Le développement toujours plus rapide et efficace des technologies dans les dernières décennies soulève une multitude de questions éthiques. Le théâtre Duceppe présente jusqu’au 30 mars la pièce Manuel de la vie sauvage, adaptée du roman homonyme de Jean-Philippe Baril Guérard et qui met en lumière quelques-uns des malaises de notre société de l’innovation.
D’abord, un avertissement :
À cause des restrictions sanitaires en vigueur, Manuel de la vie sauvage est accessible en visionnement numérique, à même le site web du théâtre Duceppe. Ce format à priori antithéâtral se prête étrangement bien à cette pièce où les gros plans vidéos sont entrecoupés de scènes de fiction de type flashback.
À l’heure où les CEO et PDG de startups de la Silicon Valley sont vénérés comme dieux, l’auteur propose l’histoire de Cindy.
Ça commence et Cindy nous parle. Elle donne une conférence, style TED Talk, au cours de laquelle elle nous raconte son parcours. Elle souhaite nous inspirer, nous, son public.
Les 100 minutes qui suivent retracent son histoire, ses succès, mais surtout ses échecs. Parce que, comme elle le rappelle si bien, « les échecs sont des succès qui se font attendre ». La protagoniste y va donc d’une narration active où s’enchainent malaises, trahisons et amitiés sacrifiées.
Tour de force
Cindy est la PDG de Huldu, une compagnie dont le produit est un robot conversationnel personnifiant des êtres chers disparus. Le concept est simple : l’utilisateur n’a qu’à télécharger tous les échanges (textos, vidéos, etc.) qu’il a déjà eus avec le défunt sur l’application, et cette dernière redonne vie à son amie/oncle/chum décédé en un rien de temps ! N’est-ce pas tout simplement génial ?
Après tout, « il n’y a rien de plus puissant qu’une idée », nous répète l’ambitieuse femme d’affaires tout au long de son exposé.
Mais l’application et le succès de cette idée ne se font pas sans heurts. Bien sûr, les relations de la jeune entrepreneure en prennent pour leur rhume, mais les enjeux éthiques du produit qu’elle développe sont ici savamment exposés.
On aborde le très lucratif marché de la mort, le consentement, la propriété intellectuelle, les techniques marketing douteuses, etc.
Et c’est là toute la force de la pièce : on fait vraiment le tour de la question. Cet univers des technologies et de l’innovation tire littéralement profits, et ce, sans remords, de la vie privée des gens. Les questions qu’on s’y pose ne sont pas « est-ce que c’est éthique ? » ou « est-ce que c’est nécessaire ? », mais plutôt « est-ce que ça rapporterait ? », « combien ça rapporterait ? ».
Évidemment, l’œuvre pose plus de questions qu’elle y répond, et certains thèmes gagneraient à être creusés davantage. Mais on laisse le soin au spectateur de s’arrêter et de se positionner face à des problèmes qui le concernent beaucoup plus que ce qu’il pensait.
Jean-Philippe Baril Guérard signe un texte riche qui dénonce habilement à la fois ces compagnies multimillionnaires et leurs dirigeants sans âme et nous, pauvres clients-utilisateurs, qui sommes souvent prêts à nous vendre pour un peu d’amour et de réconfort
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Source : Lire l'article complet par Le Verbe
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