« On ne comprend absolument rien à la civilisation moderne si l’on n’admet pas d’abord qu’elle est une conspiration universelle contre toute espèce de vie intérieure. »
~ Georges Bernanos
Je vais essayer de montrer dans cet article que la civilisation technique dans laquelle nous baignons n’est ni anodine, ni normale ni souhaitable parce qu’elle est le signe d’un formidable changement de paradigme pour l’homme qui lui sera fatal ; fatal parce que cette civilisation est un des signes les plus visibles du règne de la bête, autrement dit de l’Antéchrist.
Il ne s’agit pas seulement d’améliorer nos conditions de vie par le progrès technique mais d’adopter un mode de vie et de pensée qui impacte la direction même de notre vie, personnelle et collective, par ses implications philosophiques, morales, sociales, familiales, économiques et spirituelles ; en réalité c’est « un crime organisé contre l’esprit », selon la formule de Bernanos.
En ressort un nouveau type d’homme, discipliné par la machine, qui pense et agit dans le cadre d’une société antichristique « où l’or sera Dieu » (Bernanos) qui s’est substituée en un temps record à notre civilisation chrétienne. Laissons Bernanos à nouveau nous le résumer de façon saisissante (dans son livre La France contre les robots, écrit en 1945) :
« Nous n’assistons pas à la fin naturelle d’une grande civilisation humaine, mais à la naissance d’une civilisation inhumaine qui ne saurait s’établir que grâce à une vaste, à une immense, à une universelle stérilisation des hautes valeurs de la vie. »
Ils ont été plusieurs à entrevoir, à l’issue de la Seconde Guerre mondiale, le terrible avenir que désormais la société des vainqueurs concoctait pour l’humanité. Georges Bernanos en 1945, Virgil Gheorghiu en 1949, entre autres, nous avertissaient des terrifiants développements qui paraissaient déjà inéluctables, tandis que Georges Orwell en 1947, dans l’autre sens, tentait de brosser les contours de cette civilisation de la machine, une fois à maturité 40 ans après.
Les relire aujourd’hui en 2021 est d’une telle acuité qu’on en reste saisi de stupeur.
Je vais m’appuyer pour ma démonstration principalement sur le roman particulièrement visionnaire et prémonitoire du roumain Virgil Gheorghiu, paru en 1949, intitulé La 25e heure. Parce qu’il est, à mes yeux, celui qui perçoit le mieux les implications à la fois spirituelles, métaphysiques et eschatologiques de cette direction sans précédent dans laquelle l’humanité s’est engouffrée comme un seul homme. Nous complèterons nos observations avec quelques citations de Bernanos.
Je garde volontairement le texte original de La 25e heure, sachant qu’en 1949, certains termes nécessitent une projection de notre part, une sorte de mise à jour puisque nous en avons connu la suite concrète.
Préface de Gabriel Marcel sur La 25è heure
La préface de Gabriel Marcel est une remarquable synthèse du livre, à savoir que La 25è heure, c’est bien notre temps, celui du règne de la machine et de l’homme divinisé. Ses propos acerbes et sans illusion prouvent que la première moitié du XXe siècle fut une préparation de la seconde, et que pour tout observateur sensé, celle-ci était prévisible et presque inéluctable. La préface date elle aussi de 1949, car le livre fut d’abord publié en France et en français ; Gabriel Marcel est un philosophe converti en 1929 au catholicisme romain.
« Je ne pense pas qu’on puisse trouver une œuvre plus significative que celle-ci, plus révélatrice de la situation effroyable dans laquelle l’humanité se trouve aujourd’hui plongée. La terre, dit un des protagonistes, a cessé d’appartenir aux hommes. Plus exactement, les hommes semblent avoir désappris à se comporter comme des hommes. Mais c’est encore trop peu dire : il s’agit beaucoup moins d’une désuétude ou d’un oubli que d’un monstrueux dressage dont cet oubli n’est que la conséquence ».
Et il écrit cela en 1949 !! Son expression « monstrueux dressage » est remarquable de lucidité.
« Le mal qui est dénoncé ici est un mal universel, il est de plus en plus clair que l’Occident en est atteint comme d’ailleurs cet Extrême-Occident […] Ce mal, c’est la substitution de l’abstrait au concret qui est à la base sinon de la technique, au moins de la technocratie…
Il se demande « si la technique […] n’est pas l’héritière de l’idéalisme philosophique dont l’action à la longue maléfique ne peut plus guère être contestée ».
Il y a tout lieu de penser que l’idéalisme a tendu à devenir maléfique à partir du moment où il a perdu le contact avec la Révélation*, où il s’est coupé de la doctrine johannique du Verbe, où il s’est orienté vers une divinisation de l’homme par l’homme — et non vers l’assomption par l’homme d’une Grâce qui descendait à sa rencontre. Les aberrations de la métaphysique marxiste n’étaient possibles qu‘à partir du moment où le principe de cette autolâtrie sacrilège était admis par des hommes encore bien incapables au surplus d’en prévoir les épouvantables conséquences. »
*On peut déplorer d’ailleurs que seul Gabriel Marcel fasse le lien avec la Révélation divine, alors que l’auteur, qui se dit prêtre orthodoxe, ne fait pas le lien explicitement dans le roman, à notre grand regret. Pour étayer son argumentation, Gabriel Marcel cite ce remarquable passage du livre de Gheorghiu :
« La civilisation occidentale dans sa dernière phase de progrès ne prend plus conscience de l’individu, et rien ne nous laisse plus espérer qu’elle le fasse jamais*. Cette société ne connaît que quelques-unes seulement des dimensions de l’individu. L’homme intégral, pris individuellement, n’existe plus pour elle… Toi par exemple, tu n’es qu’une citoyenne ennemie arrêtée en territoire allemand. C’est le maximum de notes caractéristiques que la société technique occidentale puisse assimiler… Lorsqu’elle arrête ou tue quelqu’un, cette société n’arrête ou ne tue pas quelque chose de vivant, mais une notion. En bonne logique ce crime ne peut lui être imputé, car aucune machine ne peut être accusée de crime**. Et nul ne saurait demander à une machine de traiter les hommes selon leurs caractéristiques individuelles.
Tout ce que je sais, c’est que le fait de soumettre l’homme aux lois et aux critères techniques, critères excellents en ce qui concerne les machines, équivaut à un assassinat. Un homme obligé à vivre dans les conditions et le milieu d’un poisson meurt en quelques minutes, et vice versa. L’Occident a créé une société semblable à la machine. Il oblige les hommes à vivre au sein de cette société et à s’adapter aux lois de la machine… Lorsque les hommes ressembleront aux machines jusqu’à s’identifier à elles, alors il n’y aura plus d’hommes sur la terre***. »
* Écrire cela en 1949 est à la fois visionnaire et terrifiant.
** C’est le sens de « responsable mais pas coupable » car le coupable c’est le système, la machine, et ce système-machine déresponsabilise les individus.
*** Ce point de non-retour est accompli avec l’ère du Smartphone, où l’homme s’est définitivement identifié avec la machine.
« Mais qu’est-ce donc que ce monde ? », se demande Gabriel Marcel.
« C’est un monde où les citoyens tendent à prendre la place des hommes. »
Et il cite à nouveau ce passage éloquent du livre :
« Les « citoyens » ne vivent ni dans les bois ni dans la jungle mais dans les bureaux, cependant ils sont plus cruels que les bêtes sauvages de la jungle, ils sont nés du croisement de l’homme avec les machines. C’est une espèce bâtarde, la race actuellement la plus puissante sur toute la surface de la terre. Leur visage ressemble à celui des hommes, et souvent on risque même de les confondre avec eux, mais sitôt après on se rend compte qu’ils ne se comportent pas comme des hommes mais comme des machines ; au lieu du cœur, ils ont des chronomètres… ce sont des citoyens… étrange croisement, ils ont envahi toute la terre. »
Et le préfacier d’analyser :
« C’est ici d’une vie dégradée qu’il s’agit, d’une vie qui partout se tourne contre la vie véritable, c’est à dire contre la création et contre l’amour. »
Il parle aussi « de conflit entre l’homme-réel et ce qu’on me permettra d’appeler l’homme-papier. »
« Pourquoi la Vingt-cinquième Heure, demandera-t-on ? C’est celle qui vient après la dernière heure, celle — je cite textuellement — où même la venue d’un Messie ne résoudrait rien « parce qu’une société technocratisée ne peut créer de l’esprit et est par conséquent livrée aux monstres. »
Ces propos sont autant dramatiques que parfaitement appropriés, ils prouvent que dès la moitié du XXe siècle on pouvait avoir conscience de l’effroyable temps dans lequel on était entrés.
« Même un Messie ne résoudrait rien », devrait nous faire réfléchir.
Il cite un des personnages du roman, qui fait une excellente synthèse et une remarquable anticipation sur ce qu’est la Troisième Guerre mondiale déjà commencée en 1949 (rejoignant mes propres conclusions basées sur Fatima où la Vierge dit qu’un grand signe dans le ciel — ce sera l’aurore boréale du 25 janvier 1938 — annoncera le commencement d’une guerre totale contre l’humanité et l’Église ; cette guerre dépasse évidemment le cadre de la Seconde Guerre mondiale. Or, en 1949, Gheorghiu l’avait bien compris) :
« Faut-il se réfugier dans l’espérance qui est celle du père de Traian, le prêtre Koruga :
« à la fin, Dieu prendra pitié de l’homme comme il l’a déjà fait maintes fois ; telle l’arche de Noé sur les flots, les quelques hommes demeurés vraiment hommes flotteront par-dessus les remous de ce grand désastre collectif. »
C’est la seule pauvre lueur qui brille dans ce grand livre désespéré. »
Là encore le livre est visionnaire, car il décrit ici ce qui s’est passé pour les fameux Témoins de l’Apocalypse, c’est à dire ceux qui ont réussi à vivre sans s’associer au système et sans l’idolâtrer.
Gheorghiu appelle la machine « les esclaves techniques »
L’auteur explique comment le progrès technique finit par transformer l’homme en l’obligeant à raisonner et à fonctionner d’une autre façon, d’une façon compatible avec les machines et leur domination, et c’est cette façon d’agir et de penser qui représente un danger phénoménal car l’homme ne se comporte plus alors comme un être humain tel que l’a voulu le Créateur, mais comme une machine — il se transforme insensiblement et il perd, non seulement sa dimension spirituelle (à ne pas confondre avec la dimension intellectuelle) mais aussi ses aptitudes à l’amour, la charité, se transformant en un animal régit par la loi de la chair, une bête brutale, instinctive, matérialiste, terre à terre, émotive, sensuelle, égoïste, égocentrique, quoique aussi affectueuse (mais l’affection n’est qu’un amour imparfait !).
C’est pourquoi le Bon Dieu avait fixé une limite technique à l’homme afin de ne pas tomber dans la béatitude matérielle, limite que le démon a eu droit de dépasser à la fin des temps (ouverture du puits de l’abîme à la 5ème période, c’est à dire ouverture de la boîte de Pandore).
« L’esclave technique est le serviteur qui nous rend chaque jour mille services dont nous ne saurions plus nous passer. Il pousse notre auto, nous donne de la lumière, nous verse l’eau pour nous laver, il nous fait des massages, raconte des histoires pour nous amuser lorsque nous tournons le bouton de la radio, trace des routes, déplace des montagnes.
Les esclaves techniques représentent une majorité numérique écrasante dans la société contemporaine. C’est un fait concret. Dans le cadre de cette société ils agissent selon leurs lois propres, différentes de celles des humains. Je ne citerai de ces lois spécifiques aux esclaves techniques que l’automatisme, l’uniformité et l’anonymat. »
On commence ici à comprendre le cheminement de sa pensée car on est en droit de se demander en quoi le progrès technique est-il nuisible pour l’être humain.
C’est là où la dimension surnaturelle, c’est à dire la présence du démon derrière ce progrès, explique beaucoup de chose — il est dommage qu’il ne fasse pas un parallèle entre montée du matérialisme et affaiblissement du christianisme.
Parce qu’il faut bien se dire une chose : si Gheorghiu est si amer et si pessimiste sur la nature réelle du progrès technique, c’est qu’il en avait observé les effets sur le comportement humain, et constaté les dégâts sur la mentalité chrétienne (même s’il ne fait pas un rapprochement explicite), et il avait bien compris que ceux-ci dépassaient largement ceux de la Seconde Guerre mondiale.
« Les hommes, afin de pouvoir les avoir à leur service, sont forcés de connaître et d’imiter leurs habitudes et leurs lois.
Nous apprenons les lois et la manière de parler de nos esclaves pour mieux les diriger. Et ainsi, peu à peu, sans même nous en rendre compte, nous renonçons à nos qualités humaines, à nos lois propres. Nous nous déshumanisons, nous adoptons le style de vie de nos esclaves techniques. Le premier symptôme de cette déshumanisation c’est le mépris de l’être humain*. L’homme moderne sait que ses semblables, et lui-même d’ailleurs, sont des éléments qu’on peut remplacer. La société contemporaine qui compte un homme pour deux ou trois douzaines d’esclaves techniques doit être organisée et fonctionner d’après des lois techniques. C’est une société créée selon des nécessités mécaniques et non humaines. Et c’est là que commence le drame. »
* Oui mais là encore, il aurait été judicieux qu’il fasse le lien avec la mentalité chrétienne, car le mépris de l’être humain est bien une des caractéristiques de l’Antiquité, que seule la chrétienté va annihiler. Quand on quitte la chrétienté on retourne dans le camp du démon, ce qui est insupportable. C’est bien la preuve que la cité du mal a repris le dessus sur la cité du bien, et que ceci était déjà palpable en 1949 (ce qui n’écarte pas l’aspect visionnaire de cette œuvre). Ensuite il montre bien le processus :
« Les êtres humains sont obligés de vivre et de se comporter selon des lois techniques étrangères aux lois humaines. Ceux qui ne respectent pas les lois de la machine, promues au rang de lois sociales, sont punis. L’être humain qui vit en minorité devient, le temps aidant, une minorité prolétaire. Il est exclu de la société à laquelle il appartient, mais dans laquelle il ne peut s’intégrer désormais sans renoncer à sa condition humaine. Il en résulte pour lui un sentiment d’infériorité, le désir d’imiter la machine et d’abandonner ses caractères spécifiquement humains, qui le tiennent éloignés des centres d’activité sociale*. »
* Ce paragraphe résume à lui seul toute l’ambiguïté du concile Vatican II : c’est bien à cause d’un décalage devenu insupportable entre la mentalité chrétienne et cette nouvelle société technique que les chrétiens ont tenté de rendre compatible la foi et le matérialisme, sinon ils ne pouvaient pas s’intégrer dans cette nouvelle civilisation… si prometteuse… en apparence.
Et là son observation tombe juste, on voit où il voulait en venir après ce long développement :
« — Et cette lente désintégration transforme l’être humain en le faisant renoncer à ses sentiments, à ses relations sociales jusqu’à les réduire à quelque chose de catégorique, précis et automatique, les mêmes relations qui relient une pièce de la machine à une autre. Le rythme et le langage de l’esclave technique sont imités dans les relations sociales, dans l’administration, dans la peinture, dans la littérature, dans la danse. Les êtres humains deviennent les perroquets des esclaves techniques. »
« — Ce qui veut dire que nous nous transformons en hommes-machines ? »
« — C’est justement là qu’éclate le drame. Nous ne pouvons pas nous transformer en machines. Le choc entre les deux réalités — technique et humaine — s’est produit. Les esclaves techniques gagneront la guerre. Ils s’émanciperont et deviendront les citoyens techniques de notre société. Et nous, les êtres humains, nous deviendrons les prolétaires d’une société organisée selon les besoins et la culture de la majorité des citoyens, c’est à dire des citoyens-techniques.
Pour finir les hommes ne pourront plus vivre en société en gardant leurs caractères humains. Ils seront considérés comme égaux, uniformes et traités suivant les mêmes lois applicables aux esclaves techniques, sans concession possible à leur nature humaine. »
Ce dernier paragraphe est remarquable d’anticipation : égalitarisme, uniformité…
Il aurait mieux valu qu’il remplace « caractère humain » par « caractère chrétien », cela aurait été plus juste. Il faut aussi se rappeler qu’il fait un lien, on l’a vu dans la synthèse de la préface, avec le communisme, qui procède de la même mentalité (et qu’il associe à l’Occident), car toute cette description ne gêne pas le communisme. Voir en Chine.
Il ajoute quelques détails :
« Les critères sont purement scientifiques. C’est la loi de notre sombre barbarie technique. Nous y arriverons après la victoire totale des esclaves techniques. »
C’est exactement ça !
Et on comprend très bien pourquoi le Covid a été géré de cette façon : parce que les dirigeants, et même l’homme moderne tout court, raisonnent selon des critères exclusivement techniques où l’humain est ravalé au rang d’une machine, d’où des décisions qui révèlent l’aspect inhumain autant que totalitaire de cette mentalité, quand un principe de précaution applicable à une infime minorité (les « malades ») est imposé indifféremment à l’ensemble de la population.
Mais la population accepte ce principe puisqu’elle procède de la même mentalité, d’où sa soumission à de telles pertes de libertés : cela ne relève ni de la bêtise ni de l’habitude mais d’un état d’esprit identique à celui des dirigeants, façonné par la civilisation de la machine.
Et d’ailleurs l’affaire du Covid me fait penser à cette situation décrite dans le livre. Un des personnages, prêtre, formule une prière où il invoque « la tyrannie impersonnelle de l’Etat » :
« prions pour qu’ils n’en viennent pas à considérer la lettre et le chiffre comme plus réels et plus vivants que la chair et le sang. »
N’est-ce pas exactement ce qui se passe dans la gestion du Covid ?
« Du moment où l’homme a été réduit à la seule dimension de valeur technico-sociale, il peut lui arriver n’importe quoi. Sur toute la surface du globe, aucun homme ne demeurera libre. »
Prophétique !
« L’homme se trouvera enchaîné par la société technique pendant de longues années. Mais il ne périra pas dans les chaînes. La société technique peut créer du confort. Mais elle ne peut pas créer de l’Esprit. Et sans Esprit il n’y a pas de génie. Une société dépourvue d’hommes de génie est vouée à la disparition. La société technique, qui prend la place de la société occidentale et qui va conquérir toute la surface de la terre, périra aussi. »
Il a oublié que le pain et les jeux peuvent avoir une influence considérable et que le démon peut remplacer le génie chrétien par le génie païen : il n’avait pas imaginé la puissance (et le génie !) de l’informatique et d’internet. Mais effectivement, c’est l’absence de lien spirituel qui va détruire l’humanité parce que la technique comme valeur absolue finit par générer un autoritarisme et un totalitarisme qui deviennent inhumains et rendent les gens fous.
En définitive, c’est l’absence d’Amour avec un grand A qui mènera les hommes à s’autodétruire.
« Nous vivons un temps où l’homme se prosterne devant le soleil électrique comme un barbare. »
C’est du d’Alencourt !
Un des fondements-clés du progrès technique : l’ultra cupidité
Le lien entre le système et sa motivation première — l’argent, L’or-Dieu de Bernanos — est peu traité par Gheorghiu, où je n’ai relevé que cette phrase significative :
« La société technique travaille exclusivement d’après des lois techniques — en maniant seulement des abstractions, des plans — et ayant une seule morale : la production. »
Par contre, Bernanos avait parfaitement vu les proportions immenses (et primordiales !) de la cupidité dans la société des machines. Nous allons donc faire un petit aparté sur le livre de Gheorghiu au profit de celui de Bernanos.
Entendons-nous bien : personne ici, ni Bernanos, ni Gheorghiu ni moi-même ne nous opposons au progrès technique en tant que tel ; c’est CE progrès, ce type bien particulier de progrès, son esprit et ses motivations, que nous dénonçons parce que nous y voyons l’immense danger qu’il recèle : se détourner de Dieu au profit du démon et de ses séductions.
Georges Bernanos résume très correctement en quoi consiste ce type de progrès :
« Qu’il s’intitule capitaliste ou socialiste, ce monde s’est fondé sur une certaine conception de l’homme, commune aux économistes anglais du XVIIIe siècle comme à Marx ou à Lénine. On a dit parfois de l’homme qu’il était un animal religieux. Le système l’a défini une fois pour toutes comme un animal économique, non seulement l’esclave mais l’objet, la matière presque inerte, irresponsable, du déterminisme économique, et sans espoir de s’en affranchir, puisqu’il ne connaît d’autre mobile certain que l’intérêt, le profit.
Rivé à lui-même par l’égoïsme, l’individu n’apparaît plus que comme une quantité négligeable, soumise à la loi des grands nombres ; on ne saurait prétendre l’employer que par masses, grâce à la connaissance des lois qui le régissent. Ainsi, le progrès n’est plus dans l’homme, il est dans la technique, dans le perfectionnement des méthodes capables de permettre une utilisation chaque jour plus efficace du matériel humain.
Cette conception, je le répète, est à la base de tout le système, et elle a énormément facilité l’établissement du régime en justifiant les hideux profits de ses premiers bénéficiaires. ».
Bernanos précise ensuite sa pensée :
« Je ne parle pas de l’invention des Machines, je parle de leur multiplication prodigieuse, à quoi rien ne semble devoir mettre fin, car la Machinerie ne crée pas seulement les machines, elle a aussi les moyens de créer artificiellement de nouveaux besoins qui assureront la vente de nouvelles machines*. Chacune de ces machines, d’une manière ou d’une autre, ajoute à la puissance matérielle de l’homme** c’est à dire à sa capacité dans le bien comme dans le mal. Devenant chaque jour plus fort, plus redoutable, il serait nécessaire qu’il devînt chaque jour meilleur. Or, si effronté qu’il soit, aucun apologiste de la Machinerie n’oserait prétendre que la Machinerie moralise. La seule Machine qui n’intéresse pas la Machine, c’est la Machine à dégoûter l’homme des Machines, c’est à dire d’une vie tout entière orientée par la notion de rendement, d’efficience, et finalement de profit. »
* Il avait perçu le marketing avant l’heure.
** Il y a là une notion remarquable à laquelle on ne pense jamais et qui est une des raisons pour lesquelles Satan veut nous donner un tel pouvoir : l’accroissement de la puissance matérielle de l’homme, parce que le démon, par définition, peut agir sur nos sens, sur la chair, sur la matérialité de l’homme. Ainsi donc, s’il décuple la puissance matérielle, celle-ci sera forcément à son service, quoi qu’on fasse, car de l’autre côté, le Seigneur agit à l’inverse : il décuple la puissance spirituelle de l’homme, le fameux homme intérieur. Comme sur une balance, non seulement le déséquilibre entre matériel et spirituel s’accentuera, mais puisque la puissance matérielle s’auto-alimente, elle finira par éliminer la totalité de l’homme spirituel, parce que sa croissance est sans fin. Et la finalité de cette croissance, nous dit Bernanos, c’est le profit ; j’ajouterai que c’est aussi l’élimination de toute vie intérieure, au profit d’une autre vie, non pas spirituelle mais sensuelle et même intellectuellement sensuelle — dans le sens : dominée par la chair — ce qui est valable dans la composante matérielle comme immatérielle de l’homme. Pour mieux comprendre le distinguo entre avant et après, continuons avec ce passage de Bernanos :
« Vous venez de raisonner comme si vos machines allaient être conçues dans le même esprit où furent jadis inventés les outils. Nos ancêtres se sont servis d’une pierre tenue au creux de la main en guise de marteau, jusqu’au jour où, de perfectionnement en perfectionnement, l’un d’entre eux imagina de fixer la pierre au bout d’un bâton. Il est certain que cet homme de génie, dont le nom n’est malheureusement pas venu jusqu’à nous, inventa le marteau pour s’en servir lui-même, et non pour en vendre le brevet à quelque société anonyme. Ne prenez pas ce distinguo à la légère. Car vos futures mécaniques fabriqueront ceci ou cela, mais elles seront d’abord et avant tout, elles seront naturellement, essentiellement, des mécaniques à faire de l’or. Bien avant d’être au service de l’Humanité, elles serviront les vendeurs et les revendeurs d’or, c’est à dire les spéculateurs, elles seront des instruments de spéculation.
Or, il est beaucoup moins avantageux de spéculer sur les besoins de l’homme que sur ses vices, et parmi ses vices, la cupidité n’est-elle pas le plus impitoyable ? […]
Je prédis que la multiplication des machines développera d’une manière presque inimaginable l’esprit de cupidité*. »
* Cette prédiction est vérifiable, presque 80 ans après, en tous points et exactement dans les mêmes termes. J’ajouterai que la grande intelligence du démon, pour masquer partiellement la prépondérance phénoménale de la cupidité dans nos cœurs, et se donner bonne conscience, aura été de l’accompagner d’un exceptionnel degré d’hypocrisie : la cupidité devient un métier (le marketing), une nécessité (« il faut bien vivre ») et même un bienfait (« je satisfais les besoins des gens »). Personne ne veut se rendre compte et admettre que l’état d’esprit qui préside à nos idées et à notre raisonnement est foncièrement malsain et déformé. Bernanos en conclut qu’une telle situation peut faire de l’homme un demi-dieu, ou peut-être plus, « mais l’or, lui, sera Dieu » . Il parle aussi de « l’Etat-Dieu », évidemment.
Et pour finir sur cet aspect, voici trois dernière citations de Bernanos qui se passent de commentaire, et qui élimineront les quelques objections que l’on pourrait formuler :
« À en croire les imbéciles, ce sont les savants qui ont fait le système. Le système est le dernier mot de la science. Or le système n’est pas du tout l’œuvre des savants, mais celle d’hommes avides qui l’ont créé pour ainsi dire sans intention — au fur et à mesure des nécessités de leur négoce. »
« Un monde né de la spéculation ne peut s’organiser que pour la spéculation. La première ou plutôt l’unique nécessité de ce monde, c’est de fournir à la spéculation les éléments indispensables. »
« Ne voyez-vous pas que la civilisation des machines exige en effet de vous une discipline chaque jour plus stricte ? Elle l’exige au nom du Progrès, c’est à dire au nom d’une conception nouvelle de la vie, imposée aux esprits par son énorme machinerie de propagande et de publicité.
Comprenez donc que la civilisation des machines est elle-même une machine, dont tous les mouvements doivent être de plus en plus parfaitement synchronisés ! […]
La civilisation des machines a sa devise : Technique d’abord ! Technique partout ! […]
La Technique prétendra tôt ou tard former des collaborateurs acquis corps et âme à son Principe, c’est à dire qui accepteront sans discussion inutile sa conception de l’ordre, de la vie, ses Raisons de Vivre. Dans un monde tout entier voué à l’Efficience, au Rendement, n’importe-t-il pas que chaque citoyen, dès sa naissance, soit consacré aux mêmes dieux ? La Technique ne peut être discutée, les solutions qu’elle impose étant par définition les plus pratiques. Une solution pratique n’est pas esthétique ou morale.
La Société moderne est désormais un ensemble de problèmes techniques à résoudre*. »
* Donc il est logique qu’elle règle le problème Covid de façon technique, ce qui est une aberration totale pour « l’homme qui croit à autre chose qu’à la technique » (et souvent qui croit en Dieu, en sa Création et donc aux capacités naturelles de cette dernière), mais qui est parfaitement cohérent et logique pour celui qui s’est laissé discipliner par la Technique.
Après ce complément de Bernanos, revenons maintenant à La 25e heure.
La 25e heure : ce n’est pas la dernière heure mais une heure après la dernière heure
Le personnage principal, Traian, explique le titre du roman qu’il est en train d’écrire :
« La Vingt-cinquième heure. Le moment où toute tentative de sauvetage devient inutile. Même la venue d’un Messie ne résoudrait rien*. Ce n’est pas la dernière heure : c’est une heure après la dernière heure. Le temps précis de la société occidentale. C’est l’heure actuelle. L’heure exacte. »
* Oui parce qu’il faut tout dégager au préalable.
Remarquable !! C’est l’heure après la dernière heure, donc l’heure ultime après laquelle il n’y a plus rien, qui se termine, même s’il ne le dit pas, par la fin du monde, car effectivement tout sauvetage est inutile et même néfaste (il n’y a rien à sauver dans tout ça, bien au contraire !).
Et donc, il le dit bien : la dernière heure, c’est celle qu’ils vivent actuellement (donc en 1949) c’est à dire celle de Pie XII !
Et il fait d’ailleurs un lien timide mais concret avec l’Apocalypse et là encore, il fait mouche :
« Sans la complicité d’un homme, les esclaves techniques ne peuvent attaquer les êtres humains. Ayant comme complice un citoyen — qui n’est pas un être humain- les esclaves techniques deviennent des bêtes d’Apocalypse. »
Doit-on en déduire que ces citoyens-complices sont des démons ? presque… leurs enfants, voir ci-après :
« Le citoyen est l’être humain qui ne vit que la dimension sociale de la vie »
C’est dur !! et bien vrai — c’est le socialo type, le sans-Dieu par excellence donc sans amour et sans dimension spirituelle — bref l’enfant de Satan.
« Le citoyen est la bête la plus dangereuse qui soit apparue sur la surface du globe, depuis le croisement de l’homme avec l’esclave technique. Il possède la cruauté de l’homme et de la bête et la froide indifférence des machines. »
Bref l’homme divinisé par la technique, l’homme parvenu à la béatitude matérielle, cet ex enfant de Dieu est devenu l’enfant de la bête.
La magnifique symbolique des lapins blancs
« — J’ai fait une fois une croisière en sous-marin. Je suis resté mille heures sous l’eau. Il y a dans les sous-marins un appareil spécial pour indiquer le moment précis où il faut renouveler l’air. Mais, il y a longtemps, il n’y avait pas d’appareil et les marins prenaient à bord des lapins blancs. Au moment où l’atmosphère devenait toxique, les lapins mouraient et les marins savaient alors qu’ils n’avaient plus que cinq ou six heures à vivre. A cet instant, le capitaine devait prendre la décision suprême : ou bien il faisait un effort désespéré pour remonter à la surface, ou bien il ne quittait pas le fond et mourait avec tout l’équipage. D’habitude, pour ne pas se voir mourir, ils s’abattaient entre eux à coups de revolver.
C’est un don que nous avons, les lapins blancs et moi, de sentir six heures avant le reste des humains le moment où l’atmosphère devient irrespirable. Depuis un certain temps j’éprouve cette même sensation que j’avais à bord du sous-marin : l’atmosphère est devenue suffocante.
— Quelle atmosphère ?
— L’atmosphère dans laquelle vit la société contemporaine. L’être humain* ne peut plus la supporter. La bureaucratie, l’armée, le gouvernement, l’organisation d’Etat, l’administration, tout contribue à suffoquer l’homme. La société actuelle sert les machines et les esclaves techniques. Elle est créée pour eux. Mais les hommes sont condamnés à l’asphyxie. Ils ne s’en rendent pas compte. Ils persistent à croire que tout est normal, comme par le passé. Les hommes de mon sous-marin résistaient eux aussi dans l’atmosphère infectée. Après la mort des petits lapins, ils vivaient six heures encore. Mais moi je sais que tout est fini. »
Moi aussi !!!!
* En réalité, le chrétien.
« Dans mon roman, je décris la manière dont meurent, dans des tourments affreux, tués par une atmosphère qui ne permet pas l’existence, les hommes de cette terre. »
Ce sont évidemment des morts au figuré (les âmes) mais au final ce sera au sens propre !
« Après la mort des lapins blancs, les hommes ne peuvent plus vivre que six heures au maximum. Mon roman décrit les six dernières heures de la vie de mes meilleurs amis. »
Ces six heures, c’est la sixième période, celle de l’Antéchrist, à laquelle l’humanité chrétienne ne pourra pas survivre ; si Dieu veut en sauver quelques-uns, il est obligé d’y mettre fin lui-même, par la chute des bêtes : le 7 rédempteur.
Donc la 25e heure ce sont les 6 dernières heures c’est à dire la 6e période, la toute dernière : oui ! Et en 1949 elle avait ou ALLAIT commencer car la symbolique des lapins blancs peut désigner les justes (les hommes revêtus de blanc) et donc le premier d’entre eux : le PAPE, l’homme en blanc.
La preuve :
« Après la mort des lapins blancs il n’y a plus de happy end possible. Il y a seulement quelques heures avant que tout soit fini. »
Il y a deux façons d’appliquer cette symbolique en eschatologie :
- Soit le dernier lapin blanc correspond au dernier pape véritablement catholique, et alors il s’agit de Pie XII, la date se situant au 9 octobre 1958 ; ensuite il reste 6 heures à vivre, c’est à dire les 6 papes de la civilisation de la machine.
- Soit le dernier lapin blanc c’est Benoît XVI, dernier de la liste de la prophétie des papes, et alors sa mort est soit située au 28 février 2013 (date de son départ effectif), soit à son décès. Resteront alors (symboliquement) quelques heures à vivre.
Je penche sur la première hypothèse : après la mort du dernier lapin blanc (Pie XII), il reste 6 heures à vivre (6 papes) durant lesquelles nous mourrons à petit feu par asphyxie jusqu’à la disparition définitive de notre civilisation — quel symbolisme d’ailleurs que celle de la forme grave du Covid : l’insuffisance respiratoire ! il faut donc toujours scruter la symbolique des choses pour en comprendre le sens réel.
Et c’est un moment très dur à vivre et à admettre :
« Il faut te résigner, mon vieux Moritz, dit Traian en lui tapant sur l’épaule. Après la mort des lapins blancs, il n’y a plus d’autre solution que la résignation. »
C’est d’autant plus vrai que beaucoup ne veulent pas l’admettre, et c’est là qu’intervient autant l’humilité que la confiance en Dieu et en la sainte Providence.
Et cette résignation, cette difficulté à comprendre et admettre de se soumettre à l’impensable est admirablement décrite dans la prière suivante, qui exprime bien mystiquement le mystère qui nous oppresse depuis tant d’années :
« Seigneur, dit Traian, je ne te demande pas de retirer ce verre de mes lèvres. Je sais que cela n’est point possible. Mais je t’implore de m’aider à boire ce verre. Depuis une année, je le garde tout près de mes lèvres. Depuis une année, je demeure près des frontières de la vie et de la mort*. Depuis une année, je demeure aux limites de la vie et du rêve. Je suis sorti du temps, et pourtant je continue à vivre. La vie s’est retirée de mon corps par tous les pores, et cependant je suis encore en vie, et cependant je respire et je me traîne et j’introduis encore dans mon corps du pain et de l’eau bien que je ne les désire plus. Et toutes ces souffrances viennent de ce que je ne me rends pas compte si je suis prisonnier ou si je suis libre.
Je vois que je suis enfermé mais je n’arrive pas à croire que je suis enfermé**.
Je vois que je ne suis pas libre et pourtant mon Esprit me dit qu’il n’y a aucune raison pour que je ne sois pas libre. La torture que produit cette incompréhension est infiniment plus dure que l’esclavage. Les hommes qui m’ont enfermé ne me haïssent pas, ne veulent pas me punir et ne désirent pas ma mort.
Ils veulent simplement sauver le monde !
Et pourtant ils me torturent et me tuent à petit feu… ils torturent et tuent peu à peu toute l’humanité***. Je ne suis pas le seul à souffrir, je le sais.
Ceux qui dirigent le monde se sont mis à construire des hôpitaux géants pour guérir les plaies des hommes. Mais sous leurs truelles****, ce ne sont point des hôpitaux, mais des prisons qui s’élèvent. »
* Il s’agit de la mort de l’âme, évidemment, d’où cette immense angoisse autant corporelle qu’intellectuelle et spirituelle.
** Comme nous, à l’intérieur de cette civilisation dans laquelle nous ne nous reconnaissons pas, et dont nous ne pouvons pas sortir.
*** C’est remarquablement exprimé !
**** Allusion à la franc-maçonnerie ?
L’inhumanité de la civilisation technique : le collectivisme s’oppose à l’individu
« L’apparition de la société technique a détruit ce que nous avions gagné et créé durant des siècles de culture. La société technique a réintroduit le mépris de l’être humain. L’homme est réduit aujourd’hui à sa seule dimension sociale. »
Le sous-entendu est évident : il s’agit des siècles de culture chrétienne.
« C’est la vingt-cinquième heure. L’heure de la civilisation européenne. »
Donc chrétienne. Il s’agit bien d’un enjeu civilisationnel et seule l’Europe est le berceau incontestable de la chrétienté.
« La civilisation occidentale dans sa dernière phase de progrès ne prend plus conscience de l’individu.
Ce motif est absurde du point de vue humain et parfaitement justifié du point de vue de la machine. L’Occident regarde l’homme par les yeux de la technique. L’homme en chair et en os, capable de joie et de souffrance, est inexistant.
Et c’est pourquoi, le fait qu’ils nous aient arrêtés, nous gardent en prison et demain peut-être nous exécutent, ne peut pas être considéré comme criminel. Ce serait criminel si cela se rapportait à des hommes en chair et en os. Mais la société occidentale est incapable de prendre acte de la présence de l’homme vivant. Lorsqu’elle arrête ou tue quelqu’un, cette société n’arrête pas et ne tue pas quelque chose de vivant, mais une notion. En bonne logique, ce crime ne peut lui être imputé car aucune machine ne peut être accusée de crime*. Et nul ne saurait demander à une machine de traiter les hommes selon leurs caractéristiques individuelles. »
* Pareil pour le système : c’est le sens de « responsable mais pas coupable »
« L’Occident a créé une société semblable à la machine. Il oblige les hommes à vivre au sein de cette société et à s’adapter aux lois de la machine.
Je sais que la civilisation technique est bâtie sur des bases matérialistes. L’économie est votre évangile.
Le moment était proche où les lois interdiraient aux hommes de vivre leur propre vie. »
Oui ! On vient de le vivre en direct avec le Covid !
« Et maintenant il lui était annoncé officiellement que ces lois étaient rigoureusement appliquées et respectées. Il n ‘y avait plus d’erreur possible. Des êtres humains qui n’étaient pas coupables pouvaient être, et étaient légalement arrêtés, torturés, affamés, dépouillés et exterminés.
Seul l’État et ses lois en portent la responsabilité. Et il ne sera pas pardonné à l’État ! L’État sera puni comme Sodome et Gomorrhe. La foudre ne tombera pas seulement sur notre État, mais sur toute notre société d’aujourd’hui qui commet ces péchés, que Dieu ne peut voir sans souffrir amèrement.
La société technique progresse exactement dans le sens inverse : elle généralise tout. »
Il cite alors le comte H de Keyersling :
« C’est à force de généraliser et de chercher, ou de placer, toutes les valeurs dans ce qui est général, que l’humanité occidentale a perdu tout sens pour les valeurs de l’unique, et partant de l’existence individuelle. D’où l’immense danger du collectivisme, qu’on le comprenne à la russe ou à l’américaine. »
Eh oui, dans les deux cas le judaïsme à l’origine du capitalisme et du communisme contient à la fois les mêmes racines du collectivisme et du matérialisme athée.
Ce qui m’amène cette réflexion : Le christianisme magnifie et transcende la personne humaine parce qu’il fait de chaque homme un enfant de Dieu unique et différencié, alors que son inverse le globalise dans une collectivité indifférenciée.
Cet enfant de Dieu Gehorghiu l’appelle « l’individu » ou tout simplement « l’homme » par opposition au citoyen et à l’esclave technique.
« La société de la civilisation technique est devenue incompatible avec la vie de l’individu. Elle étouffe l’homme. Et les hommes meurent de la même mort que les lapins blancs de ton roman. Nous mourrons tous asphyxiés par l’atmosphère toxique de cette société* où ne peuvent se mouvoir que les esclaves techniques, les machines et les citoyens. Les hommes pèchent ainsi gravement et sont coupables envers Dieu. »
* Tout au long du livre, il parle de la mort de l’âme mais aussi de l’esprit, car il n’y a pas seulement la dimension spirituelle de l’homme qui est affectée, c’est une mort culturelle, affective, sociale : l’homme (chrétien) se retrouve plongé dans un monde qui l’agresse dans toutes ses dimensions et qui l’oblige à changer — et donc à mourir c’est à dire à renoncer à sa civilisation — pour entrer (naître) dans une autre qui lui est non seulement contraire, mais hostile. C’est l’incompatibilité entre les deux civilisations qui pose le plus de problème car, comme le concile y a cru, certains ont espéré et recherché une cohabitation. Mais à cause de cette incompatibilité chronique et structurelle le résultat ne fut ni une cohabitation, ni une fusion, mais une absorption de l’ancienne civilisation par la nouvelle, et donc son remplacement qui est aujourd’hui achevé, et presque intégral. Tout le problème, avec ces cycles lents et insidieux, est que cela n’a pas été vécu ainsi par la majorité de la population, que l’on s’est bien gardé de l’expliquer, et que donc la plupart ne se sont pas aperçu qu’on transformait petit à petit leur façon de vivre et de penser.
Bernanos exprime exactement la même notion :
« Une civilisation ne s’écroule pas comme un édifice ; on dirait beaucoup plus exactement qu’elle se vide peu à peu de sa substance, jusqu’à ce qu’il n’en reste plus que l’écorce. On pourrait dire plus exactement encore qu’une civilisation disparaît avec l’espèce d’homme, le type d’humanité, sorti d’elle. »
Gheorghiu a raison, la 25e heure est inéluctable et n’a aucune solution mis à part l’anéantissement brutal et total de la nouvelle civilisation ainsi obtenue :
« De toute notre force, nous agissons contre notre bien, et surtout contre Dieu. C’est le dernier degré de déchéance jamais atteint par une société humaine. Et cette société périra. »
C’est la mort inéluctable de cette société que j’appelle « la chute de Babylone » car c’est la mort des bêtes, donc de l’Antéchrist et de son monde !
« Voilà le crime de la société technique occidentale. Elle tue l’homme vivant*, le sacrifiant à la théorie, à l’abstraction, au plan. C’est là la forme moderne du sacrifice humain**. »
* Vivant de la grâce, bien entendu.
** C’est toute la subtilité du système : des morts sans cadavres, des martyrs sans nom et sans visage, et surtout sans sang qui coule. Même l’avortement est un meurtre « propre », en blouse blanche, présenté comme un acte médical.
« Avec ce système, l’homme peut atteindre, dans le meilleur des cas, l’apogée de la perfection sociale. Mais cela ne lui est d’aucun secours. La vie même de l’homme cessera d’exister du moment où elle sera réduite au social, à l’automatique, aux lois de la machine*.
Ces lois ne pourront jamais donner un sens à la vie humaine. Et si on enlève à la vie son sens, l’unique sens qu’elle possède et qui est totalement gratuit et dépasse la logique, alors la vie même finit par disparaître. Le sens de la vie est absolument individuel et intime**. »
* Comment ne pas penser, en lisant ça, à la façon dont on aborde le sujet de la conduite automobile de nos jours : c’est l’application exacte de cette mentalité, où l’individu n’a plus de valeur, il doit se comporter comme une machine, on lui interdit tout jugement, tout libre-arbitre, tout bon sens ; il doit obéir impérativement, sans réfléchir, sans adaptation aux spécificités du terrain, sans pragmatisme, aux innombrables directives fixées par la collectivité et qui s’imposent avant toute forme de liberté, même celle de penser (ce qui dans le cas de la conduite automobile est particulièrement impressionnant, parce qu’observable à l’œil nu !), sous peine d’être très lourdement sanctionné pour des fautes d’un type nouveau : à aucun moment la faute n’aura été de nuire à son prochain, mais de n’avoir pas respecté une loi aveugle et impersonnelle, typique d’une machine pour une autre machine. Bref la conduite automobile interdit typiquement à l’homme d’être un homme, c’est à dire de s’adapter aux circonstances selon son jugement, son observation et son expérience, elle l’oblige à se comporter exactement comme une machine, à qui la réflexion non seulement est interdite, mais réputée nuisible !!! C’est plus que totalitaire, c’est insultant pour chaque être humain, ravalé au rang de la machine la plus quelconque. Il y a aussi derrière cette idée une déresponsabilisation de l’individu : celui-ci s’efface devant une collectivité qui pense pour lui. L’homme n’agit plus par lui-même, avec la part de risque et d’incertitude que cela comporte (c’est ça la responsabilité : se prendre en charge soi-même, en accepter les risques, ce qui n’exclut ni l’éducation ni l’expérience), mais il est sommé de conformer son comportement individuel aux directives précises de la collectivité.
** « Le sens de la vie est absolument individuel et intime » : c’est justement ce que le collectivisme (socialisme) nous interdit aujourd’hui : toute conviction individualisée et intime.
« A la fin, Dieu prendra pitié de l’homme, comme il l’a déjà fait maintes fois. Ensuite, telle l’arche de Noé sur les flots, les quelques hommes demeurés vraiment hommes flotteront par-dessus les remous de ce grand désastre collectif. »
C’est exactement la description que je fais des Témoins.
« Mais le salut ne viendra que pour les hommes qui sont vraiment des hommes, c’est à dire des individus. Aucune Eglise, aucune nation, aucun Etat et aucun continent ne pourra sauver ses membres en masse ou par catégories. Seuls les hommes pris individuellement, sans tenir compte de leur religion, de leur race ou de leurs catégories sociales ou politiques pourront être sauvés. »
Je suis d’accord sur la notion de salut individuel et non collectif, qui est très probable, et sur le fait que certains hommes, grâce à leurs mérites, pourront être sauvés. Mais on ne peut pas dire « quelle que soit leur religion » car il faut impérativement et au minimum croire en Jésus-Christ Fils de Dieu et Sauveur, sinon soit Dieu n’est pas le Dieu Trinitaire (et il n’y en a qu’un seul, rappelons-le) soit il se contredirait, ce qui est évidemment inenvisageable.
La mollesse doctrinale de Gehorghiu est un gros reproche à lui faire. L’influence orthodoxe ?
Un mot sur la notion de tribulations. Je pense qu’à ce stade, le lecteur commence à me voir venir.
Je vois régulièrement des gens expliquer que les tribulations et les persécutions commenceront vraiment quand il y aura des islamistes dans le hall de nos immeubles prêts à nous égorger parce que nous sommes chrétiens ; ou bien les chars russes sur les quais de Seine, vieille idée que certains caressent encore malgré sa désuétude flagrante. Mais c’est trop facile ; de telles situations feraient des martyrs en pagaille et les martyrs, c’est justement ce que veut éviter Satan. Il y aurait alors un sursaut de foi, un regain de combativité et un retour aux valeurs essentielles. Bref tout ce que ne veut pas raviver le démon.
C’est pourquoi il est illusoire de croire que les musulmans en France, et en Occident d’une façon générale, se montreront un jour agressifs à ce point.
Non, au contraire, l’ennemi à combattre, c’est justement celui qui a su nous séduire et aux pieds duquel nous avons déposé les armes ; l’ennemi véritable c’est le confort, la mollesse, le matérialisme, l’argent-roi, la paresse et son cortège de divertissements et de vacances, et bien sûr l’orgueil, l’orgueil insensé de l’être humain aujourd’hui qui se complaît dans l’auto-adoration de sa propre suffisance et de son apparence de divinisation. L’homme-Dieu qui se croit capable de régenter la morale selon ses désirs, de modifier la loi naturelle pour l’adapter à ses besoins propres, de reformuler la génétique pour faire mieux que le Créateur (!), qui donne des ordres au climat (?) et demain à la maladie… cet homme qui se prend pour Dieu et qui en devient fou.
Son ennemi ce n’est pas l’islamiste du coin de la rue, c’est le monde qu’il s’est créé et dans lequel il se complaît en attendant de se rendre compte qu’il y est piégé ; ce monde que tant d’hommes ont trouvé si utile et si nécessaire, au concile Vatican II, qu’ils ont tenté de le rendre compatible avec la foi : folie de l’homme piégé par le matérialisme et qui ne veut pas choisir entre le Christ et Bélial, qui veut servir deux maîtres à la foi, Dieu et l’argent, qui réclame la béatitude matérielle que lui offre la civilisation des machines, mais veut aussi, quand même, aller au Ciel. Sauf que saint Paul l’a suffisamment expliqué : il faut choisir entre vivre selon la chair ou selon l’esprit.
Pour conserver son statut de matérialiste patenté, cet homme préfèrera renier son Dieu en public, par exemple en affirmant que nous partageons le même Dieu avec les juifs et les musulmans, ce qui ne l’empêchera pas le dimanche suivant de réciter doctement le Credo à la messe du coin; quelle infamie, quelle désorientation diabolique de ces apostats, incapables de « distinguer leur droite de leur gauche » (Jonas 4:11).
Alors il ne faut pas se tromper d’ennemi : le véritable ennemi, et le plus menteur de tous, c’est celui qui rend la vie selon la chair si attractive qu’on ne peut et ne veut l’éviter, et en même temps vous susurre à l’oreille que celle-ci est compatible avec la vie éternelle, en déformant la notion de miséricorde selon la nouvelle mentalité qu’il a lui-même suggérée.
Voilà le piège que nos amis Bernanos ou Gheorghiu avaient perçu dès 1945 dans cette civilisation des machines — c’est à dire du matérialisme triomphant — parce que non seulement il s’agit d’une attaque en règle contre l’homme intérieur (et donc contre la vie selon l’Esprit), mais c’est aussi une monstrueuse mystification, parce que confier son avenir à Satan, c’est s’exposer au final à une société inhumaine, invivable et insupportable. Non seulement on y perd son âme, mais on n’y vit même pas heureux.
Mais comment voulez-vous que l’ennemi numéro un de l’Amour produise autre chose que son contraire ? Peu importe qu’il utilise les mêmes mots, qu’il les emballe de liberté, égalité, fraternité, on se rend vite compte de l’affabulation, de la mystification, de l’hypocrisie du système. Et ce dernier finit mal, comme son concepteur, parce que celui qui est menteur et homicide depuis le début l’est aussi à la fin, ce sera son cadeau d’adieu : un monde entièrement menteur et homicide… n’est-ce pas ce qu’il est devenu aujourd’hui ?
Le résistant : un témoin désabusé ?
« L’homme est désormais en minorité et il a les poings liés. »
Rappelons que l’homme, pour lui, c’est celui qui résiste à la société technique, qui n’en partage pas la mentalité, même s’il en utilise certains outils.
Car le plus intéressant, et probablement le plus important, c’est de faire comprendre que la bataille se situe d’abord dans l’immatériel : c’est une guerre contre l’Esprit et contre l’âme.
« Il ne me reste plus qu’à faire ce que la société technique permet encore à un homme de faire. »
C’est à dire être un spectateur impuissant.
« C’est avec elles [ses lunettes] que j’ai vu mourir un continent avec son poids d’hommes, de lois, de croyances et d’espoirs, mourir sans savoir qu’il meurt, enfermé dans les camps et les lois techniques d’une société revenue à la rigidité barbare.
À partir d’aujourd’hui, je ne veux plus rien voir. Je suis fatigué. Le spectacle a trop duré.
Si je les gardais encore, je ne pourrais plus voir que des ruines, des villes en ruine, des hommes en ruine, des pays en ruine, des églises en ruine et des espérances en ruine.
Par-dessous les ruines, les nouveaux pionniers se sont mis en marche. Ils sont les citoyens de ce nouveau monde qui surgit dans l’histoire. Ils construisent à un rythme fou. Pour bâtir leur civilisation, ils ont commencé par les prisons. Après tout, cela les regarde. Personnellement, je ne me sens pas capable de construire en leur compagnie. Je devrais demeurer toute ma vie un spectateur. Mais vivre comme simple spectateur, c’est à dire comme Témoin, cela ne signifie pas vivre.* La société technique occidentale n’offre aux hommes que des places de spectateurs. »
* C’est très bien dit, elle est peut-être là la clé de compréhension de la mort des Témoins.
« Il y a certaines morts qui ne laissent pas de cadavres derrière elles. Les continents meurent et ne laissent pas de cadavres. Les civilisations meurent et ne laissent pas de cadavres. Les religions non plus, ni les patries. Les hommes aussi meurent parfois avant d’avoir pu trouver leur mort par leur cadavre.
Il se dit que les hommes qui souffraient de l’écroulement de la culture occidentale* s’écroulaient et disparaissaient en même temps qu’elle. »
* Autrement dit, de la civilisation chrétienne.
Le livre parle alors « de l’homme arrivé aux limites de la souffrance spirituelle » : c’est remarquable pour désigner la véritable nature de nos souffrances.
Et dans la même veine, cette très belle observation :
« Sa tristesse n’était pas une simple tristesse de la chair, mais surtout une tristesse de l’esprit. »
Il manque à ces réflexions la dimension chrétienne de la vertu d’espérance : parce que, même si nous sommes impuissants face à la destruction de notre civilisation, nous devons et pouvons en sauvegarder l’essentiel et surtout sauvegarder nos âmes avec une ferme et indestructible confiance dans les paroles du Seigneur : « celui qui tiendra jusqu’au bout sera sauvé » ; et rien ne nous empêche de sauver les autres par la même occasion. Sauver les âmes bien entendu, c’est le seul enjeu encore valable.
Conclusion
J’ose affirmer que la civilisation de la machine est celle de la bête — autrement dit de l’Antéchrist — du moins elle en est une des têtes principales. Parce qu’elle s’attaque directement à l’homme. L’homme tel qu’il a été voulu par le Créateur : notre humanité est chair et esprit et le Créateur veut que, par le biais de la civilisation chrétienne — SA civilisation — l’homme domine la chair par l’Esprit. L’Esprit avec un grand E, c’est à dire l’Esprit-Saint, troisième Personne de la Sainte Trinité. L’Esprit-Saint agit dans l’homme, une fois baptisé, lorsque celui-ci est sanctifié par la grâce qui irrigue son âme, qui elle-même dirige la chair. Or la civilisation de la machine inverse le processus : la chair domine l’esprit jusqu’à s’identifier à lui, en substituant à la dimension spirituelle de l’homme, qui est de l’ordre du surnaturel (la grâce), une contrefaçon que l’on pourrait appeler la spiritualité matérialiste.
La meilleure preuve est que la civilisation de la machine est aussi ouvertement antichrétienne, dans son essence même, mais aussi dans son attitude, puisqu’elle lui est hostile au point de lui faire une guerre acharnée et totale. En d’autres termes, il ne s’agit pas de deux civilisations qui cohabitent mais bien de deux systèmes qui s’affrontent parce qu’ils sont radicalement opposés. Tout le malaise vient du fait que cette guerre ne dit pas son nom, elle est officiellement inexistante, et se cache au contraire sous le noms de démocratie, tolérance, liberté religieuse… autant de qualificatifs valables pour la civilisation des machines mais refusés à la civilisation chrétienne.
Et puis, l’autre caractéristique principale de la civilisation de la machine, c’est l’absence d’amour. Ce monde est froid, impersonnel, calculateur, réducteur, égalitariste. Il a réduit l’amour à ses composantes physiques, affectives et intellectuelles, en définitive à sa dimension charnelle.
Amour de soi (égoïsme), amour de l’argent, amour des plaisirs de la chair sont les trois grandes substitutions à l’amour du prochain, l’amour du devoir (par définition désintéressé et gratuit) et l’amour de la loi naturelle du Créateur. Et au-dessus de tout il y a l’amour de Dieu, celui qui transcende et alimente tous les autres.
Le premier et le plus grand des commandements c’est d’aimer Dieu de tout son cœur, et le second, qui lui est semblable mais passe après le premier (et pour cause ! il y a un ordre : c’est de l’amour de Dieu que viennent les autres élans du cœur) : « tu aimeras ton prochain comme toi-même. » (Matthieu 22:39).
Mais laissons le mot de la fin à Mgr Gaume ; les lignes, visionnaires et prophétiques, qui vont suivre datent de 1871, et elles prouvent qu’il n’y a aucun doute sur le diagnostic général que nous formulons 150 ans après :
« Quand le plateau d’une balance descend, l’autre monte. Le signe qui précède appelle nécessairement celui qui suit. Tout ce que perd la vie de l’esprit bénéficie à la vie de la chair. Le monde surnaturel n’étant plus rien pour l’homme, le monde naturel est tout. Cette prépondérance, ou mieux ce débordement de la vie matérielle est un autre signe de la fin du monde. […]
La réponse que nous cherchons est dans les paroles mêmes du souverain Juge. Il viendra, nous dit-il lui-même [Matthieu 24, 36-30 : « comme il était aux jours de Noé, il en sera à l’avènement du Fils de l’homme… »] lorsque la généralité des hommes ne vivront plus que pour le corps ; lorsque boire, manger, vendre, acheter, bâtir, se livrer avec passion aux affaires et aux plaisirs, sera leur occupation dominante et presque exclusive, le soin qui absorbera tous les autres soins.
Lorsqu’enfoncés dans la matière et esclaves de leurs sens, le monde spirituel, Dieu, Jésus-Christ, l’Eglise, l’âme, l’éternité, les promesses et les menaces divines, ne seront pour les uns que des chimères, et pour les autres que des vérités plus ou moins abstraites et presque sans influence sérieuse sur l’ensemble de leur conduite ; lorsqu’ils ne connaîtront plus, qu’ils n’aimeront plus, qu’ils ne rechercheront plus que les réalités palpables, l’or, l’argent, le bien-être du corps ; qu’ils se moqueront des Noé, dont la voix amie leur annoncera la proximité du déluge : alors l’homme sera devenu chair. Quand il sera devenu chair, l’esprit de Dieu se retirera, l’homme aura perdu sa raison d’être ; puis viendra la fin. »
Toutes les citations d’auteurs sont extraites de :
- Georges Bernanos, La France contre les robots (1945)
- Virgil Gheorghiu, La 25e heure (1949)
- Mgr Jean-Joseph Gaume, Où en sommes-nous ? (1871)
Source de l’article publié le 21 juin 2021 : Le Grand Réveil
Emphases : Sott.net
Source: Lire l'article complet de Signes des Temps (SOTT)