Petit chenapan, va !

Petit chenapan, va !

Sacré Vladimir, il aura joué au chat et à la souris, et pris le contre-pied de tout le monde. Renvoyé à ses chères études, le Jupiterinho élyséen qui croyait se découvrir une stature internationale et doit piteusement admettre qu’il a encore beaucoup de chemin à faire. Bonnet d’âne pour Biden, qui annonçait chaque jour une nouvelle invasion au petit-déjeuner. Et ne parlons pas des analystes divers et variés qui promettaient, qui une guerre totale, qui, au contraire, l’évacuation pure et simple du Donbass.

Même votre serviteur, je l’avoue humblement, restait dans une certaine expectative et avait parfois du mal à relier les pièces du puzzle. Que motivait la soudaine escalade alors que Moscou pouvait se contenter de jouer la montre ? Pourquoi amasser des troupes à la frontière ukrainienne au risque d’effrayer les euronouilles en plein dilemme nordstreamien ? La flambée de tensions locale était-elle vraiment liée au bras de fer global ?

Les choses sont maintenant beaucoup plus claires et s’emboîtent parfaitement : escalade —> reconnaissance de l’indépendance des républiques auto-proclamées —> envoi d’un contingent de « maintien de la paix » (c’est le point capital). Et voilà le travail…

Les accords d’entraide entre Moscou d’une part, Donetsk et Lougansk de l’autre, prévoient que les parties vont assurer leur défense mutuelle, partager des bases militaires et protéger leurs frontières en commun. D’une durée de dix ans, ces accords créent « le fondement juridique pour la présence des unités militaires russes nécessaires au maintien de la paix dans la région et d’assurer une sécurité durable des parties ».

En fait, c’est tout sauf une surprise. Le fidèle lecteur des Chroniques se souvient peut-être de ce que nous écrivions il y a cinq longues années déjà :

En tacticien hors pair, c’est le moment que choisit le Kremlin pour lancer une proposition sous forme de bombe : le déploiement de casques bleus dans l’est de l’Ukraine, le long de la ligne de front. Poroclown ne s’y trompe pas, dénonçant « la volonté de la Russie de légaliser la situation et de geler le conflit à jamais »

C’est-à-dire d’empêcher encore plus durablement l’entrée de l’Ukraine dans l’OTAN, car toute l’affaire est évidemment là. D’une patience à tout épreuve mais guettant chaque opportunité, l’ours prend aujourd’hui par un coup de griffe ce qu’il attendait depuis longtemps. Les accords de Minsk n’ayant jamais été respectés par la partie ukrainienne, Poutine s’est enfin décidé à trancher le nœud gordien et à geler le conflit ad vitam eternam.

Les avantages sont nombreux :

  • il torpille encore un peu plus une éventuelle entrée de l’Ukraine dans l’OTAN
  • il sanctuarise le Donbass et protège sa population
  • il met le panier de crabes kiévien sens dessus dessous et dans un état d’instabilité permanente
  • il ajoute un joker supplémentaire à son jeu si s’ouvrent de nouvelles négociations sur le règlement du conflit (le cas échéant, l’évacuation du Donbass sera vue comme un geste de poids)
  • il divise le camp occidental

Sur ce dernier point, les réactions partent dans tous les sens. Les euronouilles sont scandalisés, dont Macron qui a été roulé dans la farine et même peut-être doublement. Il n’aura en effet échappé à personne que l’égotique élyséen attendait d’apparaître comme le sauveur de la paix mondiale pour annoncer sa candidature ; ce flop diplomatique lui coupe l’herbe sous le pied et le met en difficulté au moment où trois de ses quatre opposants sont « russo-compatibles ». Refermons notre petite parenthèse politique.

Si Paris et Berlin poussent des cris d’orfraie, ils doivent évidemment attendre que le chef d’orchestre américain donne le la avant de faire quoi que ce soit. Or Joe l’Indien s’est placé dans une position très inconfortable en annonçant presque chaque matin que l’invasion était pour le lendemain et promettant des sanctions vous allez voir ce que vous allez voir

A la place, les Russes ont monté une intervention clinique, limitée dans l’espace et sans un coup de feu. S’ils ne vont pas plus loin que le Donbass – et pourquoi le feraient-ils vu tous les bénéfices qu’ils engrangent ? – on est loin de l’invasion générale promise par un tonton Sam qui se retrouve maintenant le derrière entre deux chaises, dans une position nettement ridicule. Et de fait, les premiers bruits en provenance de Washington indiquent que les sanctions vous allez voir ce que etc. ne seront peut-être pas pour cette fois.

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À propos de l'auteur Chroniques du Grand Jeu

« La géopolitique autrement, pour mieux la comprendre... »Présent à l'esprit de tout dirigeant anglo-saxon ou russe, le concept de Grand jeu est étonnamment méconnu en France. C'est pourtant lui qui explique une bonne part des événements géopolitiques de la planète. Crise ukrainienne, 11 septembre, tracé des pipelines, guerre de Tchétchénie, développement des BRICS, invasion de l'Irak, partenariat oriental de l'UE, guerre d'Afghanistan, extension de l'OTAN, conflit syrien, crises du gaz, guerre de Géorgie... tous ces événements se rattachent directement ou indirectement au Grand jeu. Il ne faut certes pas compter sur les médias grand public pour décrypter l'état du monde ; les journaux honnêtes font preuve d'une méconnaissance crasse, les malhonnêtes désinforment sciemment. Ces humbles chroniques ont pour but d'y remédier. Le ton y est souvent désinvolte, parfois mordant. Mais derrière la façade visant à familiariser avec la chose géopolitique, l'information est solide, étayée, référencée. Le lecteur qui visite ce site pour la première fois est fortement invité à d'abord lire Qu'est-ce que le Grand jeu ? qui lui donnera la base théorique lui permettant de comprendre les enjeux de l’actuelle partie d’échecs mondiale.Par Observatus geopoliticusTags associés : amerique latine, asie centrale, caucase, chine, economie, etats-unis, europe, extreme-orient, gaz, histoire, moyen-orient, petrole, russie, sous-continent indien, ukraine

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