En novembre dernier, le Sénat français a créé une commission d’enquête afin de mettre en lumière les processus ayant permis ou pouvant aboutir à une concentration dans les médias en France, et d’évaluer l’impact de cette concentration sur la démocratie.
Le constat que la presse d’information politique et générale se trouve désormais regroupée dans les mains d’un petit nombre d’hommes et de sociétés dont souvent l’activité principale est très éloignée du monde de l’information. La situation préoccupante de la presse, livrée à des intérêts économiques qui peuvent s’éloigner des enjeux de pluralisme et de déontologie des médias. L’accélération de l’ensemble des regroupements opérés depuis deux décennies mérite d’être éclaircie quant aux conditions qui ont permis d’y procéder et de leurs effets sur le territoire français.
De nombreuses prises de contrôle directes ou non de médias audiovisuels et titres de presse, par le groupe Bolloré, interrogent sur les méthodes mêmes d’acquisition, de gestion des personnels et de liberté de pensée des journalistes, tout comme d’indépendance des rédactions.
Le cas du groupe Bolloré mérite une présentation
Vincent Bolloré est un industriel qui a commencé dans les années 1980 par reprendre l’usine de papier de sa famille. Comme beaucoup de milliardaires, il a hérité. Mais ce qui a vraiment fait décoller la fortune de Vincent Bolloré, c’est le transport et la logistique en Afrique où il contrôle de nombreux ports et des lignes de chemin de fer. Profitant à plein des réseaux de la France en Afrique, il a obtenu le soutien direct de François Hollande, qui l’aurait aidé directement à obtenir un juteux contrat au Cameroun.
C’est au milieu des années 2000 que Bolloré se lance à la conquête de la communication et de la publicité. En 2005, il prend le contrôle de l’agence Havas, puis en 2006, il se saisit de l’Institut de sondage CSA. C’est le début d’une stratégie d’influence au service de son entreprise. Il s’est lancé dans le monde des médias avec les journaux gratuits Direct soir et Direct Matin, dans lesquels il faisait des articles de complaisance sur ses amis dirigeants africains. À la même époque, Bolloré a aussi lancé la chaîne télé Direct 8.
Le groupe Bolloré s’est construit, en quelques années, un empire médiatique et culturel qui lui donne un pouvoir d’influence colossal sur l’information. Il possède, sous le chapeau de Canal+, trois chaînes télé en C8, CStar et CNews. De plus, il est propriétaire de deux chaînes radio, Virgin Radio et Europe 1; ainsi que deux hebdomadaires, soit Le Journal du dimanche et Paris Match. Avec sa bannière Vivendi, le groupe Bolloré a sous sa coupe un nombre impressionnant de magazines (Voici, Géo, National Géographic, etc). Bolloré est devenu également un poids lourd dans le domaine de l’édition. Il détient de grandes maisons d’édition comme Le livre de poche, Grasset, Robert Laffont, etc. Bolloré est également présent dans d’autres sphères du divertissement, telles que le cinéma avec Studio Canal, les jeux vidéo avec Gameloft, sur Internet avec Dailymotion, ainsi qu’une des plus grandes maisons de disques du monde, Universal Music. Vincent Bolloré est vraiment partout dans les médias et la culture.
Avec son influence médiatique, Vincent Bolloré ne se contente plus seulement de défendre ses intérêts industriels à travers ses médias. Il veut diffuser son idéologie politique de créer un pont entre la droite et l’extrême-droite. Comme de nombreux hommes d’affaires, Bolloré poursuit des ambitions politiques. Contrairement à Sylvio Berlusconi, il ne se présente pas en tant que politicien. Il préfère pousser son poulain, ex-vedette de CNews, Éric Zemmour. Son projet politique est diffusé quotidiennement dans tous ses médias, ce qui donne une excellente visibilité à son candidat pour mousser son élection à la présidence.
Selon le journal Libération du 14 juin 2021, les statistiques sur la répartition des invités dans les émissions politiques en fonction de leur tendance politique donnent, à CNews, 36% des cas à l’extrême-droite. Cette statistique représente uniquement les invités qui représentent un parti politique, sans inclure ceux qui ne sont pas membres, mais qui sont de la même idéologie que celle d’animateurs comme Zemmour avant d’être candidat. Si on ajoute les invités de la droite classique, c’est 65% des invités politiques de CNews.
Vincent Bolloré et son entreprise force ainsi le Sénat a se questionner sur la concentration des médias et son influence dans les mains des milliardaires. Cette situation est un danger pour la démocratie française et devra se traduire par une nouvelle loi sur la concentration des médias à l’heure d’Internet. Il ne faut pas oublier que le meilleur rempart, contre la concentration des médias et leur influence néfaste, est de soutenir les médias alternatifs et indépendants.
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