par Bertrand Brisset.
Dans le traitement médiatique de la crise ukrainienne il y a au moins deux facteurs qui n’ont jamais été acceptables mais, qui, au vu du temps qui passe, le sont de moins en moins…
Le premier point concerne le soutien occidental aux factions ultra-nationalistes parfois d’obédience néo-nazies. Cela n’était déjà pas acceptable dès 2013 mais nous aurions pu supposer qu’avec le temps certains esprits se soient un peu plus ouverts au questionnement, or, à l’exception du reportage de Paul Moreira « Ukraine : les masques de la révolution », en fait, personne n’en parle. Les groupes paramilitaires Azov et Pravy Sektor ont pu incendier des maisons au Donbass et tuer des civils en toute impunité sans parler des pro-russes massacrés à Odessa dans l’incendie de la Maison des Syndicats. À chaque crime, l’Occident fermait les yeux. Pire, même, en 2015, lors de la commémoration du 70ème anniversaire de la Libération du camp de concentration d’Auschwitz, Poutine était resté à Moscou quand Porochenko, lui, était bien présent. Pourtant, à la même époque, les défilés de néo-nazis avec la main tendue se déroulaient bien à Kiev et non à Moscou ! De ces crimes ukrainiens et de ces positionnements occidentaux particulièrement douteux, il faudra un jour s’interroger…
Mais, le deuxième point, lui, nécessite un long développement bien qu’il soit tout autant important car il concerne intrinsèquement l’importance de l’Ukraine au niveau historique comme géopolitique actuel.
L’Ukraine est une immense région géographique mais qui, jusqu’au XVIIIe siècle restait une zone de passage de différents courants sans se cristalliser en province ou en état important. Kiev avait bien été le berceau de la « Rus’ » primitive mais l’Ukraine restait un territoire gigantesque très peu développé. Il y avait eu et il y avait encore à cette époque des empires et des États importants comme la France, l’Autriche-Hongrie, la Grande-Bretagne, la Russie ou l’Empire ottoman mais l’Ukraine n’était alors ni un état, ni un empire, ni même une région économiquement ou politiquement importante. C’est sous Catherine II que l’Ukraine va commencer à prendre une importance assez considérable. C’est à cette époque du XVIIIe siècle que la Crimée est enfin pacifiée des pirates esclavagistes et que les grandes villes nouvelles de Sébastopol et d’Odessa voient le jour. Au siècle suivant, c’est l’émergence du bassin minier du Donbass. Enfin, au XXe siècle, notamment sous l’ère soviétique, c’est l’essor industriel et agricole qui dominent. Tout cela pour dire que la politique russe depuis le XVIIIe siècle a très fortement influencé l’essor général de l’Ukraine. Par conséquent, il devient inadmissible d’entendre dire aujourd’hui ou de lire que les Russes, à travers les âges, auraient ravagé l’Ukraine, l’auraient pillée, n’en n’auraient fait qu’un « no man’s land » uniquement destiné à servir de glacis protecteur militaire face à l’Occident. Ce révisionnisme est totalement insupportable !
S’est-on seulement posé une fois la question : « pourquoi 14/18 et pourquoi 39/45 ? ». Pour Guillaume II, c’était la Méditerranée qui l’intéressait en lien avec son allié ottoman via les grandes zones industrielles ukrainiennes et, notamment, les grandes villes. Pour Hitler, à partir de 1941, c’était bien sûr le pétrole d’Azerbaïdjan, mais, aussi, les industries et l’espace agricole ukrainien. Qui peut s’imaginer un seul instant que l’Allemagne aurait déclenché deux guerres mondiales au cours du XXe siècle uniquement pour un territoire désertique ? L’ouverture vers les mers chaudes et l’espace vital ne suffisent pas à expliquer les actions militaires de Guillaume II puis de Hitler car il est très clair que ce qu’ils recherchaient était un espace vital riche! Or, qui d’autre que la Russie avait développé l’Ukraine ? Évidemment que les Ukrainiens avaient eux-mêmes participé à leur propre essor économique, sociétal, industriel et agricole mais de là à dire que cet essor n’aurait été « que » le fruit des Ukrainiens est absurde quand on pense que, déjà au départ, les villes de Sébastopol et d’Odessa étaient très cosmopolites et que l’Ukraine n’était pas un pays mais une région de la Russie !
Alors, sautons quelques années et arrivons en 1991 à la chute de l’URSS. L’Ukraine, à ce moment se réveille indépendante en une seule nuit et intègre une multitude de problématiques qui étaient sous-jacentes jusqu’ici sans qu’elles ne soient vitales pour autant. Il est évident que les zones russes, les différences linguistiques posent problème d’un coup… Mais, rien ne va directement dégénérer pour autant, mieux, même, la Russie continue d’aider son voisin. Jusqu’en 2013, les Russes et les Ukrainiens s’entendent plutôt bien, sans problèmes particulier. Les familles russo-ukrainiennes sont innombrables, tout autant les entreprises privées russo-ukrainiennes. Les Russes peuvent voyager en Ukraine sans problème.
Alors, nous allons en arriver au point final de notre développement. Dans le contexte ukrainien pré-cité post-soviétique, les Européens commencent aussi à investir, notamment au niveau agricole. Nous avons une Union européenne qui s’étend vers l’est, Moscou qui entretient des relations diplomatiques importantes avec Kiev et qui soutient aussi l’Ukraine au niveau énergétique. Les investissements occidentaux commencent aussi à poindre en Russie, bref, on sent une sorte d’interpénétrations, de fluctuations économiques, politiques, culturelles, etc… Évidemment, les zones d’influence restent ce qu’elles sont quoique sous l’ère Eltsine, la Russie a bien failli être littéralement dépecée par les grandes puissances occidentales mais, ceci est un autre problème… Ce qui nous intéresse, c’est qu’à partir du début des années deux-mille-dix, il y a eu une pénétration occidentale vers l’est, la Russie et l’Ukraine entretiennent encore de bonnes relations et commencent à se mettre en place les « Nouvelles Routes de la Soie » ainsi que le marché eurasiatique. On élabore aussi les gazoducs « Nord Stream »… Il se trouve que, sur un plan géographique, l’Ukraine est alors à la croisée des chemins, une pièce de puzzle entre l’Union européenne et le futur marché eurasiatique, l’épicentre en quelque sorte… Quelqu’un peut-il imaginer un marché économique qui en découlerait ? Une zone d’échanges de Brest à Vladivostok ? Par là-même, des ponts diplomatiques entre Paris, Berlin, Kiev, Moscou et Beijing (Pékin) ? Une nouvelle ère de paix et de prospérité généralisée à l’ensemble du continent eurasiatique ? Si une telle chose était arrivée nous le saurions…
La réalité, ce fut l’arrivée à Kiev de dizaines de camions sortant on ne sait d’où et transportant des milliers de sacs de neige et des centaines de plaques de blindage. La réalité, ce furent ces étranges soldats « ukrainiens » patrouillant dans les rues mais ne parlant qu’anglais. La réalité, ce furent ces diplomates de l’ambassade états-unienne apportant des petits pains au pied des barricades. La réalité, ce fut le « Maïdan » et la rupture…
Il faut en arriver à notre conclusion. À aucun moment, malgré tout ce que l’on peut lire ou entendre, la Russie ou l’Union soviétique n’auraient fait de l’Ukraine qu’une zone délaissée, abandonnée, désertifiée, une zone qui n’aurait servi que la militarisation russe. Historiquement parlant, il n’y a rien de plus mensonger car c’est l’inverse qui s’est passé. Par contre, ce qui est en train de se passer réellement, c’est la décomposition totale de l’Ukraine depuis 2013 sur un plan sociétal et économique car, quoi qu’en pensent les généraux ukrainiens, les États-Unis se fichent radicalement d’eux et se servent de l’Ukraine comme d’un vulgaire paillasson ! D’Obama à Biden, il n’a jamais été question de soutenir un quelconque essor ukrainien économique ou autre. Il n’a été question que d’installer des chars et des missiles au plus proche de la frontière russe après avoir délibérément cassé, brisé, anéanti la zone tampon qui se formait entre le marché européen et le marché asiatique. Les Américains sont en train de réduire à néant trois siècles de développement russe en Ukraine !
Il n’y aura certainement pas d’intervention militaire russe – du moins, c’est à souhaiter – mais, quand bien même, sur un plan historique, toute l’Ukraine méridionale et orientale est russe depuis au moins trois cent ans, alors ? Par contre, qu’il y ait une influence militaire américaine en Ukraine, oui, là, il faudrait être aveugle pour ne pas le voir ! Dans tout cela, le rôle des dirigeants européens ajoutant de l’huile sur le feu et se vendant eux-mêmes à Washington et à l’OTAN aura été totalement lamentable… L’Europe avait tout à gagner à préserver un pont de paix et de solidarité avec Kiev et Moscou. Que restera-t-il des ressentiments amers à l’encontre des néo-nazis de Kiev ? Que restera-t-il des ruines de Gorlovka, village martyre de l’artillerie ukrainienne ?
Que restera-t-il ?…
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Source : Lire l'article complet par Réseau International
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