’avant-guerre », en tout cas la question de leur neutralisation devient cruciale.
Delenda Carthago.
source : Stratediplo
Adblock test (Why?)
Source : Lire l'article complet par Réseau International
Source: Lire l'article complet de Réseau International