Où en sommes-nous dans la lutte à la pollution sonore?

Où en sommes-nous dans la lutte à la pollution sonore?

L’auteur est journaliste indépendant et membre du Regroupement Des Universitaires

DES UNIVERSITAIRES – Un enjeu environnemental souvent passé sous silence, le bruit associé aux activités humaines affecte tous les pays industrialisés, particulièrement dans les agglomérations urbaines. Le Québec ne fait pas exception. Il pourrait même remporter la palme en la matière.

Le flux de véhicules sur nos grandes artères s’entend à des kilomètres à la ronde; parvenir à dormir la nuit la fenêtre ouverte en été est devenu un privilège de campagnard.

Même dans les petites municipalités, qui n’a pas déjà pesté très tôt le matin contre le tintamarre des camions à ordures et de recyclage?

Vous n’êtes pas le seul à trouver que la musique d’ambiance diffusée dans les commerces tape souvent sur les nerfs…

Fondé en 2006 par Patrick Leclerc, le Regroupement québécois contre le bruit (RQCB) « entendait » s’attaquer aux multiples facettes de la pollution sonore, en interpellant notamment nos élus. Son site web, qui rassemblait beaucoup d’informations et de nombreux témoignages de citoyens exaspérés, a disparu sans préavis il y a quelques mois. Y aura-t-il une relève?

Le RQCB comptait quelque 1 250 adhérents et 900 sympathisants. La distinction est importante. Contrairement aux adhérents, les sympathisants avaient demandé que leur nom ne soit pas rendu public. Parmi eux se trouvaient assurément des personnalités en vue, dont quelques politiciens soucieux de ne pas s’attirer les représailles d’une frange pourtant délinquante de la population.

La tolérance des Québécois en matière de bruit

Nous touchons ici le cœur du problème. La plupart des Québécois n’aiment pas être exposés au bruit excessif, mais ils préfèrent souvent le tolérer au lieu de passer pour des trouble-fêtes. La liberté individuelle l’emporte sur le droit collectif à la quiétude. Impossible d’expliquer autrement la prolifération chez nous des motos et des voitures équipées de systèmes d’échappement trafiqués. Une calamité qui revient en force chaque printemps.

Les interventions policières se font en règle générale uniquement sur réception d’une plainte de la part de citoyens. Encore faut-il que les contrevenants puissent être pris sur le fait. Rares sont les patrouilles préventives pour ce genre de délits. Le phénomène a été banalisé.

À l’encontre de tout bon sens, l’industrie automobile en Amérique est même parvenue à normaliser l’utilisation du klaxon pour confirmer le verrouillage-déverrouillage à distance des portières!

La pollution sonore sévit dans tous les secteurs de l’activité humaine, sur terre comme sur l’eau et dans le ciel. Nos banlieues ne sont pas épargnées avec les tondeuses à essence en été et celle des souffleuses en toutes saisons. Mais le transport routier arrive vraiment au premier rang.
 

Une législation insuffisante et peu appliquée

Contrairement à l’Ontario, le Québec n’a pas de programme obligatoire d’inspection des émissions et de sécurité pour l’ensemble des véhicules de promenade. Seuls les véhicules lourds y sont assujettis afin de réduire la pollution de l’air associée au transport des marchandises. L’extension de cette mesure à l’ensemble du parc automobile serait-elle incompatible avec notre statut de société distincte?

L’Association pour la protection des automobilistes s’est opposée à l’inspection annuelle obligatoire des véhicules usagés en prétendant que cela entraînerait « un gaspillage d’argent » pour les consommateurs. Aucun de nos gouvernements n’a voulu tenir tête à l’APA. Celui de la CAQ a beau miser sur la conversion graduelle de nos moyens transports à la motorisation électrique, les accros aux vroum vroum ne sont pas près de disparaître de la circulation.

Notre province est en plus reconnue pour son laxisme dans l’application de la réglementation concernant la vitesse. Dans les zones urbaines où la limite est de 50 ou même 40 km, les dépassements peuvent atteindre 20 km sans être sanctionnés, au détriment de la sécurité des cyclistes et des piétons. Seule la ville de Québec vieille a osé réduire la vitesse à 30 km dans certains quartiers résidentiels.
 

Les conséquences sanitaires

Les effets néfastes du bruit sur la santé sont bien documentés: difficultés de concentration, augmentation du stress et de la pression sanguine, malaises cardiaques, troubles du sommeil, sentiment d’impuissance. La dépression guette les oreilles trop sensibles.

Sur le plan auditif, l’exposition fréquente à des niveaux sonores élevés finit par causer une perte de l’acuité, surtout dans le registre aigu.

L’être humain, à sa naissance, perçoit les fréquences de vibration s’étendant de 20 à 20,000 Hz. L’étendue de cette fenêtre diminue progressivement en vieillissant, mais il est possible de retarder le processus en adoptant de bonnes habitudes d’écoute. Des personnes âgées réussissent à conserver une audition très satisfaisante, tandis que l’on constate une baisse marquée chez certains adolescents qui négligent de prendre des précautions, par exemple, en abusant du casque d’écoute.

Le risque de dommage à l’audition débute au-delà des cent décibels. Un plafond que dépassent souvent les systèmes d’amplification des concerts de musique populaire, en salles comme en plein air.

Sont également vulnérables les ouvriers qui opèrent de la machinerie ou des outils bruyants sans utiliser le cache-oreilles normalement fourni avec leur casque protecteur.
 

L’industrie bienveillante de la malentendance 

La détérioration de l’audition cause fréquemment des acouphènes, ces bourdonnements parasites qui peuvent devenir permanents et difficilement remédiables. Un tiers des Canadiens en seront affectés au cours de leur vie.

Les orthophonistes et les cliniques d’audiologie offrent leurs services à un nombre croissant de personnes désireuses de pallier une perte d’audition. Des prothèses plus ou moins sophistiquées et onéreuses peuvent corriger les déficiences, à tout le moins pour le registre sonore correspondant à la voix humaine.

À cette clientèle traditionnelle s’ajoute, à l’autre extrême, celle qui souhaite se prémunir contre le bruit au moyen de bouchons d’oreille sur mesure. Ces protections sont plus efficaces et confortables que celles en vente libre dans les pharmacies, mais elles coûtent évidemment plus cher.

Force est de constater que la lutte à la pollution sonore n’a guère progressé chez nous, alors que ses manifestations, elles, se sont accrues. Le défi reste entier.
 

Que faire? 

Éduquer d’abord. La solution passe par une meilleure sensibilisation à la nuisance sonore dès l’enfance. Il s’agit, à la fois, d’une question de respect envers autrui et de qualité de vie. Cependant, les actions individuelles ne seront vraiment efficaces que si nos élus prennent cette problématique au sérieux et adoptent un plan d’action. À commencer par un programme d’inspection annuelle de tous les véhicules usagés et de toutes les motocyclettes en circulation. Mieux vaut tard que jamais.

Quant à nos corps de police, il leur incombe de faire respecter davantage la réglementation déjà existante contre le bruit excessif au lieu de continuer à faire… la sourde oreille.
 

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À propos de l'auteur L'aut'journal

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