par Carolyn Yeager.
C’est une histoire atroce, point d’orgue d’une guerre atroce, suivie d’une occupation atroce. Les responsables de ce déchaînement de violence, des Alliés – fous À-lier – qui avaient réussi à se draper dans la vertu de la justice universelle.
Il est ici question du sergent-chef John C. Woods, fraichement promu à ce grade, non en vertu d’un mérite militaire quelconque, mais pour lui conférer ce supplément de dignité qu’on estimait plus en adéquation avec la besogne si particulière dont il était investi.
Il avait pour assistant un homme de la police militaire, Joseph Malta, 28 ans, ponceur de parquet dans le civil. Tous deux s’étaient portés volontaires après que l’armée ait fait passer une annonce demandant si quelqu’un avait eu l’expérience de ce genre de travail.
Woods disait avoir pendu deux hommes au Texas et deux dans l’Oklahoma, seulement, on ne trouve nulle part la trace d’un document qui pourrait en attester.
Malta, qui aura en tout aidé à l’exécution d’une soixantaine de dirigeants du Reich, avouait pour sa part «que cela avait été un plaisir». Ses propos faisaient écho à ceux de Woods, largement repris par la presse et les magazines, qui déclarait en toute simplicité :
«Je les ai pendus tous les dix … et j’en suis fier… Je n’étais pas nerveux … On ne peut pas se permettre d’avoir des nerfs dans ce métier».
Woods se vantait dans le Time magazine du 26 octobre 1946 :
«Une pendaison, je vois ça comme un travail que quelqu’un doit faire. J’ai commencé un peu par accident, il y a quelques années, aux États-Unis».
Il mentait.
Ses seules pendaisons ont été celles pour l’armée américaine qui aura pris pour argent comptant ce qu’il prétendait être son expérience. L’idée de pendre des gens avait l’air de lui faire envie et l’armée, qui n’en demandait pas plus, ne s’est pas montrée regardante.
Il entre à 18 ans dans la Navy. Manquant à l’appel quelques mois seulement après son recrutement, il est renvoyé avec la mention infamante d’inapte au service sous le coup d’un diagnostic de psychopathie. Il parvient quand même à s’enrôler dans l’armée de terre en 1943, il a alors 32 ans, et finit à un poste peu reluisant pour lequel très peu de personnes se seraient portées volontaires.
Si les plus célèbres pendaisons de tout le XXe siècle ont été à ce point bâclées et sabotées, c’est dû à la haine viscérale de l’Allemagne et des Allemands entretenue par le commandant suprême de l’armée américaine, le général Dwight David Eisenhower. On se souvient de la fameuse lettre de «Ike» à sa femme, Mamie, en septembre 1944, dans laquelle il disait : «Dieu que je déteste les Allemands».
Ça commence par la sélection de John C. Woods comme bourreau de l’armée dont voici le curriculum vitae :
Il est né le 5 juin 1911 à Wichita où il entame ses études secondaires. Il abandonne après deux ans et rejoint l’US Navy en 1929. Après avoir servi quelques mois à peine, il est manque à l’appel et est renvoyé de manière infamante, lesté d’un diagnostic d’infériorité psychopathique sans psychose, un terme apparu en Allemagne dans les années 1880 pour définir un profil de criminel irrécupérable, à la fois violent et asociale.
Woods retourne alors au Kansas et travaille en intérim dans le bâtiment, durant la Grande Dépression il est à temps partiel dans un magasin d’alimentation des comtés de Greenwood et Woodson. Selon son biographe, French MacLean, un colonel à la retraite de l’armée américaine, il a travaillé à la Civilian Conservation Corps, mais en a été licencié au bout de six mois. Woods a également travaillé chez Boeing en tant qu’outilleur-ajusteur.
Lorsque les États-Unis sont entrés à leur tour dans la guerre, Woods y a vu l’occasion rêvée d’améliorer sa situation en s’enrôlant de nouveau dans l’armée. En principe cela n’aurait pas dû être possible puisqu’il avait déjà été renvoyé avec déshonneur de la marine. Mais personne n’a pris la peine de vérifier son dossier. Dans l’intervalle, il avait épousé Hazel Chilcott, une infirmière; fort heureusement il n’y a pas d’enfants à déplorer. Lors de son incorporation, sa fiche signalétique indiquait qu’il avait les yeux bleus, les cheveux bruns, le teint rougeot, mesurant à peine 1m 63 et ne faisant que 59 kg sur la balance.
En 1943, il est affecté à la compagnie B du 37e bataillon de combat du génie de la cinquième brigade spéciale du génie. Il a probablement participé au débarquement à Omaha Beach, le 6 juin 1944. C’est peu de temps après que l’armée faisait savoir qu’elle avait besoin de gens qui avait eu une expérience comme bourreau. Il y avait déjà en 1944 96 soldats condamnés en attente d’exécution pour des crimes en Afrique et en Europe tels que désertion, meurtre et viol. Le plus célèbre étant Eddie Slovik, un soldat dont l’histoire a été portée à l’écran en 1974.
Certains, comme Slovik, sont passés devant un peloton d’exécution, d’autres ont été pendus.
Woods se portait volontaire en affirmant qu’il avait déjà pendu deux hommes au Texas et deux dans l’Oklahoma. Comme indiqué ci-dessus, aucun document n’existe qui pourrait en attester. Pourtant, le 7 mai 1945, il est affecté au quartier général de la section de base de Normandie, rattaché au 2913e. Enfin, le 3 septembre 1945, il est affecté à la section de base CHANOR du quartier général.
En octobre 1946, il se gagnait une renommée mondiale en devenant le bourreau officiel du Tribunal militaire international de Nuremberg. Il déclarait au Stars and Stripes que Nuremberg «c’était exactement ce que je voulais. Je voulais tellement faire ce travail que je suis resté ici exprès alors que j’aurais déjà pu rentrer chez moi».
L’un de ses assistants, le juif Herman Obermayer, le décrivait comme négligé, mal rasé, les dents jaunes et de travers, le pantalon sale et pas repassé. Il se montrait en outre indiscipliné «défiant toutes les règles, ne cirant jamais ses chaussures, oubliant régulièrement de se raser, la tenue toujours négligée». Et Obermayer de poursuivre : «Son pantalon sale n’était jamais repassé, il avait l’air d’avoir dormi avec sa veste pendant des semaines, son grade de sergent-chef était fixé à sa manche par un unique point de couture en fil jaune à chaque bout, et son calot sans forme était toujours mis de travers.»
Cet «ex-clochard alcoolique à l’haleine chargée et à la nuque crasseuse», disait Obermayer, savait qu’il pouvait se permettre un total laisser-aller dans sa tenue puisque ses supérieurs n’avaient que lui.
Les Pendaisons
Les exécutions ont eu lieu dans un gymnase vivement éclairé de la prison où trois potences en bois noir avaient été érigées, deux pour les exécutions et une de secours. Il était prévu d’engager les exécutions une seule à la fois, les deux premières à deux minutes d’intervalle. dès que le premier aurait été déclaré mort et enlevé, un troisième devait prendre à sa place. Aussitôt ce dernier passé par la trappe, on vérifierait que le deuxième soit mort et on ferait monter le suivant et ainsi de suite. Comme on l’imagine, c’était une scène difficilement soutenable pour les témoins de l’assistance, sauf, apparemment, pour Kingsbury Smith, qui a rédigé pour son journal un rapport détaillé, entrelardé de remarques sarcastiques du régime hitlérien [remarques probablement conçues et rédigées à l’avance], dont je tire une grande partie des descriptions qui suivent.
Le premier à se présenter fut Joachim von Ribbentrop, le ministre des Affaires étrangères du Reich. Time magazine le décrivait ainsi dans son numéro du 28 octobre 1946 :
À 1 h 11, il entra dans le gymnase et tous les officiers, témoins officiels et correspondants se mirent au garde-à-vous. Ses menottes lui furent retirées et il a monté les marches (il y en avait 13) qui conduisait à la potence.
Le nœud passé autour du cou, il dit : « Mon dernier souhait… c’est une entente entre l’Est et l’Ouest. … » Dans l’assistance, chacun avait retiré son chapeau. Le bourreau resserrait le nœud. Un aumônier debout à côté de lui priait. L’assistant du bourreau tirait le levier, la trappe s’ouvrait avec un grondement de destin et la silhouette encapuchonnée de Ribbentrop disparaissait. La corde, brusquement se tendait, se mettait à osciller comme une pendule en faisant entendre un grincement sinistre.
Selon Kingsbury Smith, les paroles complètes de Ribbentrop, prononcées en allemand, auraient été : «Que Dieu protège l’Allemagne», ajoutant «Mon dernier souhait est que l’Allemagne recouvre son unité et qu’une entente soit conclue entre l’Est et l’Ouest. Je souhaite au monde de trouver la paix».
Il a fallu 18 minutes à Ribbentrop pour être déclaré mort. Mais deux minutes après que la trappe se soit refermée sur le ministre des Affaires étrangères, le Field Marshall et chef du commandement suprême de la Wehrmacht, servant directement sous Hitler, Wilhelm Keitel était conduit au deuxième échafaud. Ses derniers mots, prononcés d’une voix ferme et claire, ont été traduits par «J’appelle Dieu Tout-Puissant à avoir pitié du peuple allemand. Plus de 2 millions de soldats sont allés à la mort pour la patrie avant moi. Je suis maintenant mes fils – tous pour l’Allemagne».
Dans le cas de Keitel, la trappe, qui était trop petite pour son grand corps et l’empêchait de tomber librement, s’est ouverte «avec fracas» et l’a apparemment heurté au visage alors qu’il tombait, provoquant d’importants dégâts. Mais son cou ne s’était pas rompu et il est mort lentement étranglé suspendu, caché sous la potence, en gémissant et en se contorsionnant. Au bout de 28 minutes, il était enfin déclaré mort. Comment l’armée américaine a-t-elle pu se livrer à une telle parodie?
Wilhelm Keitel a été doublement victime de la fureur vengeresse des Alliés, en effet, jamais il n’aurait pu être reconnu coupable en vertu du droit international tel qu’il existait pendant la guerre. Il a fallu que les Alliés fous À-lier et leurs experts juridiques – Juifs – mettent en œuvre dans le droit international – après-guerre – une innovation selon laquelle les soldats réguliers ne pouvaient échapper aux poursuites et à la sentence en prétendant n’avoir fait qu’exécuter consciencieusement les ordres de leurs supérieurs.
Durant toute la guerre, la loi stipulait au contraire que les soldats et les officiers n’étaient pas tenus responsables s’ils suivaient les ordres. Et, bien sûr, comme on le sait, aucun commandant allié n’a été jugé. S’ils l’avaient été, le commandant suprême des forces alliées en Europe, Eisenhower lui-même, aurait été coupable de nombreux crimes de guerre.
Dans le gymnase, c’était la pause. La trentaine d’observateurs avaient été autorisés à fumer, à se lever, à se promener. Les correspondants griffonnaient furieusement leurs notes. Enfin, un médecin américain et un médecin russe, tous deux munis de leurs stéthoscopes, pénétrèrent dans la partie à rideaux sous le premier échafaudage. En ressortant, ils se sont adressé à un colonel américain qui s’est alors mis au garde-à-vous et a annoncé à la salle : «Il est mort». Le bourreau – c’était Woods – monta sur la potence et sectionna la corde avec un grand couteau «de type commando», le corps inerte de Ribbentrop, avec sa cagoule noire encore sur la tête, fut transporté par des brancardiers jusqu’au fond de la pièce et placé derrière un rideau en toile noire.
Le colonel, maître de cérémonie, dit à l’assistance : «Messieurs, veuillez éteindre vos cigarettes». Et le condamné suivant était amené, Keitel continuait à pendre, masqué sous la potence. Il s’agissait d’Ernst Kaltenbrunner, le chef de la sécurité [successeur d’Heydrich]. Après avoir jeté un coup d’œil circulaire à la pièce, il monta les marches d’un pas régulier, et ses derniers mots furent : «J’ai aimé mon peuple et ma patrie de tout mon cœur. J’ai fait mon devoir selon les lois de mon peuple et je suis désolé que mon peuple ait été parfois dirigé par des hommes qui n’étaient pas des soldats et que des crimes aient été commis dont je n’avais aucune connaissance. Allemagne, bonne chance».
De toute évidence, Kaltenbrunner n’avait jamais eu la moindre connaissance – que ce soit de première ou même de seconde main – des «camps de la mort» et autres crimes de guerre présumés, en dépit du fait qu’il était à la tête du Bureau principal de la sécurité du Reich et travaillait sous Heinrich Himmler.
Mais justement parce qu’il ne savait rien, la seule ligne de conduite qui lui était laissée c’était de reconnaître leur réalité tout en affirmant qu’il n’y avait aucune part : c’est ce que les «règles du tribunal» imposaient en toute illégalité aux accusés : il n’était pas possible aux détenus de demander une contre-enquête.
La trappe s’est dérobée sous ses pieds à 1h39. Étant d’une taille exceptionnelle (1m 98), et la corde n’ayant pas été adaptée en conséquence, il n’a été déclaré mort que 13 minutes plus tard, à 1h52. Dans l’intervalle, c’était au tour d’Alfred Rosenberg d’être amené. Lui, seul parmi tous les condamnés, renonçait à la possibilité qui lui était offerte de prononcer une dernière parole.
Puis c’était le tour Wilhelm Frick, le sixième [l’article saute Hans Frank], 69 ans, ministre de l’Intérieur. Il est entré dans la salle à 2 h 05, six minutes après que Rosenberg ait été déclaré mort. Il semblait le moins assuré de ceux qui avaient défilé jusque-là, il trébuchait sur la treizième marche de la potence. Ses seuls mots furent «Vive l’Allemagne éternelle», avant d’être encagoulé et de disparaître par la trappe. Son cadavre, lui aussi très ensanglanté, trahissait l’agonie des 12 dernières minutes de sa vie, le temps entre la chute et la mort.
Il y a eu une enquête sur ces exécutions, il a notamment été observé que les petites pièces en caoutchouc prévus sur les trappes n’avaient parfois pas tenu à l’ouverture, de sorte qu’elles sont revenues cogner le visage des suppliciés : on soupçonne que ce défaut était dû soit à l’incompétence soit au sabotage de Woods. Albert Pierrepoint, orfèvre en la matière, écrivait qu’une chute franche est indispensable pour que les vertèbres cervicales soient brisées nettes et la mort instantanée. L’armée américaine n’a bien sûr pas eu à répondre de ces ratages, car comme on sait, ces nazis n’ont eu que ce qu’ils méritaient.
Donald E. Wilkes, Jr., professeur de droit à la faculté de droit de l’Université de Géorgie, notait que nombre de nazis exécutés sont tombés de la potence avec une force insuffisante pour se briser la nuque et que dans ce cas, le supplicié restait durant d’interminables minutes aux prises avec la mort, en proie aux affres de la suffocation :
«Bien que [Kingsbury] Smith ait discrètement omis de le mentionner, le soi-disant expérimenté bourreau de l’armée, le sergent-chef. John C. Woods, avait saccagé le travail. Un certain nombre de nazis sont morts, non pas rapidement d’une rupture des cervicales, comme prévu, mais par étranglement dans une atroce agonie. Ribbentrop et Sauckel ont chacun mis 14 minutes à mourir étouffés, tandis que Keitel, dont la mort a été la plus pénible, il a dû se débattre 24 minutes au bout de la corde avant d’expirer».
Sur Axis History Forum, Max Wilson, un contributeur écrit:
«Je suis tombé sur un document qui cite Woods disant qu’il «pendrait ces nazis comme des bœufs». Au lieu d’adapter la longueur de la corde aux victimes, comme le préconisait Pierrepont, Woods s’est toujours servi d’une corde standard de six pieds. Pierrepont, le bourreau britannique reconnu et respecté, prenait soin de choisir la longueur de la corde en tenant compte du poids, de la taille et de la condition physique de la victime, assurant une mort quasi instantanée presque à coup sûr.
La potence de Nuremberg était en outre de conception inférieure à la britannique, dans la britannique les doubles battants de la trappe se prennent dans un mécanisme qui les bloque en position ouverte. Apparemment, la potence de Nuremberg permettait aux volets de rebondir et de revenir heurter les condamnés. Le nœud de Nuremberg était un nœud de «cow-boy», depuis longtemps délaissé par les Britanniques au profit du nœud coulant.
Même Reichhart, l’un des maîtres bourreaux nazis, considérait Woods comme un vulgaire amateur. Les deux se détestaient cordialement. Reichhart, on en a la confirmation, n’a pas participé aux exécutions de Nuremberg ni à la conception de la potence».
Et un autre, Markus, écrit :
«Selon Stanley Tilles, l’assistant de Woods à Nuremberg, Wood a délibérément saboté les exécutions. Dans le cas de Streicher, «Woods lui a enfilé la cagoule… lui a passé la corde au cou, mais en veillant à décaler sur le côté de la nuque le nœud en forme de bobine afin qu’il ne vienne pas briser la nuque de Streicher et qu’il s’étrangle. J’ai tout de suite vu au petit sourire qui flottait sur ses lèvres au moment où il actionnait la poignée de la trappe, qu’il l’avait fait exprès. (Tilles: Par le cou jusqu’à la mort. Les Potences de Nuremberg)
Tilles fait également état de l’aversion de Woods envers les Allemands. Si on considère que dans ses mémoires Tilles ne manque jamais une occasion de marquer sa sympathie pour Woods, il n’y a aucune raison de mettre en doute son témoignage sur ce point. Joseph Malta, le troisième larron avec Woods et Tilles, lors d’une interview (pour un documentaire de la télévision allemande «Hitlers Helfer»), confirmait avec une satisfaction à peine dissimulée que les pendaisons avaient été brouillonnes et inutilement prolongées».
Le septième à pénétrer dans le gymnase, à 2 h12, n’était autre que Julius Streicher l’éditeur du magazine de Nuremberg. Il n’était membre ni du gouvernement ni de l’armée. Ses yeux embrassèrent les trois échafaudages de bois, puis parcoururent la pièce et se posèrent sur le petit groupe de témoins. Il marcha d’un pas décidé jusqu’à la potence numéro un, s’arrêta au pied des marches et poussa un tonitruant «Heil Hitler !» qui résonna dans toute la salle. Le colonel américain debout près des marches lui demanda sèchement: «Votre nom !» et Streicher: «Mon nom, mais vous le connaissez mon nom !».
Monté sur la plate-forme, Streicher s’exclamait comme pour lui-même: «Maintenant, à Dieu va». Sur ce, il était placé directement sous la corde, tandis que le bourreau, notre ami John Woods, se tenait derrière lui, tenant le nœud coulant. Streicher, tourné face à la salle, lançait un regard noir à l’assistance, puis criait : «Fête du Pourim,1946». [Pourim est un jour saint commémorant la pendaison du persan Haman et de ses 10 fils que les Juifs soupçonnaient d’avoir conspiré contre eux. L’histoire est une fiction tirée du Livre d’Esther dans l’Ancien Testament. Streicher désignait ainsi les Juifs comme responsables de son exécution].
Comme on lui demandait s’il avait un dernier mot à ajouter, il lançait : «Un jour, les bolcheviks viendront vous pendre». Pendant qu’on lui passait la cagoule noire, on l’a encore entendu dire : «Adèle, ma chère épouse». La trappe s’ouvrait d’un claquement sonore et il est tombé, ruant en tous sens. En se tendant, la corde s’est mise à osciller furieusement et, venant de sous l’échafaudage, des gémissements se faisaient entendre. Comme ça ne semblait pas devoir s’arrêter, Woods est descendu, a traversé le rideau de toile noire et a dû faire quelque chose qui a mis fin aux gémissements et aux balancements.
Il a fallu 14 minutes à Julius Streicher pour enfin trouver la mort. D’après Kingsbury Smith tout le monde était d’avis que Streicher avait fini étouffé.
Fritz Saukel, responsable de la main-d’œuvre étrangère en Allemagne, suivait Streicher. Parvenu sur la plate-forme de la deuxième potence, il criait : «Je meurs innocent. La sentence est injuste. Que Dieu protège l’Allemagne et lui rende sa grandeur. Longue vie à l’Allemagne ! Dieu protège ma famille». Comme dans le cas de Streicher, il y eut un fort gémissement sous la potence tandis que le nœud se resserrait sous le poids du corps.
Le colonel général Alfred Jodl, chef des opérations du haut commandement, venait en neuvième dans ce cortège funèbre. Il avait l’air nerveux mais sa voix était calme pour ses derniers mots : «Mes salutations à vous, mon Allemagne». Geste de salut du menton.
Ce qui a été dit au sujet de l’immunité juridique du maréchal Keitel s’applique également à Jodl. En fait, le 28 février 1953, un tribunal de dénazification ouest-allemand a déclaré Jodl non coupable d’avoir enfreint le droit international, estimant qu’il avait été condamné à mort à tort. Cette déclaration a ensuite été révoquée sous la pression des États-Unis par un ministre de Bavière.
Arthur von Seyss-Inquart, gouverneur d’Autriche et des Pays-Bas d’origine tchécoslovaque était le dernier. Il boitait du fait de son pied-bot au côté gauche et les gardes ont dû l’ont aidé à monter les escaliers. D’une voix basse mais intense, il a déclaré : «J’espère que cette exécution est le dernier acte de la tragédie de la Seconde Guerre mondiale et que la leçon tirée de cette guerre mondiale sera que la paix et la compréhension doivent régner entre les peuples. Je crois en l’Allemagne». Il est mort à 2h45 du matin.
Aucun corps n’a été rendus à la famille ou aux amis. Tous ont été incinérés (brûlés dans des fours !!) et les cendres auraient été dispersées dans l’Isar.
L’étrange exécution de John Woods
Woods devenait une célébrité internationale du jour au lendemain. Après les pendaisons, il fanfaronnait : «10 hommes en 106 minutes, c’est du travail rapide».
Et bien qu’il se soit vanté d’avoir 347 exécutions à son actif, le chiffre réel, selon French MacLean, était plus près de 90 [l’équivalent d’une nuit de cristal à lui tout seul].
La nouvelle de la participation de Woods aux pendaisons a fait l’effet d’une surprise à Hazel, son épouse, citée dans The Kansas Emporia Gazette le 17 octobre 1946 : «Il ne m’a jamais dit qu’il faisait ce genre de travail. Il n’a fait allusion à rien et la première fois que j’en ai eu connaissance, c’est quand j’ai vu sa photo dans les journaux».
Le revers de la médaille, c’est qu’il il craignait qu’il y ait des représailles de la part des Allemands. Selon GetRuralKansas.com, Il était tellement inquiet de la façon dont les Allemands le regardaient qu’il a commencé à porter deux pistolets calibre 45.
Woods a continué à servir dans l’armée américaine. Le 21 juillet 1950, il est stationné sur l’atoll d’Eniwetok dans le Pacifique, un terrain d’essai d’armes nucléaires. L’île pullulait de scientifiques et d’ingénieurs allemands et américains travaillant dans le cadre de l’opération Paperclip à développer les industries américaines de l’aérospatiale, des armes atomiques et des avions militaires.
Il était dans une sorte de piscine, en train de changer des ampoules, lorsqu’un courant électrique parcourait brusquement le bassin. Woods a crié, est tombé à l’eau, il était mort.
Une fin somme toute «sans gloire» pour un homme qui a autrefois occupé le devant de la scène internationale. Woods est mort plus vite que n’importe lequel des hommes qu’il a exécutés. À moins, précise MacLean, que sa mort ne soit pas un accident. «Les discussions sur internet à propos de sa mort sont légion. L’armée a conclu à un accident, mais le dernier chapitre de mon livre, qui traite de la mort de Woods, montre que le rapport d’enquête officiel comporte des zones d’ombre et qu’il n’est pas si fiable».
Si un scientifique ou un ingénieur allemand s’est fait le bras de la justice divine contre John Woods, ça m’irait assez bien, parce qu’au fond, ce n’était rien d’autre qu’un psychopathe qui en a bien profité pour se livrer à ses pulsions sadiques. Le bourreau est enterré dans cimetière de la petite ville de Toronto, au Kansas, à côté de sa femme, décédée en 2000.
Traduction : Francis Goumain
illustration: Le sergent John C. Woods pose pour les photographes dans la couchette de son navire, il est devenu célèbre du jour au lendemain en tant que bourreau chargé de l’exécution des dix premiers condamnés à mort par le Tribunal Militaire International des Alliés à Nuremberg en octobre 1946.
Source : Lire l'article complet par Réseau International
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