par Eamon McKinney.
La Chine, et dans une certaine mesure la Russie, ont démontré que l’Amérique peut être repoussée, et leur exemple a encouragé plusieurs pays à faire des choix qu’ils n’auraient pas pu faire auparavant.
En 1956, Allen Dulles, alors directeur de la CIA, prenait la parole dans un meeting dans l’Asie des toutes nouvelles Nations Non Alignées. Le Mouvement des Non Alignés était composé presque entièrement de pays qui avaient été précédemment des colonies de puissances occidentales. Après ce qui avait été dans de nombreux cas des siècles d’oppression occidentale, ils avaient l’intention d’atteindre l’indépendance et la souveraineté nationale. À l’époque où les lignes étaient dessinées dans la Guerre froide d’inspiration américaine contre la Russie, où aucun des pays membres des Non Alignés ne voulaient impliquer leurs pays dans davantage d’hostilités occidentales, ils étaient, déclaraient-ils, neutres. Dulles expliqua la situation clairement : « La neutralité est un concept obsolète ». Dans la vision américaine du monde en noir et blanc, il fallait choisir un côté. Dans ce choix avait intérêt à être le bon.
Accélérons jusqu’en 2001 et jusqu’aux répercussions immédiates du 11 septembre. George Bush déclara au monde « Ou bien vous êtes avec nous ou vous êtes avec les terroristes ». Ce dilemme a pu être un sujet de réflexion pour les dirigeants de nombreuses nations, mais beaucoup ont choisi d’aller avec les États-Unis. Ils ont fait cela pour justifier les sept guerres planifiées contre le Moyen-Orient. Ce n’était pas une décision morale, c’était une question de survie pour leurs propres nations. Il y a vingt ans, aucune nation ne pouvait résister à la pression américaine.
Depuis le 4 juillet 1976, l’Amérique a envahi 70 pays, a interféré dans les élections de plus de 70 pays et a lancé un nombre plus important encore de révolutions de couleur. Ce sont des faits bien connus de toutes les nations. Il y a 120 ans, le président de l’époque, Teddy Roosevelt, expliqua son approche de la politique étrangère : « Speak softly and carry a big stick », « Parlez doucement et tenez un gros bâton ». L’Amérique continue de tenir un gros bâton, mais a depuis longtemps arrêté de parler doucement. Même Teddy le faiseur de guerre impérialiste rougirait aujourd’hui de la face que l’Amérique montre au monde. Trump, Mike Pompeo, John Bolton sont tous des stéréotypes extrêmes du « Méchant Américain ». Ces menteurs belliqueux et brutaux sont le visage de l’Amérique. On peut en conclure que ce que le monde pense d’elle importe peu à l’Amérique désormais. Sa rhétorique belliciste est exclusivement destinée à l’audience domestique américaine.
Depuis l’effondrement de l’Union soviétique, l’Amérique a été l’unique superpuissance. Heureusement pour l’humanité, ce n’est plus le cas désormais. La Chine, la Russie et l’Iran se tiennent chacun individuellement en tant que puissante opposition à l’Amérique. Tous les trois ont été l’objet d’assauts de l’Empire sans relâche depuis des années. Cela les a tous forcés à développer de solides capacités militaires, bien plus avancées que ce que l’Amérique ne peut rassembler. L’Amérique a dressé des scénarios de guerre contre ces trois nations, elle les perd tous, rapidement. En dehors d’un conflit nucléaire, l’armée américaine n’est plus la menace omnipotente qu’elle a longtemps représenté. La Chine, la Russie et l’Iran coopèrent actuellement dans de nombreux domaines, et en particulier en ce qui concerne la technologie et le commerce. Il n’existe pas d’alliance militaire formelle entre eux, toutefois, une attaque occidentale contre l’un d’entre eux pourrait très bien être vue comme le démarrage de la Troisième Guerre mondiale. Dans le cas de cet impensable événement, il faut s’atteindre à que la réponse unifiée soit dramatique.
Dans un nostalgique retour en arrière à l’Amérique des cowboys, les représentants américains ont fait le tour du monde en roulant les mécaniques à la recherche du « bad guy », du méchant, et le méchant du jour est la Chine. Les pays ont été une fois de plus obligés à choisir, mais cette fois c’est différent. Tony Blinken et Kamala Harris se sont imposés dans plusieurs pays asiatiques en cherchant des alliés pour se liguer avec eux contre la Chine. Ça n’a pas très bien marché : le Vietnam, poliment, a montré la porte à Harris, et la Malaisie et Singapour ont dit à Biden que ce n’était plus la peine qu’il vienne. Tous les voisins de la chine ont énormément bénéficié de la croissance de la Chine et apprécient sa politique de non interférence. C’est un contraste frappant par rapport à leurs relations avec les États-Unis qui s’attendent à pouvoir tout diriger. Le récent accord de commerce RCEP unit quinze nations asiatiques dans la plus large union commerciale. Elle n’inclut pas l’Amérique, à leur plus grand regret. Ceci aurait été impensable quelques courtes années auparavant.
Plus de 140 pays ont déjà fait le choix et rejoint l’initiative chinoise de la Route et la Ceinture (BRI). L’attrait en terme d’investissements et de développement, avec une politique de non ingérence stricte, est une alternative attirante à l’insidieux modèle occidental du FMI. Déjà plus de 11 millions de milliards se sont échangés le long de la BRI au fur et à mesure qu’elle se déploie à travers l’Asie, l’Eurasie et l’Afrique. Ces éléments ont été la cause d’une grande consternation à Washington et des tentatives de perturbations ont été évidentes dans certains points névralgiques de la BRI, au Xinjiang et plus récemment au Kazakhstan. Cependant la BRI se poursuit et le nombre de pays participant continue de grandir. Chacun d’eux est une gifle à la face de Washington.
L’influence grandissante de la Chine dans des régions que l’Amérique considérait comme ses chasses gardées constitue une alarme supplémentaire. Lors d’un récent sommet Chine-Arabie, plus de 270 importants contrats ont été signés avec les pays arabes des Etats du Golf, dont plusieurs connectés avec la BRI. La relation de plus en plus rapprochée de la Chine avec l’Arabie saoudite est l’un des sujets d’inquiétude spécifique. Les relations américano-saoudiennes se sont tendues depuis que MBS est arrivé au pouvoir. C’est le pétrole saoudien et sa domination sur l’OPEP qui garantissent le pétrodollar. On sait que MBS est fâché contre l’Amérique pour sa tendance à faire tourner en permanence la planche à billets verts, ce qui a comme conséquence la dévaluation du nombre très important d’avoirs en dollars des Saoudiens. La préservation du pétrodollar est la priorité n°1 de l’Amérique, elle finance ses aventures militaires et maintient l’économie américaine en dépit du fait qu’elle soit en déficit depuis plus de cinquante ans. Toutes tentatives de rivaliser ou de s’éloigner du dollar font l’objet de mesures extrêmes comme Saddam Hussein et Kadhafi l’ont appris à leur dépend. Cette situation pourrait devenir intéressante.
Touchant encore plus près du coeur de la cible vient l’investissement croissant de la Chine en Amérique latine, une région du monde que l’Amérique traite comme sa plantation privée depuis plus de 150 ans. Dominée par des oligarques proches de l’Occident et datant de la conquête espagnole, l’Amérique latine est restée relativement sous développée et a été régulièrement pillée par le FMI et la Banque mondiale. La Chine a désormais des accords locaux avec plusieurs pays, parmi lesquels le Vénézuéla et le Nicaragua. D’autres pays d’Amérique latine ont exprimé un intérêt sérieux pour la BRI, notamment le Brésil. L’idée que la « Chine communiste » soit dans l’arrière-cour de l’Amérique doit être une cause de panique à Washington.
L’Amérique n’a pas d’alliés, et même ceux qu’elle appelle ses amis ne lui font pas confiance. Les Allemands peuvent voir la valeur de cette amitié pendant qu’on les laisse se geler cet hiver parce que l’Amérique ne veut pas qu’ils achètent le gaz russe dont ils ont tant besoin. L’Australie a été obligée de commettre un suicide économique en basculant du côté de la haine anti-Chine et s’est aliéné son plus grand acheteur. Le Royaume-Uni et le Canada ont été poussés à abandonner la 5G de Huawei, retardant leur développement technologique pour des années et gaspillant les investissements considérables déjà réalisés. L’Amérique exerce toujours un contrôle considérable sur le monde néo-libéral occidental, et toute évidence suggère qu’elle va entraîner ses amis avec elle dans son inévitable déclin.
La Chine, et dans une certaine mesure la Russie, ont démontré que l’Amérique peut être repoussée, et leur exemple a encouragé plusieurs pays à faire des choix qu’ils n’auraient pas pu faire auparavant. Ils sont en train de choisir un investissement sans attache, la croissance et la non-interférence. Pour la première fois, des pays sont capables de faire des choix qui bénéficient à leurs peuples, pas à la classe génocidaire du capital occidental.
source : https://www.strategic-culture.org
envoyé par A. Lucciola
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