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par Michel Gay.
Dans moins de 10 ans, la production d’électricité d’origine nucléaire en Chine se positionnera à la première place mondiale devant les États-Unis… et la France.
La Chine va prendre la première place dans le paysage nucléaire international dans moins de 10 ans.
Le 14ème Plan quinquennal chinois prévoit de développer un imposant programme électronucléaire en Chine et… dans le monde.
100 gigawatts (GW) en 2025 et 200 GW en 2035 pour le nucléaire chinois !
Le deuxième réacteur chinois de troisième génération Hualong-one (« Dragon ») a été couplé au réseau en Chine le 1er janvier 2022, devenant ainsi leur troisième réacteur à produire de l’électricité, le premier fonctionnant au Pakistan depuis juin 2021.
Ce réacteur d’environ 1,2 gigawatt (GW), conçu comme leur fer de lance à l’export, a été désigné comme l’un des dix « équipements de grande importance stratégique nationale ».
Avec 53 réacteurs couplés au réseau et une puissance installée totale de 54 GW, la Chine se place aujourd’hui en troisième place mondiale juste après les États-Unis (93 réacteurs et 95 GW) et la France (56 réacteurs et 61,3 GW suite à la fermeture politique de Fessenheim).
Mais la Chine est déjà en deuxième position pour la production d’électricité nucléaire (410 térawattheures (TWh) en 2021 contre environ 350 TWh en France qui ne prévoit que 300 TWh en 2022). Cette production atteint pour la première fois le seuil de 5 % dans son mix électrique encore essentiellement issu du charbon soit environ 70 %.
Sa production nucléaire globale a permis d’éviter la consommation de 125 millions de tonnes de charbon ce qui représente une réduction des émissions de 328 millions de tonnes de CO2, d’un million de tonnes d’oxyde de soufre (SO2), et de 930 000 tonnes d’oxydes d’azote.
En 2025, la Chine dépassera la France pour prendre la deuxième place mondiale en matière de capacité installée nucléaire avec une puissance de 70 GW.
De plus, 30 GW seront en construction, soit au total 100 GW, ce qui représentera une augmentation de près de 60 % par rapport à l’année 2019.
Le « Livre bleu » publié par la China Nuclear Energy Association (CNEA) et intitulé « Rapport sur le développement de l’énergie nucléaire en Chine pour l’année 2020 » souligne que le nucléaire jouera un rôle important dans le remplacement des énergies fossiles en Chine et prévoit 6 à 8 nouveaux réacteurs par an pendant le 14ème Plan quinquennal.
Enfin, en 2035, il est prévu une puissance nucléaire (en service et en construction) de 200 GW.
Une montée en puissance « tous azimuts » du nucléaire
Ce pays ne se contente plus de construire et d’exploiter des réacteurs conçus à l’étranger. En s’inspirant des technologies françaises et américaines, il a acquis une maturité industrielle qui lui permet dorénavant de concevoir et construire des réacteurs dans des délais qu’aucun pays ne parvient plus à atteindre (5 ans à 6 ans). Leur coût annoncé, autour de 5 milliards d’euros, est largement inférieur à celui des autres réacteurs de troisième génération dans le monde.
Les réacteurs chinois de troisième génération tels que le Hualong-1 et le CAP1400 équiperont majoritairement les nouvelles centrales nucléaires en Chine, et peut-être ailleurs dans le monde. Ils sont actuellement proposés pour équiper la Grande-Bretagne en parallèle avec les EPR français.
Le 1er février 2022, l’Argentine et la Chine ont signé un accord visant à construire un Hualong-1 sur le site nucléaire d’Atucha près de Buenos-Aires. Le financement du projet sera en grande partie assuré par un prêt d’un groupement de banques chinoises.
Après le Pakistan, la technologie des réacteurs chinois met donc un pied en Amérique latine…
L’arrivée d’un quatrième opérateur nucléaire en Chine (Huaneng après CNNC, CGN et SPIC) confirme la forte volonté chinoise d’accélérer le développement de son parc nucléaire en favorisant la construction nationale afin d’accroitre son indépendance dans un contexte de montée continue des tensions avec les Etats-Unis.
La Chine investit aussi dans les réacteurs surgénérateurs de quatrième génération et les combustibles nucléaires au thorium. Elle s’engage également dans la construction de réacteurs à haute températures (HTR) pour le dessalement de l’eau de mer et une éventuelle production d’hydrogène.
Chauffage urbain nucléaire
De plus, la Chine continue à promouvoir la diversification des usages du nucléaire par la production de chaleur industrielle et urbaine à partir des grands réacteurs électrogènes AP1000 (à Haiyang), des CAP1400, et aussi avec de petits réacteurs SMR (Small Modular Reactor), notamment à l’intérieur des terres. Plusieurs réacteurs de démonstration SMR sont prévus pour le chauffage urbain et comme centrales électriques flottantes.
Le 9 novembre 2021, elle a inauguré le « chauffage nucléaire » de la totalité de la zone urbaine de la ville de Haiyang (200 000 habitants et 4,5 millions m2) qui devient ainsi la première ville entièrement à « chauffage zéro carbone » en Chine.
Les 12 chaudières au charbon ont été remplacées sans qu’il y ait eu aucun changement pour les consommateurs.
La chaleur de la vapeur (non radioactive) extraite après la production d’électricité est utilisée pour produire de l’eau chaude acheminée par des canalisations vers des stations avant d’être distribuée aux particuliers.
Une autre ville dans le Sud de la Chine utilise aussi partiellement le chauffage nucléaire (460 000 m2 chauffés et environ 4000 foyers).
Il est également prévu un « chauffage nucléaire » pour d’autres villes (Qingdao, Yantai et Weihai).
Le chauffage nucléaire n’a pas été utilisé plus tôt à cause d’une plus grande complexité technique et d’une rentabilité économique incertaine. Mais les Chinois parient qu’il sera plus rentable que la combustion des énergies fossiles… sur le long terme.
Une vision à long terme du nucléaire chinois
Aujourd’hui, le prix du chauffage nucléaire en Chine avoisine celui du charbon.
Cependant, les prix des énergies fossiles continueront d’augmenter à cause des facteurs géopolitiques et de la marchandisation des émissions de carbone (taxe carbone).
Or, si l’énergie nucléaire demande un premier investissement élevé à la construction, le coût du combustible nucléaire ne représente qu’une très faible part après la mise en service (3 % à 5 % du coût de production).
Le coût d’exploitation des centrales nucléaires n’est donc pas affecté même si le prix du combustible nucléaire augmente fortement comme celui des énergies fossiles.
Par conséquent, le coût de la production d’électricité d’origine nucléaire est stable.
Pendant que l’Europe a choisi de se tirer une balle dans le pied en pariant sur les énergies renouvelables, et non sur le nucléaire, la Chine progresse dans les domaines de l’enrichissement de l’uranium, des assemblages de combustible nucléaire, du retraitement, de l’entreposage, et du stockage géologique du combustible usé.
Dans un contexte politique de réduction du nucléaire, il sera difficile pour la France de maintenir son avance technologique. Il serait judicieux de développer des coopérations avec des partenaires chinois pour profiter d’un effet d’entraînement et éviter le décrochage technologique car la Chine sera le leader mondial dans tous les domaines nucléaires dans 15 ans, et probablement avant.
En 2021 :
- 6 réacteurs nucléaires ont été mis en chantier et 4 ont été connectés au réseau.
- 14 réacteurs Hualong-1 sont en construction ou en fonctionnement.
- Fin 2021, la Chine comptait 16 réacteurs en construction (dont 12 Hualong-1), soit davantage que l’Inde (6 unités et 42 GW installés) et que la Corée du Sud (4 unités et 53,6 GW installés).
- La première installation chinoise de vitrification des déchets liquides radioactifs a été mise en service le 11 septembre, marquant une percée de la Chine dans le traitement de déchets hautement radioactifs. La Chine est dorénavant un des rares pays (avec la France) qui maîtrisent cette technologie.
Le nombre d’unités nucléaires en opération en Chine a augmenté de 8 % et la capacité installée a augmenté de 7 % par rapport à 2020.
Cinq sites de centrales nucléaires en construction (Xiapu, Zhangzhou, Taipingling, San’ao et Xudapu) sont entièrement nouveaux et ne possèdent pas encore de réacteurs opérationnels.
Le développement économique prioritaire sur l’environnement
La Chine veut s’engager dans une transition énergétique dynamique et harmonieuse sans sacrifier sa croissance sur l’autel de l’environnement.
Selon son Président Xi Jinping au forum « virtuel » de Davos en janvier 2022, la Chine souhaite poursuivre l’édification de la civilisation écologique mais « il ne faut pas non plus sacrifier le développement économique à la protection de l’environnement ».
La Chine procédera à une réduction progressive et ordonnée des énergies fossiles vers de nouvelles énergies alternatives viables (dont le nucléaire), « de manière à assurer la stabilité du développement économique et social ». «
L’Année du Tigre vient de commencer en Chine le 1er février 2022 selon le calendrier lunaire.
« Dans la culture chinoise, le tigre est le symbole du courage et de la force. Les Chinois parlent souvent de la vitalité et du dynamisme du dragon qui monte au ciel et du tigre qui saute haut. Face aux sérieux défis qui se posent à l’humanité, nous devons, comme un tigre ailé, surmonter vaillamment les obstacles dans notre marche en avant » (Xi-Jinping au forum de Davos le 17 janvier 2022).
Dans moins de 10 ans, la production d’électricité d’origine nucléaire en Chine se positionnera à la première place mondiale devant les États-Unis… et la France.
source:https://www.contrepoints.org/
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