Le Saguenay-Lac-Saint-Jean à la croisée des chemins

Le Saguenay-Lac-Saint-Jean à la croisée des chemins

Traditionnellement considérée comme une importante « région ressource » du Québec, le Saguenay-Lac-St-Jean est appelé à revoir ses choix en matière de développement. Les deux principales industries sur lesquelles repose présentement son économie sont le bois d’oeuvre et la production d’aluminium. Toutes deux sont axées sur l’exportation vers les États-Unis de produits de première ou de deuxième transformation. Un modèle de croissance dépassé de l’avis de plusieurs experts.

L’industrie forestière du Saguenay-Lac-Saint-Jean entre de plus en plus en conflit avec la nécessité de protéger des aires boisées de qualité pour le bénéfice de la population et des visiteurs. C’est le cas notamment dans certains secteurs de la rivière Péribonka et du lac Kénogami. Ce n’est pas d’hier que des groupes de résidents revendiquent la préservation de paysages identitaires auprès d’élus qui semblent être davantage sensibles aux intérêts de l’industrie.

Côté aluminium, les installations de la multinationale Rio Tinto ont marqué les municipalités de Laterrière, Alma, de même que les arrondissements de La Baie et de Jonquière à Saguenay, tandis qu’un vaste champ de résidus de bauxite rougeâtre s’étend à la limite du troisième arrondissement, Chicoutimi, en plein coeur de la ville. Cela n’empêche pas les Saguenéens et les Jeannois de profiter d’un cadre naturel enviable grâce à de vastes parcs urbains et semi-urbains, un centre de villégiature régional, trois parcs provinciaux et de multiples plans d’eau en relative bonne santé.

Comme l’industrie du bois d’oeuvre, celle de l’aluminium crée des emplois payants, mais elle est soumise à la volonté du grand capital international et aux fluctuations d’un marché très concurrentiel. En outre, tout ajout de navires de transport de marchandises lourdes est susceptible d’affecter le fragile écosystème et la faune marine du fjord, en plus de nuire à sa vocation récréotouristique. Ce fut d’ailleurs l’une des critiques émises par le BAPE concernant le projet Énergie Saguenay, lequel fut rejeté par le gouvernement de François Legault l’été dernier.

 

Les efforts de diversification de l’économie

La filière des énergies renouvelables représente une voie de diversification prometteuse pour le Saguenay-Lac-Saint-Jean. La région possède une expertise indéniable dans le domaine et sa communauté universitaire participe aux efforts de recherche pour l’élaboration de meilleures pratiques environnementales. Plusieurs petites et moyennes entreprises affichent leur volonté de réduire leur empreinte carbone. Des projets porteurs ont déjà vu le jour, notamment du côté de la production de biomasse et du biogaz.

Ces avancées ne sont cependant pas suffisantes aux yeux d’une majorité d’élus et de gens d’affaires de la région chez qui le projet de liquéfaction de GNL Québec avait suscité l’espoir de retombées économiques faramineuses. Une certaine frustration est aussi présente parmi la population, principalement chez les travailleurs peu qualifiés qui espéraient améliorer leur sort avec un minimum de formation.

En clair, le vieux modèle de développement basé sur l’exploitation des ressources naturelles a la vie dure dans la région. Ses partisans se sont rabattus sur deux autres grands projets concernant cette fois des mines à ciel ouvert. Toutes deux ont déjà obtenu les autorisations nécessaires pour aller de l’avant mais le manque de financement privé les empêche de débuter leurs opérations.

L’éparpillement des différentes composantes de ces projets explique peut-être ce manque d’enthousiasme de la part des investisseurs.

 

 

Arianne Phosphate en suspens

Le site d’extraction de la minière Arianne Phosphate est situé au Lac à Paul, à 200 km au nord de Saguenay. Bien que l’entreprise destine la majeure partie de sa production d’apatite à l’étranger, elle veut l’acheminer par camions surdimensionnés jusqu’à un nouveau port qui serait construit sur la rive nord du Saguenay, au coût de 260 millions de dollars.

Cette nouvelle infrastructure, en bonne partie défrayée par les contribuables, défigurerait une section du littoral de la rivière à proximité du parc marin fédéral, au grand dam des croisiéristes et, surtout, des résidents établis en face, sur la rive opposée. Ceux-ci vivent depuis plusieurs années avec cette menace suspendue au-dessus de leur tête.

Il serait pourtant plus économique et écologique de transporter le minerai vers la Côte-Nord, au port de Baie-Comeau par exemple, qui a un accès direct au fleuve, au lieu d’allonger le trajet de quelques centaines de kilomètres au sud pour ensuite traverser la zone sensible du fjord, d’une longueur de 100 km.

Le précédent gouvernement libéral de Philippe Couillard semble avoir autorisé Arianne Phosphate dans sa forme initiale pour favoriser la région du Saguenay-Lac-St-Jean au lieu de la Côte-Nord, dont le poids politique est moins important.

 

Métaux BlackRock en sursis

La minière Métaux BlackRock n’est pas parvenue non plus à rassembler les fonds nécessaires à son démarrage. L’entreprise, qui a déjà reçu 52,5 millions $ d’Investissement Québec, a fini par se placer en janvier dernier sous la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies. Une proposition d’achat d’IQ en partenariat avec la société Orion pourrait bien assurer son sauvetage. Est-ce vraiment une bonne affaire?

Le double objectif du projet de Métaux BlackRock est louable : fournir au secteur manufacturier des minéraux en demande, tel le vanadium, tout en favorisant le développement au Saguenay. Cependant, les promoteurs ont de la difficulté à justifier le choix de la zone industrialo-portuaire de Grande-Anse à La Baie pour l’emplacement de leur fonderie, alors que le site d’extraction de la mine est situé à 300 km au nord, à Chibougamau.

Comme une grande partie de la production de Métaux BlackRock est également destinée à l’étranger, il serait plus logique de transformer le minerai près de Chibougamau plutôt que de le transporter jusqu’au Saguenay.

En ce qui a trait à l’expédition outre-mer, même si la Côte-Nord soit située à 450 km de Chibougamau, le choix de Baie-Comeau représenterait dans ce cas-ci un raccourci d’environ 150 km par voie maritime, à l’aller comme au retour.

 

Qc Rail dans le décor

Ce n’est pas tout. La Société Qc Rail projette de construire une ligne de chemin de fer à vocation industrielle entre Dolbeau-Mistassini et Baie Comeau, donc dans l’axe ouest-est. Le résultat de la première phase d’une étude de faisabilité à cet effet devrait être publié dans quelques mois. Si le projet reçoit l’aval du fédéral, les deux minières en question pourraient difficilement renoncer au transport de leurs marchandises par train vers la Côte-Nord.

Les élus et la communauté d’affaires du Saguenay seraient alors bien obligés de coopérer avec leurs voisins immédiats pour tirer le meilleur profit de la situation, au lieu d’entretenir une rivalité commerciale.

Reste à savoir si le gouvernement caquiste se montrera sensible à ces arguments à l’approche des prochaines élections.

 

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