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par Vincenţiu Dascălu.
Le texte qui suit est la traduction d’un article en roumain écrit en 2014.
L’Ukraine que nous connaissons est, bien souvent, réduite à la vision des adaptations cinématographiques de « Tarass Boulba » de Gogol : celle romantique de 1962, et celle de 2009 – extrêmement controversée. On peut ajouter les œuvres de « Kobzar », Tarass Chevtchenko, et les inflexions de sa langue. Et, bien entendu, la silhouette d’une femme du Sultan « Magnifique », que nous avons découverte grâce à un récent feuilleton télévisuel très populaire.
La récente tension dans les relations entre l’Ukraine et Moscou a fourni une image cohérente de l’Ukraine. Car en effet, au-delà des analyses contemporaines, ce n’est qu’une page d’une histoire qui a commencé il y a plus de 300 ans. Ses premières lignes appartiennent … à la hagiographie.
En 1627, un jeune Roumain est élu archimandrite de la Laure Pecherskaia à Kiev. Son nom : Petru Movila. Ce descendant de la famille princière de Moldavie, profondément philo-polonais, membre du Parlement et animé d’une profonde piété, est celui qui réussit non seulement à améliorer la condition des Ukrainiens ordinaires mais aussi à mettre en place les bases de l’affirmation identitaire en tant que pionnier de la culture religieuse des Ruthènes, « fondateur et soutien du Trône de Kiev » (Nicolae Iorga). Comment a-t-il réussi cela ? En obtenant le droit d’avoir des séminaires et des églises propres, des imprimeries et de pouvoir accéder aux fonctions publiques. Ses « armes » étaient ses relations avec les nobles polonais mais aussi le soutien apporté en 1632 par les orthodoxes ukrainiens à la montée sur le trône du roi Vladislav IV. C’est un moment fondamental, compte tenu du fait que, comme toute grande puissance, l’Union polono-lituanienne qui régnait alors sur l’Ukraine cherchait à uniformiser le territoire ukrainien par … la conversion à l’uniatisme, la colonisation par des populations allogènes et l’encouragement au servage. Le résultat ? La fuite des chefs de la noblesse et l’extension de la révolte des cosaques parmi les paysans décidés à défendre leur foi, leur liberté et le droit au sol.
La désignation, en 1633, comme « métropolite » de Kiev du Saint-Père Petru Movilă ajoute de nouveaux éléments à cette victoire d’étape, les plus marquants étant la création du Collège de Kiev (future Académie théologique) et la restauration de la juridiction « métropolitaine » sur les églises acquises par l’uniatisme. Bien sûr, ceci est seulement la racine de la piété que les Ukrainiens manifestent envers Petru Movilă. Sa mort, le 22 décembre 1646, marque le début de l’effort polonais pour annuler les concessions qui avaient été faites. Ainsi, naît l’idée de la guerre. À la base de celle-ci – un long cortège de révoltes, cruellement réprimées par les Polonais. Les Cosaques sont ceux qui ont une expérience riche, du fait des combats, aux côtés des Polonais, contre les Turcs et les Tatars, mais aussi au pouvoir d’imposer des princes – éphémères, il est vrai – sur le trône de Moldavie. En outre, un système démocratique est à la base de la vie sociale et politique des Cosaques. C’est justement l’attaque de la couronne polonaise contre ce système, par la loi de 1638 retirant aux Cosaques le droit à l’autonomie et, implicitement, le droit d’élire le chef des armées, qui déclenche (en 1648) la guerre d’indépendance nationale. À sa tête se trouve une des personnalités qui appartiennent dans une plus grande mesure à la légende qu’à l’histoire : Bogdan Khmelnitski.
« Les Cosaques sont entrés en guerre »
Le souverain de Pologne, Vladislav IV décide d’utiliser la force militaire représentée par les Cosaques pour acquérir une victoire décisive sur le « Khanat » tatar de Crimée. Son erreur – avoir évité de consulter le Parlement qui, par ses débats, aurait retardé l’action. Alors que les navires qui devaient traverser le Dniepr étaient prêts, le Parlement réagit violemment. Le Khanat est vassal de la Porte et la paix avec les Ottomans a été conclue avec tant de difficultés… Si bien que la solution est simple : punir les Cosaques, sur le point de se révolter à nouveau. C’est ainsi que la noblesse hongroise s’en était servie en 1514. Khmelnitski est arrêté. Son exécution est imminente. Seules les prières en prison et la loyauté d’un compagnon le sauvent. Il s’évade et, pour être hors de tout danger, se réfugie dans… le Khanat de Crimée. Le choix n’est pas hasardeux. Les Cosaques détiennent l’une des meilleures infanteries de la région. La cavalerie tatare est invincible. C’est seulement ensemble qu’ils peuvent vaincre les troupes de la République nobiliaire polonaise. Ainsi, les décennies de conflits entre les deux camps sont effacées. En faveur d’une cause commune !
Résultat – la libération du « Sitch » « zaporojean », l’élection comme Hetman de Khmelnitski, les victoires cosaques à Jolta Voda, Ciarsun et Piliavits. À la mort du roi Vladislav s’ajoute la révolte de tous les villages ukrainiens. Et la décision d’attaquer Varsovie. Seule contrainte – les réserves des tatares pour qui le butin et les prisonniers nobles polonais sont, pour le moment, suffisants. La nouvelle armée, comme l’écrit l’historien Ion Nistor, a des officiers roumains. Pour la fête de Noël, Bogdan Khmelnitski entre, à la tête de ses troupes, dans Kiev. Mais une foi passé l’étonnement des Polonais devant l’offensive cosaque, l’art de l’organisation du nouveau roi, Jean Casimir II, ainsi que les ressources dont dispose la Pologne imposent le début des négociations. Lesquelles, devant les prétentions ukrainiennes d’autogouvernement (le Hetman se considérant égal au roi !), échouent. Conscient de la fragilité des positions détenues, Bogdan Khmelnitski commence les négociations avec la Porte, avec la Transylvanie et la Suède. Chacune de ces dernières affirme son soutien moral mais hésite à se lancer dans une affaire intérieure de la Pologne. Alors, les regards de Khmelnitski se tournent vers Iaşi. Le prince de Moldavie, Vasile Lupu, protecteur de l’orthodoxie, beau-père du grand duc de Lituanie est l’allié le plus approprié. Et ce non pas grâce à un traité, comme celui conclu avec les Ottomans, mais par une alliance matrimoniale, à savoir le mariage de Timous Khmelnitski, fils aîné du Hetman, avec Ruxandra, la cadette du prince de Moldavie. Le clocher de l’abbaye d’Humor constitue un argument éloquent du fait que les moyens utilisés pour atteindre ce but n’ont pas été entièrement pacifiques. Mais une fois le mariage accompli la situation semble résolue, et la préparation d’une paix juste, par la médiation de la Moldavie, semble soudain possible.
Malheureusement, malgré le soutien des troupes cosaques, Vasile Lupu est retiré du trône. Recommence alors la recherche d’un allié, sur fond du retrait des Tatars. Cette fois, c’est la Russie. L’option n’est pas facile ; Ils s’opposent à la fois au Khanat de Crimée et à l’empire ottoman. D’autre part, pour de nombreux commandants, mais aussi pour de simples hommes de rang, l’alliance est loin d’être séduisante tant que son prix reste ambigu. S’ensuivent deux années de tatonnements. Le 1er octobre 1653, la « Zemski Sobor » russe approuve l’alliance avec les Ukrainiens. Dans le même temps, le Khan de Crimée renonce à tout désaccord avec la Pologne et attaque les territoires ukrainiens. C’est juste l’accomplissement de la Parole du Khan à Hmelniţki : « Si vous voulez que nous restions ensemble, nous ne pouvons le faire qu’en déclenchant la guerre contre Moscou et les éliminer ! »
Effets de la conclusion, le 31 mars 1654, du « Traité russo-ukrainien de Périaslav ». L’Ukraine est rattachée en tant que territoire unitaire qui contient toute la rive gauche du Dniepr et sur la rive droite de la région de Kiev, de la « Podolie » et de la « Vollénie », largement libérées des polonais, ainsi que dans ces parties de ces trois régions qui estaient à être libérées, la lutte continue. L’Ukraine, qui s’est unie à l’État de Moscou, obtient une garantie de son autonomie, ainsi que le droit de promulguer ses propres lois et d’organiser sa propre justice. Le Tribut annuel que l’Ukraine devait payer au Tsar de Moscou était à charge des Ukrainiens, et la somme récoltée était apportée par des émissaires au souverain à Moscou. (Augustin Deac, dans « Histoire de l’Ukraine “Pays de bordure” », Editions Europa Nova, Bucarest, 2001, p. 154-155).
Remplacer une domination par une autre
Un fait important est le libre choix de Hatman, dans le cadre de l’autonomie, ainsi que l’autocéphalie de l’Église orthodoxe ukrainienne, basée à Kiev. Théoriquement, la situation de l’Ukraine est heureuse. Elle possède un protecteur, dont le traité de Periaslav augmente l’autonomie, elle dépasse les obstacles des relations avec la Pologne. Malheureusement, c’est le remplacement d’une domination avec une autre; L’homogénéisation devient russification et l’orthodoxie ukrainienne est soumise à l’Église russe. Comme le même Ion I. Nistor conclue, Bogdan Hmelniţkiţki prend rapidement conscience que la métamorphose de l’autonomie devient un euphémisme. C’est pourquoi il cherche une alternative. C’est celle qui, autrefois, était : les Pays Roumains. Il parle ainsi aux dirigeants de la Moldavie et de la Valachie. Ainsi, le traité d’amitié moldavo-ukrainien de 1654 est conclu. Et après le décès de Bogdan Hmelniţki, le 6 août 1657, le dialogue continue d’autant plus que quatre ans plus tard, Ivan Vihovski, le New Hatman, rompt les relations avec Moscou et se rapproche de la Pologne. Après de terribles affrontements avec les Russes, sous Youri Hmelniţki, le fils de Bogdan, l’Ukraine revient dans le giron russe et en 1667, par l’accord d’Andrussov, après la guerre russo-polonaise, elle est partagée entre les deux États. Commence alors, une série de tentatives des Hatmen pour procéder à de nouvelles alliances dans le but de libérer leur pays.
Loin d’être juste un morceau du passé, le milieu du XVIIe siècle ukrainien est la clé pour la compréhension du présent. Comme Bogdan Hmelniţki, et nous sommes témoins des conséquences du traité de Perieslav. Et non seulement parce que, comme beaucoup le remarquent, le document a marqué le ratage des chances de l’Ukraine d’être indépendant – indépendance réelle obtenue seulement en 1991 – et de devenir l’un des acteurs politiques importants de l’est de l’Europe, mais aussi parce que le 19 février 1954, pour marquer trois siècles depuis la signature du traité et, implicitement, souligner l’amitié entre les peuples russe et ukrainien, Nikita Khrushchev « donne » la région de Crimée à la République socialiste soviétique ukrainienne. Et ainsi, ce document cesse de ne faire partie que de l’histoire ukrainienne ou russe ; pour les russes, les maîtres de la péninsule du XVIIIe siècle, celà pouvait être un affront envers les Tatars, établis dans cette péninsule au XIIIe siècle, alliés des Cosaques au milieu du XVIIIe siècle, déportés de leur patrie en seulement trois jours en mai 1944, sous des accusations aberrantes de collaboration, un anneau d’une longue chaîne de souvenirs, de lutte et d’espoir …
source : Lumea Credintei
illustration : Photo de la Laure de Kiev par Par i.Parfeniy – Parfeniy, Domaine public
traduction et notes de Gérard Luçon
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Source : Lire l'article complet par Réseau International
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