C’est un lieu commun de dire que la musique de Beethoven est titanesque, mais c’est exact. Elle n’est pas titanesque parce qu’elle est surhumainement grande, mais parce qu’il a pillé l’univers. Il attirait les sons hors de leurs tanières, les extirpait de leurs planques, les descellait de leurs souches, les aspirait systématiquement, les arrachait aux profondeurs où ils avaient roulé, aux rochers; passionnément, sauvagement, démentiellement, impitoyablement, il les a fondus, restitués, tiraillés, étirés. C’est à peine s’il restait quelque chose de valable après lui.
Il est certain que sa musique est titanesque, mais son destin le fut tout aussi certainement. Car tout ce qu’il faisait ne pouvait qu’être titanesque et les tourments qu’il en a endurés, seul un titan pouvait les endurer.
Et il l’a payé, ce monstre solitaire et mal léché aux lèvres serrées, au grand crâne, il a payé d’avoir pillé tous les sons de ce monde.
— Béla Hamvas, «La VIIe Symphonie et la métaphysique de l’art», in L’événement invisible — Silentium.
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