Le 4 janvier Michel-Edouard Leclerc s’exprimait sur le Passe Vaccinale sur CNews :
Cette déclaration soulevait un Tollé général dans la clientèle des centre commerciaux à l’enseigne “Leclerc”…
Alors tel père tel fils ?
C’est pourquoi un article de l’Expresse en date en date du 20 avril 2010 et mis à jour le 8 aout 2012 ressort sur la Toile :
Le passé trouble d’Edouard Leclerc pendant l’Occupation
Soupçonné d’avoir dénoncé des résistants en 1944, en Bretagne, le fondateur du groupe de grande distribution fut emprisonné pendant six mois après la Libération. L’Express dévoile des documents montrant sa proximité avec une unité allemande de sinistre mémoire. Révélations.
Une belle cérémonie, en présence de responsables politiques et de personnalités du monde économique. Le 14 décembre dernier, à l’Elysée, Nicolas Sarkozy remettait les insignes de chevalier de la Légion d’honneur à Edouard Leclerc, le fondateur du groupe de grande distribution, ainsi qu’à son épouse, Hélène. Cette décoration intervenait à l’occasion du soixantième anniversaire de l’ouverture de la première boutique de “l’épicier de Landerneau”, devenue entre-temps la première enseigne de France, avec un chiffre d’affaires de 29,4 milliards d’euros en 2009.
Aujourd’hui, la remise de la rosette à cet homme de 83 ans suscite des interrogations. Et une indignation sourde parmi les associations d’anciens combattants et les connaisseurs de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale dans le Finistère. Car, depuis soixante-six ans, un bruit – un chuchotement, plutôt – hante les rues de Landerneau (14 900 habitants) : “Edouard a collaboré”, “Leclerc aurait donné des gens”…
Le 5 mars, la famille de François Pengam – un résistant de 19 ans dénoncé, arrêté, torturé puis fusillé par les Allemands le 27 mai 1944 – a adressé un courrier à la chancellerie de la Légion d’honneur pour exprimer “son profond désarroi” à la suite de la cérémonie de l’Elysée. Dans cette lettre, elle rappelle deux points importants.
“Examiné au point de vue mental”, il bénéficie d’un non-lieu
D’abord, le fait qu’Edouard Leclerc “fut incarcéré plusieurs mois [après la Libération] pour atteinte à la sécurité extérieure de l’Etat”. Ensuite, le fait que “le père de François Pengam, voulant connaître l’issue de la procédure engagée contre Edouard Leclerc”, fut informé par le procureur de la République, dans une lettre du 19 février 1945, que le suspect avait bénéficié d’un non-lieu. Avec l’explication suivante : “Examiné au point de vue mental, il a été reconnu irresponsable de ses actes.” Sans porter d’accusations contre l’inventeur de la grande distribution, la famille Pengam se demande si “la justice a véritablement fait la lumière sur ses agissements pendant la guerre”. Déclaré “irresponsable” en février 1945
Dans Ma vie pour un combat. Stop à l’inflation, son livre autobiographique paru en 1974, Edouard Leclerc expliquait avoir été lavé des accusations de délation qui l’avaient visé à la Libération. “Grâce à un travail d’archives, on s’est aperçu que je n’en étais pas l’auteur”, écrivait-il. En réalité, Edouard Leclerc a été relâché sans être jugé. En février 1945, il a bénéficié d’un non-lieu, après avoir été “examiné au point de vue mental” et déclaré “irresponsable de ses actes”. Il a en fait obtenu un certificat médical de complaisance, grâce à un ami de son propre père. Cet homme, qui organisait l’aide alimentaire à la population de Brest, a fait jouer ses relations auprès du comité départemental de libération du Finistère, afin de soustraire Edouard Leclerc à un procès.
Exhumé par un journaliste rennais, Bertrand Gobin, le document évoquant l’”irresponsabilité” d’Edouard Leclerc a ravivé le doute. Mais d’autres archives, révélées ici par L’Express, apportent des précisions inédites sur son attitude pendant l’Occupation. Et éclairent la manière dont il a parfois récrit sa propre histoire au fil des décennies…
Pour bien mesurer le poids de ce passé à Landerneau, il faut d’abord revenir aux années 1970. A l’époque, le Cidunati, un syndicat de petits commerçants, diffuse des tracts accusant Leclerc, la célébrité locale, d’avoir “vendu des patriotes” en 1944. L’intéressé engage des poursuites en diffamation et obtient la condamnation de ses détracteurs. Il profite aussi de son autobiographie, Ma vie pour un combat. Stop à l’inflation (Belfond, 1974), pour relater, à sa façon, les faits reprochés.
Dans cet ouvrage où il minore son âge – il avait 17 ans et demi en avril 1944, et non 16 ans, comme il l’écrit – l’entrepreneur reconnaît ainsi avoir été arrêté après la Libération, puis “incarcéré pendant six mois”. Il évoque même le motif de cette arrestation : ses relations avec un sous-officier allemand, Herbert Schaad. Leclerc précise qu’il se rendait “assez fréquemment” à la Kommandantur de Landerneau pour “porter des colis” à deux de ses frères, franciscains, “déportés à Dachau et à Buchenwald”. C’est ainsi qu’il aurait fait la connaissance de Schaad, avec lequel, assure-t-il, ses conversations ne “quittèrent jamais le terrain de la banalité”.
Dans ce livre, il écrit également à propos de ce même Schaad: “Je n’ai su que par la suite [après la guerre] qu’il avait commis des actes de répression contre des groupes de résistants ou de maquisards.” C’est pourtant la fréquentation de cet Allemand qui lui a valu d’être soupçonné d’avoir dénoncé un ou plusieurs résistants.
Le Kommando de Landernau traque les résistants
Qui était donc ce sous-officier dont il assure aujourd’hui encore “ne pas connaître la carrière” ? D’abord interprète à la Kommandantur, Herbert Schaad devient le responsable des opérations du sinistre Kommando IC 343 de Landerneau, créé en avril 1944 et dirigé par le lieutenant Krüger. Cette unité d’une vingtaine d’hommes n’appartient pas à la Gestapo, mais ses méthodes n’ont rien à lui envier. “Sa mission spécifique était de traquer les résistants et de les éliminer, éventuellement de les arrêter pour les faire parler”, confirme un historien spécialiste de la collaboration en Bretagne.
Schaad, qui parle parfaitement le français, s’appuie sur une douzaine de collaborateurs, dont certains seront condamnés à mort après la guerre, et des indicateurs locaux. Entre avril et août 1944, les hommes de son groupe sèment la terreur dans les maquis bretons, tuant, torturant ou livrant au peloton d’exécution plusieurs dizaines de personnes. Les résistants sont “cuisinés” au siège du Kommando, le manoir de Colleville, une maison de deux étages construite au XVIIIe siècle, en plein centre de Landerneau. “Aucun habitant ne pouvait ignorer ce qui s’y passait”, estime le même historien.
Le 21 mai 1944, dans la nuit, le Kommando arrête six jeunes, membres du patronage catholique des Gars d’Arvor. Parmi eux, François Pengam, qui appartient aussi à un groupe de Francs-tireurs et partisans (FTP). Quelques heures plus tôt, cette nuit de printemps, son père, qui travaille à l’Office central (une coopérative) et porte le même prénom, a également été arrêté – peut-être du fait de cette homonymie – et libéré peu après. Tous les jeunes du patronage seront relâchés. A une exception : le fils Pengam, fusillé six jours plus tard.
Quel rôle a pu jouer Edouard Leclerc à Landerneau durant cette période terrible ? Etait-il trop bavard, ou trop naïf pour ne pas comprendre ce que faisaient Schaad et ses sbires ? A-t-il, par ses fréquentations, mis le doigt dans un engrenage dont il ne pouvait plus s’extirper ? L’essentiel de la réponse se trouve dans des documents inédits, dont L’Express publie des extraits.
En septembre 1944, Edouard Leclerc est arrêté
Le plus important d’entre eux est un procès-verbal d’audition d’Edouard Leclerc par un responsable de la Résistance, à Landerneau. Après la Libération, le jeune Edouard est en effet arrêté le 3 septembre 1944, par Jean Sizorn, chef du groupe FTP auquel appartenait le fils Pengam. A plusieurs reprises, le “suspect” est interrogé par les services de renseignement de la Résistance. Dans le PV de sa première audition, le 4 septembre, il indique que ses “relations avec Schaad […] remontent à cinq mois environ”, ce qui correspond à la date de création du Kommando. Tout en minimisant les faits, il admet, noir sur blanc, avoir “donné” plusieurs noms d’habitants de Landerneau. “J’ai été questionné par Schaad […], précise-t-il, je lui ai donné la liste des chefs directeurs de l’Office central, parmi lesquels se trouvaient Messieurs H…, B…, Pengam, L…”.
Dans la suite de sa déposition, il avoue également : “Par mes paroles imprudentes, je reconnais que Le L… du patronage a été arrêté sur mes informations à Schaad. Il fut relâché un jour après.” Leclerc confesse encore, entre autres choses, avoir “signalé un Espagnol […] qui était supposé communiste. Cet individu ne fut pas relâché mais il devait rester persona grata (sic) à la Gestapo”. Pour sa défense, Edouard Leclerc affirme avoir fait libérer plusieurs personnes arrêtées par les Allemands ; ce qui dénoterait, pour un mineur, une étonnante influence auprès de l’occupant.
Un dossier classé sans suite
En conclusion, il résume ainsi ses actes: “J’ai, pendant cinq mois, louvoyé avec Schaad, dont je ne pouvais me débarrasser.” Aucun doute: la déposition est signée E. Leclerc. Et l’on est bien loin de son récit autobiographique… Lui aurait-on extorqué ces aveux par la violence? En 1974, dans l’ouvrage précité, Edouard Leclerc écrivait : “Mes gardiens ont été extrêmement gentils avec moi […] C’était vraiment folklorique.”
Un autre document, daté cette fois de la fin d’octobre 1944, montre qu’il est détenu à Landerneau, en compagnie de plusieurs membres du Kommando, dont Herbert Schaad en personne. Accusé “d’atteinte à la sécurité extérieure de l’Etat”, le jeune Breton est ensuite transféré, toujours avec eux, à Quimper, afin d’être jugé, comme le relate le journal Le Télégramme de Brest et de l’Ouest, dans son édition du 28 novembre 1944. Il a encore été détenu près de quatre mois aux côtés de Herbert Schaad, avec qui “il a beaucoup discuté”, comme il l’a d’ailleurs précisé, plus tard, dans son livre. Et cela, jusqu’au classement sans suite du dossier, en février 1945.
Sollicité sur toute cette affaire, Edouard Leclerc n’a pas souhaité recevoir L’Express, mais il a accepté de s’expliquer au téléphone. “Ces choses sont tellement lointaines. A l’époque, on a accusé faussement, on a confondu les gens, répète-t-il. Tout ceci a été classé, parce qu’il n’y avait rien dans le dossier.” Aujourd’hui, il est la seule personne habilitée à demander l’ouverture de son dossier datant des années 1944 et 1945.
Source : L’Express
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