Je m’inquiète pour la santé de Patrick Lagacé. Dans un récent texte publié dans La Presse du 31 décembre 2021, Patrick nous livre un papier truffé de paradoxes où il invite d’une main à instaurer la société la plus ségrégationniste que le Québec moderne ait connue (p.ex. empêcher des personnes d’avoir un permis de conduire parce qu’ils ne sont pas vaccinées contre une maladie virale), mais de l’autre main, nous enjoint à la plus grande des solidarités en allant se livrer des pots Mason remplis de soupe aux légumes afin de s’entraider en ces temps difficiles. Patrick semble visiblement perdu.
Depuis plus d’un an, il fait porter tous les blâmes de cette pandémie qui s’étire sur les personnes critiques et rébarbatives face aux mesures coercitives des gouvernements. Ses derniers boucs émissaires sont évidemment les personnes non-vaccinées qui reçoivent de sa part une vindicte injustifiée, dévoilant chez lui une fragile tendance à verser dans la psychose paranoïaque. Patrick, qui s’agite et convulse contre les non-vaccinés en faisant sans arrêt tourner un disque qui saute et croyant magiquement que ses paroles deviendront un jour de la belle musique, s’encapsule dans un discours incohérent, clivé et frisant le délire. Peut-être devrait-il lui-même s’empêcher d’aller à la SAQ afin de cesser la boisson et soigner ce qui s’apparente à un état aigu de delirium tremens.
Peut-être aussi que Patrick travaille trop et qu’il a tout simplement besoin de vacances. Les chroniques dans le journal, la radio, les émissions de télé… à un moment donné ça ne donne plus beaucoup d’espace pour s’arrêter et penser, exercice si essentiel en période de crise politique comme celle que nous vivons. Si les propos de Patrick n’étaient pas aussi violents et qu’ils n’étaient pas publiés dans un journal comme La Presse, on pourrait en rire et s’épivarder longtemps sur son possible delirium. Le problème est que ses propos raisonnent chez une certaine partie de la population et que visiblement, le comité éditorial de La Presse est en mission pour les répandre.
Arrêtons-nous plus sérieusement à la teneur des propos de Patrick.
Tout d’abord, l’exergue de l’article réfère à un passage où Patrick disserte sur le refus de François Legault de serrer la vis aux « négationnistes ». Alors que la confrérie journalistique québécoise dénonçait le recours au symbole de l’étoile de David par les manifestants anti-mesures sanitaires, aucun ne s’offensera de l’utilisation indigne du mot « négationniste », référence directe aux théories antisémites niant l’existence des chambres à gaz. Patrick dénonce la radicalisation de ceux qui ne pensent pas comme lui, mais il se permet toute sorte d’hyperboles et de rhétoriques fallacieuses afin de faire passer ses opposants politiques pour de dangereux extrémistes.
S’ensuit un appel clair à la ségrégation où Patrick invite les autorités à refuser à ces dangereux individus l’accès à l’espace public. Il faudrait les isoler, nous dit Patrick, de SA gang de Québécois de bonne foi. Patrick tient ici un discours empreint de hauteur morale et de pensée sectaire où il clive la société québécoise en deux entre les purs et les impurs. Lui qui semble adorer les références historiques à l’antisémitisme, ce cher Patrick devrait savoir que c’est ce genre de rhétorique qui a mené l’idéologie antisémite aux exactions que l’on connait.
La suite est très intéressante. Selon Patrick, « ces gens-là », ces Autres maculés d’impuretés, constitueraient 50 % des hospitalisations alors qu’ils ne sont que 10 % de la population. Non seulement il coupe malhonnêtement les coins ronds sur le plan des chiffres, il occulte le fait que le terme « hospitalisations » en ces temps de propagande est tellement fourre-tout qu’il est impossible d’en dégager un portrait précis. La hausse des hospitalisations liées à la COVID-19 qui inquiète tant Patrick et SA gang est due à quoi? Au fort degré de contagion du variant Omicron? À une transmission nosocomiale ou à une infection secondaire à la COVID-19? À une décision bureaucratique d’hospitaliser à titre préventif des ainés résidant en RPA et en CHSLD et ayant testé positif à la COVID? Probablement toutes ces réponses.
En effet, Horacio Arruda relate que 30 à 40 % des cas déclarés hospitalisés pour la COVID-19 sont accessoirement infectés par le virus (30 à 50 % selon un article du Devoir et encore plus dans certains hôpitaux). Autrement dit, plusieurs personnes comptabilisées comme des hospitalisations COVID-19 sont en fait hospitalisées pour un autre problème de santé. Patrick peut-il atteindre un degré de perversion plus élevé en n’informant pas au plus vite et le plus clairement possible les Québécois de cette réalité au lieu de leur faire peur à tout vent et d’accuser les non-vaccinés de mettre à bout de souffle les équipes soignantes?
Pour ce qui est des hospitalisations préventives susmentionnées, cette situation a été reconnue par la Santé publique du Québec à l’automne 2020. Je ne critique pas la décision en elle-même qui servait à freiner les foyers de contamination. L’idée est seulement d’illustrer qu’encore une fois, la comptabilisation des hospitalisations est faite sur la base de critères hétéroclites et peu précis, contribuant ainsi à exagérer la dangerosité de la maladie dans l’esprit des citoyens.
Patrick a cependant raison sur le fond. Au prorata de leur nombre, les non-vaccinés sont surreprésentés dans les hospitalisations reliées à la COVID-19. Est-ce que cela fait des non-vaccinés les seuls responsables de la continuation de l’épidémie? Certainement pas. La circulation du variant Omicron chez la population vaccinée démontre que l’idée reçue voulant que les non-vaccinés soient d’irresponsables transmetteurs de la COVID-19, tandis que les vaccinés seraient de pauvres victimes innocentes, est complétement farfelue et scientifiquement invalide.
Permettons-nous un parallèle cher à Patrick pour l’aider à comprendre la portée de ses propos. Au moment de la montée d’antisémitisme en Allemagne dans les années 20, alors que les Allemands souffraient de pauvreté due aux réparations de guerre et à l’hyperinflation, est-ce que la population juive était surreprésentée dans la bourgeoisie aisée et le monde des affaires en Allemagne? Certainement. Cela faisait-il des Juifs les responsables de la crise économique et de la misère allemande? Certainement pas. Les propagandistes se sont pourtant assurés qu’une bonne partie de la population allemande se visse cette idée dans la tête et épouse les idées hitlériennes, un peu comme les propagandistes du sanitarisme s’égosillent à faire passer les non-vaccinés pour des dangers publics.
Et c’est tout le problème des idéologies politiques qui s’appuient sur un petit fond de vérité, aussi mince soit-il. Elles sont simplistes, stupides et dangereuses puisqu’elles offrent des réponses toutes faites aux bigots en soif de certitude. À ce titre, le gourou Lagacé n’a aucune leçon de rigueur intellectuelle et de civisme à donner à ceux qu’il appelle « les radicalisés ».
Ensuite, que veut dire Patrick lorsqu’il affirme que François Legault est trop accommodant pour les non-vaccinés et qu’il confond « obligation de moyens et obligation de résultat » ? Veut-il dire que le gouvernement devrait prendre tous les moyens possibles pour arriver à ses fins? Mais n’est-ce pas, Patrick, ce qui différencie les démocraties des systèmes politiques autoritaires? Je croyais que le principe démocratique était justement que la fin ne justifie pas les moyens, et que tout moyen proposé pour arriver à un quelconque but social devait passer par un processus parlementaire respectueux des droits et libertés individuels? Justifier tout moyen de coercition envers des dissidents par le fait que l’autorité en place aurait un but à atteindre, n’est-ce pas le propre des dictatures? Passons! L’esprit de Patrick est trop en harmonie avec le despotisme pour réfléchir rationnellement à cette question.
Plus loin, Patrick propose d’empêcher les non-vaccinés d’aller à la SAQ et à la SQDC (le gouvernement Legault obtempérera finalement à cette demande de Monseigneur Lagacé). Il en rajoute en suggérant aussi de leur interdire l’accès aux marchés d’alimentation (pour le moment, l’Église sanitariste n’a pas réussi à influencer le pouvoir exécutif là-dessus). Et le comble, il souhaiterait ne pas leur permettre de renouveler leur permis de conduire et voudrait imposer des contrôles vaccinaux pour les automobilistes qui se font interceptés par la police lors d’une infraction au Code de la sécurité routière.
Patrick nous partage ainsi son espoir de voir le Québec sombrer dans une société de contrôle des plus discriminatoires qui trie les bons des mauvais citoyens sur la base de l’adéquation d’un statut vaccinal qui varie en fonction de standards aléatoires (en route vers la 3e ou la 4e dose pour bénéficier du code QR). Répétons encore que les non-vaccinés ne sont pas plus contagieux et plus transmetteurs que les vaccinés et que ces mesures épouvantablement excessives n’ont aucune validité scientifique et sont profondément immorales. Une chance que dans le monde de Patrick, les vaccinés ont toujours le droit de prendre leur voiture pour aller porter des pots Mason à ces raclures de non-vaccinés et prendre des petites marches santé avec eux. On verra jusqu’à quand cette hérésie sera acceptée.
Finalement, Patrick le dit de manière à peine voilée. Il veut voir les non-vaccinés isolés du reste de la société. Il veut les voir enfermés chez eux, emprisonnés à l’intérieur de leurs quatre murs. Les camps de quarantaine, un jour, peut-être, seront leurs quatre murs. Et pourquoi pas? Selon plusieurs propagandistes québécois, les « antivax » sont des personnes indignes de partager l’espace social. Ce sont des mécréants et des déserteurs refusant de faire leur effort de guerre. Ce sont des radicaux menaçant la santé et la sécurité publique! Puisque Patrick portera son casque de fer cet hiver à cause des non-vaccinés irresponsables, leur souhaiterait-il à eux de troquer le casque pour le masque de fer? Certains en seraient assurément ravis. Si on se fie aux récentes paroles d’Emmanuel Macron reprises au Québec par Josée Boileau, « emmerder » les non-vaccinés semble devenir le péché mignon de la bien-pensance. Dieu seul sait où leurs fantasmes sadiques de petits-bourgeois névrosés pourraient les mener.
Les propos de Patrick et ses comparses sont d’une brutalité tellement choquante qu’ils font passer le gouvernement Legault, pourtant à mon sens le gouvernement le plus abusif de l’histoire du Québec, pour une administration publique pleine de candeur et de bonhommie. Saint Patrick a beau essayer d’édulcorer son discours à saveur fasciste en citant les « jolis mots » d’Anaïs Barbeau-Lavalette et en terminant son imbuvable verbiage par un appel schizophrénique à se serrer les coudes à grandes batchs de minestrone, nous savons bien ici que les non-vaccinés, ces êtres que Patrick tente de déshumaniser aux yeux de ses lecteurs depuis des mois, sont exclus de son humanisme missionnaire et ne feront de facto pas partie du cercle des fermières.
Tout comme les hommes prétentieux et autoritaires qui l’ont précédé et à qui on donne de l’attention, Patrick croit profondément à la nécessité de son projet politique et il semble se targuer de la mission de le mettre à terme. Par ses propos, il légitime les agressions du gouvernement Legault envers sa population et cela en fait un homme très dangereux. C’est pourquoi, en tant que citoyen lambda, je me sens de nouveau dans l’obligation de le dénoncer.
Toutefois, ceux et celles qui croient que Patrick cessera de tenir ce genre de discours en le poursuivant en justice, en l’intimidant ou en le harcelant se trompent selon moi. Il est un propagandiste de haute voltige (il n’est pas le seul d’ailleurs) et le système politico-médiatique le protégera jusqu’au bout. C’est son travail de cautionner les actions du pouvoir en place en se faisant passer pour le porte-parole d’une majorité silencieuse menacée par de méchants citoyens égoïstes.
C’est à titre d’intellectuel que je m’exprime et je suis conscient que les mots ont aussi leur limite. Comme le disait Edmund Burke, c’est l’inaction des gens de bien qui fait le plus mal, et il est vrai que le silence et l’immobilisme de plusieurs commencent non seulement à être inquiétants, mais à contribuer grandement aux problèmes politiques qui nous accablent. Alors loin de moi l’idée de décourager qui que ce soit de combattre la propagande sanitaire à sa façon. Mais le principal travail qu’il y a à faire, à mon avis, est sur le plan des idées politiques. Il consiste surtout à décrédibiliser les hommes et les femmes comme Patrick en exposant leur malhonnêteté intellectuelle et leur mesquinerie. Espérons que de plus en plus de Québécois en constatent l’ampleur.
Je ne souhaite évidemment pas qu’on s’y rende, mais si le monde de Patrick advenait, j’espère ardemment qu’il reste assez de Québécois vaccinés n’ayant pas atteints son degré de décadence morale. J’espère qu’ils iront, sourire aux lèvres, porter l’épicerie au pas de la porte des non-vaccinés, et pourquoi pas, les amener faire un petit tour de char sur le siège passager. Pour ce qui est de Patrick, puisque c’est la mode de protéger les gens contre eux-mêmes, je lui souhaite tout bonnement d’attacher son casque de fer bien serré et de prendre une année sabbatique pour prendre soin de lui. En homme généreux qu’il est, son absence prolongée de la sphère publique québécoise prendrait d’autant plus soin des autres.
Vincent Mathieu, Ph.D.
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