Aah, le wokisme… La profondeur de ce concept amerloque repris d’abord par les influenceurs d’extrême-droite dans le but de décrédibiliser n’importe qui aux idées un tant soit peu « de gauche », mais aussi par une certaine frange de la gauche de la gauche qui voudrait à tout prix ne pas passer pour trop… tendre. Au fond, tout cela n’est qu’une histoire de roubignoles et à qui veut avoir les plus grosses.
On ne s’étonne pas de voir ce concept pour ado attardé employé ad nauseam par des gros crétins moins civilisés que des supporteurs du PSG un soir de défaite et à l’intelligence moins subtile qu’un bataillon de CRS bourrés. Ces défenseurs de la France éternelle n’ont toujours pas trouvé de traduction en bon français d’ailleurs.
Quand la gauche le reprend, elle se met au même niveau que des individus qu’on oserait même pas qualifier de primates de peur d’insulter nos cousins lointains.
Qu’est-ce que le wokisme, alors, hein, ce mot qu’on trouve sur toutes les bouches ?
Wokisme, et non wokénisme comme certains le prononcent, vient de l’anglais woke, forme adjectivée du verbe to wake, racine de quelques autres qu’on résumera par (r)éveiller. Woke veut donc dire éveillé(e)… pourquoi alors ne pas le traduire comme cela ? Mystère. En tout cas, l’anglois est bien pratique pour rendre une idiotie tendance…
En 2008, la chanteuse pop afro-américaine Erykah Badu chante « I Stay Woke » (je reste éveillée) et ce titre est repris comme slogan par la communauté afro-américaine lors du mouvement Black Lives Matter. S’il a été réduit à son seul prédicat et s’est vaguement étendu à d’autres luttes américano-américaines, il n’a absolument aucun autre arrière-plan idéologique qui le soutende. C’est un slogan, devenu le pendant du slogan MAGA de Trump, bref la bête noire des Conservateurs et des suprémacistes yankee.
Si, en France, le concept de wokisme a été concrétisé par celui tout aussi frauduleux d’islamogauchisme, qu’est-ce que l’anti-wokisme des conservateurs étasuniens et par extension, de la droite française ? Simple : la haine du féminisme, la haine des LGBT, la haine des gauchistes, la haine des migrants et des musulmans et accessoirement la haine du véganisme. S’il y a évidemment des andouilles jusqu’au-boutistes et des idées discutables dans ces mouvements comme partout ailleurs, on ne peut résumer ces derniers au discours radicaux de quelques-uns. C’est ce que fait l’extrême-droite pour se donner de la consistance et séduire des jeunes sur les réseaux sociaux, souvent des jeunes hommes en recherche d’identité, craignant les femmes émancipées car peu confiants en eux, pour qu’ils deviennent par exemple ceux qu’on a vu tabasser des militants anti-racistes au meeting de Zemmour, attirés par l’expression de la force et de la virilité, par la primauté du corps sur l’esprit, de la violence sur le débat… Ça rappelle quelque chose.
Il n’est pas étonnant de retrouver ce concept en carton récupéré par Blanquer, Pécresse ou Vidal, masquant ainsi le néant absolu de leur bilan ou de leur programme ou par les médias dont le pouvoir absorbant n’est plus à débattre quand il s’agit des pires théories en circulation. Hélas ce qui devrait être combattu, c’est le concept et non ce qu’il représente. Il est donc particulièrement décevant de le retrouver lui aussi sur les lèvres de la gauche, je veux dire, de la vraie gauche.
Il semble plus facile de rejeter ces luttes sous le prétexte, ô combien réel, qu’elles divisent la seule vraie lutte, la lutte des classes. Je sais qu’elles ne peuvent se substituer à elle. Mais je me demande si user du même vocable que l’extrême-droite est judicieux. Le wokisme est une excroissance étasunienne de plus, rien d’autre.
En réalité, ce mot qui sonne creux n’a pour seule fonction que de disqualifier l’autre. Si être woke ou wokiste, c’est être éveillé, c’est-à-dire conscient de la réalité d’une oppression, alors ce terme peut finalement qualifier toute personne consciente de la réalité d’une oppression dont elle est victime : les Afro-américains comme les personnes transsexuelles, comme les opposants à la vaccination.
Source: Lire l'article complet de Le Grand Soir