Par Andrew Korybko − Le 26 janvier 2022 − Source OneWorld Press
Loin d’être « isolée » et « dévoyée », la Russie est au centre des tentatives internationales visant à répondre à cette crise, et se transforme rapidement en conscience du monde au sujet de l’Afghanistan.
La mission permanente russe auprès de l’ONU a publié un communiqué de presse condamnant les États-Unis pour leur tentative de déporter la responsabilité de la crise afghane en cours, et de faire reconstruire ce pays ravagé par la guerre par d’autres pays à leur place. Elle a brièvement décrit la suite d’événements ayant amené à la situation actuelle, en vertu de laquelle le premier ministre norvégien vient d’émettre un avertissement : « 1 million d’enfants (sont) en danger de famine, la moitié de la population a besoin d’aide, 90 % des gens n’ont pas de réel travail. »
« Venir en Aide aux Afghans est un Jeu que Nul ne peut se permettre de perdre« , non seulement pour les raisons en lien avec la crise humanitaire immédiate subie par ce pays, mais également du fait de sa dégradation, qui pourrait créer de l’espace pour une expansion des groupes terroristes comme ISIS-K, voire de déclencher une crise de réfugiés inédite depuis 2015. Même avant l’évacuation chaotique de l’Afghanistan par les États-Unis au mois d’août dernier, la Russie avait émergé comme voix globale de la raison, en expliquant ce qu’il fallait faire, et pourquoi.
Bien que le Pakistan soit considéré comme le pays jouissant des liens les plus étroits avec les Talibans, la Russie est seconde au classement, malgré le fait qu’elle considère toujours officiellement ce groupe comme terroriste. Elle coopère de manière pragmatique avec ce groupe, dans les intérêts partagés de la paix, de la sécurité et du développement. En tant que Grande Puissance, elle est bien plus capable d’informer le monde de tout ce qui se produit en Afghanistan que le Pakistan ; elle coopère également aujourd’hui de manière très étroite avec ce pays, et de manière de plus en plus stratégique.
Le communiqué de presse communiqué par la mission russe auprès de l’ONU n’était cependant pas partisan, car il a absolument trait à aider les civils afghans de la rue, et n’a rien à voir de près ou de loin avec les Talibans. Il s’agit uniquement d’établir pour l’histoire et d’imprégner les efforts d’aide internationale d’un sens de l’urgence renouvelé, afin d’empêcher la dégradation en cours de cette crise humanitaire et sécuritaire potentiellement sans précédent.
Ce noble objectif est en contraste avec le portait qui est fait de la Russie et de ses motivations stratégiques par les médias dominants occidentaux. Loin d’être « isolée » ou « dévoyée », la Russie est au centre des tentatives internationales visant à répondre à cette crise, et se transforme rapidement en conscience du monde au sujet de l’Afghanistan. Elle est en mesure d’exploiter son aura positive croissante auprès du monde non-occidental pour informer les masses mondiales de ce qui se produit réellement en Afghanistan, pourquoi cela se produit, et ce qu’il faut faire pour y améliorer la situation.
Il s’agit d’un changement important par rapport à la situation d’il y a quelques dizaines d’années, où l’ex-URSS était militairement active en Afghanistan. Une grande partie du monde s’était unie contre elle et Moscou avait dû finir par quitter ce pays après 9 années, même si cela s’était fait dans l’honneur, de manière fort différente du retrait honteux qui a été celui que les Étasuniens ont connu il y a peu. L’URSS n’avait pas non plus détruit le pays avant de partir, et les alliés locaux de l’Union soviétique étaient restés au pouvoir plusieurs années durant, loin de s’effondrer avant la fin du retrait soviétique.
De nos jours, la Russie est retournée en Afghanistan, mais uniquement d’une manière diplomatique et morale. Elle fait tout son possible pour rappeler au monde ce que les États-Unis ont fait à ce pays, rallier les efforts d’aides de la part de la communauté internationale, et se faire la conscience globale au sujet de cette crise. Ces nouveaux rôles en disent beaucoup sur l’étendue des différences entre la grande stratégie de Moscou pour le XXIème siècle, en comparaison avec le siècle précédent, au cours des dernières années de l’ère soviétique. Tout ceci ne se produit que du fait du commandement pragmatique et visionnaire exercé par le président Poutine.
Contrairement au passé, la Russie se concentre pour devenir la force d’équilibrage suprême en Eurasie, afin d’accélérer l’Ordre Mondial Multipolaire en cours d’émergence, et non mener son propre ordre unipolaire pour des raisons idéologiques. Le retour russe en Afghanistan se fait d’une manière totalement différente de la précédente incursion, ce qui confirme le sérieux de la nouvelle grande stratégie russe. Elle contraste également fortement avec le retrait honteux des États-Unis hors d’Afghanistan, et montre que la Russie remplit de manière responsable le vide que vient de laisser sa Grande Puissance rivale en partant.
Andrew Korybko est un analyste politique étasunien, établi à Moscou, spécialisé dans les relations entre la stratégie étasunienne en Afrique et en Eurasie, les nouvelles Routes de la soie chinoises, et la Guerre hybride.
Traduit par José Martí, relu par Wayan, pour le Saker Francophone
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Source : Lire l'article complet par Le Saker Francophone
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