Astroturf : terme américain. C’est une technique consistant en la simulation d’un mouvement spontané ou populaire pour manipuler l’opinion publique. Elle consiste à donner l’impression d’un sentiment majoritaire pour justifier une prise de position.
Par Kit Klarenberg et Max Blumenthal – Le 24 décembre 2021 – Source The Grayzone
En recrutant secrètement la populaire influenceuse de YouTube, Abigail Thorn, pour contrer l’opposition croissante aux restrictions Covid du gouvernement britannique, les pros des opérations psychologiques appliquent domestiquement les tactiques qu’ils ont perfectionnées pendant la sale guerre syrienne.
Des documents ayant fait l’objet d’une fuite ont révélé une opération d’influence parrainée par l’État visant à saper les critiques des politiques du gouvernement britannique dans sa lutte contre le coronavirus, en faisant appel à un éminent fondateur de BreadTube, une chaine d’influenceurs « antifascistes » sur YouTube.
Le projet vise à établir le profil psychologique des citoyens britanniques qui s’opposent aux politiques telles que la vaccination obligatoire et les mesures de confinement, puis à exploiter les données pour créer une chaîne YouTube qui présente ces détracteurs comme de dangereux « super diffuseurs » de « désinformation ».
Conçue « pour réduire l’influence des documents pseudo-scientifiques en ligne, en mettant l’accent sur les sentiments « anti-vaxx » liés au coronavirus », l’opération est gérée par la Royal Institution britannique et baptisée « Challenging Pseudoscience ».
Son principal mécène est Charles, le prince de Galles, l’héritier du trône britannique, qui s’est récemment insurgé contre les prétendues « théories du complot » entourant les vaccins COVID-19. L’organisation a reçu en 2020 une importante injection de fonds du Fonds de relance de la culture du gouvernement britannique, destinée à la production de vidéos.
Des fichiers divulgués obtenus par The Grayzone indiquent que la Royal Institution a fait appel aux services de Valent Projects, une société de communication pour le « changement social » fondée par un agent de relations publiques précédemment impliqué dans la campagne du ministère britannique des Affaires étrangères pour un changement de régime violent en Syrie. Valent a également été sponsorisée par l’Agence américaine pour le développement international (USAID), une émanation des services de renseignement américains, pour un projet visant à « enquêter sur la désinformation ».
Le rôle central de Valent dans l’opération met en évidence la tendance des spécialistes de la guerre de l’information à ramener en Occident les techniques qu’ils ont perfectionnées contre des cibles comme le gouvernement syrien, car des gouvernements de plus en plus impopulaires sont confrontés à des masses de citoyens toujours prêts à remettre en question les restrictions dues au coronavirus.
Comme en Syrie, où des entreprises de communication comme Valent ont créé, formé et instrumentalisé des organisations médiatiques pour favoriser les objectifs de changement de régime, elles ont secrètement recruté une célèbre influenceuse britannique sur YouTube pour donner à leur campagne de communication soigneusement calculée une saveur authentique.
Selon des documents internes, Valent a l’intention de concevoir une « campagne de médias sociaux de grande envergure, menée par Abigail Thorn, figure de proue des médias sociaux », la fondatrice de Philosophy Tube. Les recherches de Valent sur les citoyens britanniques qui rejettent la politique officielle sur COVID-19 « seront utilisées pour concevoir une campagne qui utilise la plateforme existante de la YouTubeuse Abigail Thorn pour obtenir un changement cognitif mesurable dans le public cible », indiquent les dossiers.
Avec plus d’un million d’abonnés à sa chaîne YouTube et plus de 7 000 contributeurs sur Patreon, Thorn est devenue un véhicule puissant pour toute campagne de communication. Elle est également l’un des principaux membres de BreadTube, un ensemble d’influenceurs de gauche qui a suscité un vif intérêt de la part de l’establishment en raison de sa capacité supposée à « faire éclater les bulles politiques de YouTube pour créer un espace de déradicalisation ».
Si les meilleurs BreadTubers sont surtout connus pour leur utilisation de mèmes et de stratagèmes théâtraux pour contrer les récits de droite, ils consacrent également une énergie intense à attaquer la gauche anti-impérialiste en les traitants de « tankistes » [terme britannique péjoratif pour désigner un communiste pro Staline, NdT] engagés dans une « alliance rouge-brun » secrète avec les extrémistes de droite.
Dans son livre intitulé « BreadTube sert l’impérialisme : examen de la nouvelle marque pseudo-socialiste sur internet », le commentateur socialiste Caleb Maupin compare BreadTube aux « contre-guerilleros » déployés par les services secrets britanniques et américains pour infiltrer et démanteler les forces insurgées, du Kenya à l’Asie du Sud-Est.
BreadTube « parle au nom d’idéaux à consonance de gauche. En réalité, ils sont probablement au service d’une partie de l’élite dirigeante américaine et des agences de renseignement », écrit Maupin.
La relation secrète entre Abigail Thorn de BreadTube, Valent Projects et l’Institut Royal semble valider la thèse de Maupin.
« Je ne suis pas du tout surpris de découvrir qu’il existe des preuves documentées que la famille royale britannique et un entrepreneur du renseignement financent le travail d’Abigail Thorn », a déclaré Maupin à The Grayzone. « Cela correspond à tout ce que j’ai observé sur elle et sur la tendance BreadTube en général. »
Maupin poursuit : « Le ‘socialisme’ de BreadTube n’est pas vraiment du socialisme, il mobilise de jeunes libéraux pour maintenir les éléments dissidents dans le rang. Il s’agit d’assurer la domination des entreprises britanniques et américaines sur la planète en essayant de faire taire ceux qui se mettent en travers de son chemin. »
Depuis son lancement en 2013, Philosophy Tube, la chaîne YouTube d’Abigail Thorn, compte plus de 7000 fans Patreon payants et bien plus d’un million d’abonnés YouTube. En approfondissant des questions philosophiques et politiques complexes d’une manière très accessible et engageante et en déployant des effets audio et visuels élaborés et artisanaux, elle est devenue une célébrité des médias sociaux. Une longue vidéo produite par la BBC la présente comme « l’une des personnalités transgenres les plus en vue au Royaume-Uni ».
Thorn est l’une des personnalités les plus en vue du collectif d’influenceurs YouTube connu sous le nom de BreadTube. Inspiré par le titre du traité de l’anarchiste Pierre Kropotkine, « La conquête du Pain / Bread », BreadTube propose une interprétation hyper-identitaire et favorable à l’impérialisme du socialisme qui a valu à ses créateurs une promotion enthousiaste de la part de l’establishment.
Le New York Times, par exemple, a publié en 2019 un long portrait d’un jeune homme du nom de Caleb Cain qui serait « tombé dans la propagande de l’extrême droite » sur YouTube. Cain a affirmé avoir été déradicalisé par l’exposition à des vidéos de Thorn et d’autres BreadTubers populaires comme Natalie Wynn de Contrapoints. Pendant l’ère Trump, alors que YouTube, propriété de Google, mettait en place une série de codes d’expression stricts, il a commencé à amplifier les influenceurs de BreadTube grâce à son algorithme.
Parmi les autres figures populaires de BreadTube, citons Vaush, un joueur de jeux vidéo de Beverly Hills, en Californie, nommé Ian Koshinski. Connu pour sa compréhension superficielle du marxisme, ses invectives grossières à l’encontre des partisans de Trump (« soit ils disparaissent soit nous disparaissons tous »), d’athlètes féminines de lycée (« désolée, tu crains, stupide salope ») et du journaliste emprisonné Julian Assange (« je veux qu’Assange meure dans un site noir de la CIA, juste pour provoquer les pires personnes sur Twitter »), celui qui se décrit comme un « socialiste libertaire » a gagné le surnom de « Vaush Limbaugh » auprès de ses détracteurs.
Il y a ensuite Shaun, un BreadTuber britannique dont la récente attaque contre les critiques de l’humoriste politique de gauche, Jimmy Dore, concernant les restrictions gouvernementales dues au Covid fait écho au projet « Challenging Pseudoscience » préparé pour Thorn par des organismes liés au renseignement. Les arguments de Shaun s’appuyaient largement sur les déclarations d’experts officiels et d’organismes gouvernementaux américains comme la FDA et le CDC. Alors que Dore a été limité par les algorithmes de YouTube, la vidéo virale de Shaun semble par contre avoir bénéficié d’un coup de pouce.
« Tous les signes clés de l’infiltration sont là », déclare Caleb Maupin à propos de BreadTube. « Depuis quand les grands médias américains mettent-ils en avant le travail de révolutionnaires marxistes ? Pourquoi des personnes qui semblent si peu familières avec les éléments de base de l’idéologie socialiste sont-elles soudainement élevées au rang d’experts respectés par les algorithmes ? Pourquoi leurs opinions en matière de politique étrangère semblent-elles si proches de celles du Département d’État américain ? Je n’ai eu aucun doute sur le fait qu’ils étaient secrètement soutenus par des entités puissantes ayant des objectifs autres que le renversement du capitalisme. »
Contrairement à certains autres BreadTubers, Thorn apparaît comme aimable et digne de confiance, entretenant un lien personnel avec ses téléspectateurs et publiant régulièrement des notes de remerciement à ses mécènes, en les citant tous par leur nom. Ces qualités ont permis à Philosophy Tube d’obtenir le soutien de bailleurs de fonds publics et privés.
L’attaque par Thorn, en avril 2021, contre le guerrier culturel d’extrême droite Jordan Peterson a été visionné près de deux millions de fois et a été sponsorisé par Curiosity Stream, un service américain de diffusion de médias en continu. La vidéo s’ouvre sur un écran noir révélant le soutien apporté par l’entreprise et affirmant que Thorn fera don de ses honoraires au groupe de campagne féministe Sisters Uncut. La vidéo porte également le logo « promotion payante » de YouTube.
Pourtant, on ne trouve aucun avertissement de ce type, faisant référence au soutien de l’institution royale, sur aucune autre de ses mises en ligne. Et c’est peut-être parce que la campagne Covid est destinée à être secrète.
L’opération « Challenging Pseudoscience » conçue pour Thorn a été lancée en février 2021 par la journaliste scientifique libérale Angela Saini. Auteur de plusieurs titres de vulgarisation et d’un livre à paraître sur « les origines du patriarcat », elle fait également partie du groupe de travail de la commission Covid-19 de The Lancet sur la diplomatie de la santé mondiale.
Le chef de la commission, Peter Daszak, un zoologiste qui préside l’ONG américaine EcoHealth Alliance, a été contraint de démissionner en juin pour des questions de conflit d’intérêts.
Dans les années qui ont précédé l’épidémie de Covid-19, M. Daszak avait beaucoup travaillé sur les coronavirus des chauves-souris et sur la recherche sur le gain de fonction à l’Institut de virologie de Wuhan. Son organisation a reçu des dizaines de millions de dollars de financement de la part de la Defense Threat Reduction Agency du Pentagone, une division « [qui lutte] contre les armes de destruction massive et les réseaux de menaces improvisées. » En décembre 2019, Daszak avertissait que les coronavirus peuvent « entrer dans les cellules humaines », qu’on peut « les manipuler en laboratoire assez facilement » et qu’« on ne peut pas se vacciner contre eux. »
L’hôte du projet de Saini, le Royal Institute, a été fondé en 1799 par des scientifiques britanniques de l’époque « dans le but d’introduire de nouvelles technologies et d’enseigner la science au grand public ». La noblesse terrienne et la royauté ont toujours occupé les plus hautes sphères de l’institution. Le cousin de la reine Elizabeth II, le maréchal Prince Edward, duc de Kent, en est le président depuis 1976.
Les dossiers indiquent que la Royal Institution a fait appel aux services de Valent Projects, une société de communication « [travaillant] avec des clients au Royaume-Uni et dans le monde entier pour contrer la désinformation et renforcer les liens entre les gens ».
Valent a été fondée par Amil Khan, un ancien journaliste de Reuters et de la BBC qui a officiellement quitté le journalisme « pour aider les bonnes causes à naviguer dans le nouveau paysage de l’information. »
Dès février, Valent Projects proposait un projet « en deux phases » pour « développer une compréhension des moteurs psychologiques derrière l’apparition et la propagation des récits anti-vax. » Il prévoyait d’exploiter ces données « pour développer et tester des réponses de messagerie publique ».
Les conclusions de cette campagne « seront une source d’information pour d’autres programmes de Challenging Pseudoscience… ainsi que d’autres parties prenantes, notamment la communauté scientifique, les gouvernements concernés et les organismes de santé publique ».
Dans la première phase de la campagne, des entretiens en ligne approfondis devaient être menés, ainsi qu’une « recherche ethnographique » afin d’obtenir « une compréhension complète des principaux publics en ligne qui alimentent la désinformation anti-vax autour de la pandémie de coronavirus ».
Valent Projects prévoyait ensuite de « tirer des enseignements » de ces résultats, en développant des « profils d’audience complets » – y compris des « informations démographiques » – afin de concevoir une « campagne de médias sociaux de masse menée par Abigail Thorn, figure éminente des médias sociaux », qui dirige la chaîne en ligne Philosophy Tube.
Valent a indiqué son intention d’exploiter l’importante plateforme de Philosophy Tube pour « obtenir un changement cognitif mesurable [c’est nous qui soulignons] dans le public cible ».
Atteindre les spectateurs visés s’annonce toutefois comme une tâche importante en soi. Valent a noté que la plupart des téléspectateurs de Philosophy Tube sont âgés de 18 à 35 ans, mais que les « recherches existantes » suggéraient que les « consommateurs les plus prolifiques de matériel pseudo-scientifique » avaient plus de 45 ans.
L’entreprise a estimé que « le meilleur sujet pour aborder cette question est probablement le thème de ‘l’expertise’ [sic] ». Comme il se doit, en août 2020, Thorn a mis en ligne une vidéo intitulée « Qui a peur des experts ? ». Mettant en vedette l’humoriste Adam Conover de l’émission populaire « Adam Ruins Everything », cette défense de 45 minutes du consensus scientifique sur le débat sur le VIH/sida est le premier résultat de toute recherche sur le terme « vaccin » sur la chaîne Philosophy Tube.
Les documents divulgués exposent ainsi ce que les détracteurs de BreadTube soupçonnent depuis longtemps : le populaire collectif de médias sociaux a été instrumentalisé par de puissants intérêts ayant des liens avec les agences de renseignement occidentales.
Les multiples demandes de commentaires adressées par The Grayzone à l’agent d’Abigail Thorn et à Angela Saini sont restées sans réponse.
Interrogé sur Twitter au sujet des fichiers divulgués, le PDG de Valent Projects, Amil Khan, s’est mis en colère, affirmant qu’ils avaient été « obtenus par piratage et ensuite modifiés », à la manière d’une « divulgation classique », et a menacé de poursuites judiciaires le journaliste qui les avait rendus publics.
Khan a ensuite émis une série de tweets visant à limiter les dégâts de cette fuite. Dans l’un d’entre eux, il affirme à tort qu’un co-auteur de cet article publierait son reportage dans des « médias affiliés à l’État russe ».
Pourtant, lorsqu’il a été interrogé sur son accusation de falsification de documents, Khan n’a pas répondu.
Les demandes ultérieures de clarification sur les éléments des documents qui auraient été malicieusement modifiés et sur la manière dont cela a pu se produire sont également restées sans réponse. Mais les preuves de l’existence du projet secret étaient cachées au grand jour.
Par exemple, Valent Projects mentionne la Royal Institution sur son site web en tant que client. Une note d’accompagnement indique qu’elle a « développé et mis en œuvre une campagne de changement de comportement basée sur des données [c’est nous qui soulignons] visant à comprendre et à travailler sur les moteurs psychologiques animant le sentiment anti-vax au Royaume-Uni » pour l’institution.
De même, un message sur la page officielle LinkedIn de la société fait référence à « l’analyse de dizaines de milliers d’utilisateurs de médias sociaux basés au Royaume-Uni publiant/partageant du contenu anti-vax en ligne » qu’elle a menée pour Countering Pseudoscience, qui serait « utilisée pour informer la recherche ethnographique conçue pour comprendre « pourquoi » les gens ont ces opinions ». En d’autres termes, un des points spécifiques décrit dans les documents.
De plus, Abigail Thorn était l’invitée d’honneur de l’inauguration de Challenging Pseudoscience en février, « Vaccines : Warriors and Worriers », qui a donné lieu à un débat sur « la façon dont les vaccins fonctionnent, pourquoi les gens sont sceptiques malgré les preuves, et comment la désinformation sur les vaccins se propage en ligne ».
Le panel de l’événement comprenait également une immunologiste nommée Zania Stamataki et Marianna Spring, la première « journaliste spécialisée dans la désinformation » de la BBC. Elle a proféré à plusieurs reprises des choses fausses sur l’ampleur des manifestations anti-confinement en 2020 et la nature de leurs participants. Dans le cadre d’une expérience bizarre, elle a en outre personnellement créé de nombreux comptes de « faux trolls » sur diverses plateformes en ligne qui « s’engageaient » dans des contenus « misogynes », prétendument à des fins universitaires.
En mai, Thorn a publié une vidéo caractéristiquement intitulée « Ignorance & Censure » qui abordait le sujet de la « désinformation » et des vaccins. Le mois suivant, Challenging Pseudoscience organisait une table ronde du même nom, intitulée « Désinformation ou Censure ».
Ensuite, le podcast Challenging Pseudoscience, qui vient d’être lancé, a partagé deux débats antérieurs de la Royal Institution – celui mentionné plus haut, « Vaccines, Warriors and worriers » et « Désinformation. Comment la contrer », où est intervenu nul autre qu’Amil Khan. Il ne serait pas du tout surprenant que ce déluge soit le fruit d’un effort coordonné.
Une campagne de propagande de grande envergure, de longue haleine et multiplateforme impliquant de multiples acteurs nécessite des ressources substantielles. Jusqu’en 2020, cependant, la Royal Institution connaissait des difficultés financières malgré son patronage royal et ses administrateurs d’élite.
L’organisation a été contrainte de louer son grand siège du centre de Londres pour des conférences, des fêtes d’entreprise et des mariages. Pour combler un déficit budgétaire de plusieurs millions de livres fin 2015, la Royal Institution a vendu aux enchères de précieuses premières éditions d’ouvrages de Charles Darwin, Isaac Newton et d’autres éminents scientifiques. La vente aux enchères a incité la BBC à se demander si l’organisation n’était pas au bord de l’effondrement.
Mais par miracle, en octobre 2020, l’institution a reçu des centaines de milliers de livres du fonds de relance de la culture du gouvernement britannique, tirés de son budget de 1,57 milliard de livres, « pour l’aider à faire face aux défis de la pandémie de coronavirus et lui assurer un avenir durable ».
Dans un communiqué de presse accompagnant le document, la Royal Institution a indiqué qu’au cours de la pandémie, elle avait « [développé] un programme fructueux de conférences scientifiques hebdomadaires en ligne », diffusé via sa chaîne YouTube « bien établie », qui compte aujourd’hui 1,11 million d’abonnés. L’injection de fonds permettra « d’augmenter le nombre de conférences scientifiques diffusées en direct » organisées par l’organisation et l’aiderait à développer « un nouveau contenu numérique ».
Hamish Falconer, membre du personnel de Valent Projects, a révélé que la « passionnante » campagne de Challenging Pseudoscience a également reçu un « généreux soutien » de la part de l’Open Society Foundation du milliardaire George Soros, proche de la CIA.
Comme l’a rapporté David Ignatius du Washington Post en 1991, Soros est au cœur d’un réseau d’« agents publiques » aidant les services de renseignement américains à réaliser des « coups d’État sans spoliation » contre les anciens États satellites soviétiques.
En juillet 2021, Soros s’est associé à son collègue milliardaire Bill Gates pour acheter un développeur de tests Covid-19 basé au Royaume-Uni pour 41 millions de dollars.
Trois mois plus tard, comme Alex Rubinstein l’a documenté pour The Grayzone, Soros s’est associé à l’oligarque de la technologie Reid Hoffmann pour fonder Good Information Inc, une opération de censure des médias sociaux commercialisée sous l’égide de la « lutte contre la désinformation ».
Hamish est le fils de Charlie Falconer, un vieil ami et ancien colocataire de l’ancien Premier ministre britannique Tony Blair. Après la victoire électorale de Blair en mai 1997, Falconer senior a été élevé à la Chambre des Lords et a occupé une série de postes gouvernementaux de haut niveau tout au long du mandat de son ami.
En cours de route, il a exercé une « pression énorme » sur le procureur général Lord Goldsmith pour qu’il modifie son point de vue selon lequel l’invasion de l’Irak serait illégale. Son intervention a peut-être joué un rôle décisif dans le déclenchement de cette guerre d’agression.
L’embauche de Hamish Falconer chez Valent Projects en mars 2021 met en évidence les liens profonds de l’entreprise avec l’appareil de renseignement britannique. À l’époque, il était ostensiblement en congé du ministère britannique des Affaires étrangères.
Khan a vanté l’embauche de Falconer sur LinkedIn, déclarant qu’« il apporte la finalité de l’action à notre travail – expérimenter et innover avec l’influence numérique pour le bien de tous ». Après s’être rencontrés au Pakistan « il y a plus de dix ans », les deux hommes « n’ont pas cessé de se parler et de comparer leurs notes depuis ».
Le curriculum vitae spartiate de M. Falconer, disponible en ligne, ne donne que peu d’informations sur son parcours professionnel. Il ne mentionne qu’un passage au ministère britannique du développement international, suivi d’une interruption de sept mois, avant de rejoindre le ministère des affaires étrangères en tant que « diplomate » jusqu’en août 2020.
Aucun détail n’est donné sur les postes occupés par M. Falconer, ni sur les fonctions qu’il a exercées à un moment donné. Il est diplômé du Maurice R. Greenberg World Fellows Program de l’université de Yale, du nom du fondateur d’AIG qui a failli devenir directeur de la CIA. Le programme de bourses Greenberg identifie et forme les futurs influenceurs potentiels, y compris les futurs putschistes soutenus par les États-Unis. Parmi les anciens boursiers les plus célèbres du programme figure Alexey Navalny, figure de l’opposition russe, actuellement en prison.
Le profil de Falconer dans le programme Greenberg indique qu’« il a dirigé l’équipe de réponse au terrorisme du Foreign Office, les efforts britanniques pour lancer un processus de paix en Afghanistan et a servi au Pakistan et au Sud-Soudan », et a fait un passage à la National Crime Agency, l’équivalent londonien du FBI.
La lutte contre le terrorisme n’est pas du ressort du Foreign Office, mais constitue l’un des « trois principaux domaines d’intervention » du MI6, le service de renseignement extérieur britannique. Ce n’est peut-être qu’une coïncidence si les espions de cette agence se font généralement passer pour des « diplomates » à l’étranger.
En revanche, les activités de Khan entre décembre 2008, date à laquelle il a quitté son poste de « reporter en environnements hostiles » pour la BBC, et octobre 2017, date à laquelle il a rejoint le groupe de réflexion britannique sur la sécurité nationale Chatham House en tant qu’« associé » – la prochaine entrée sur son CV public – peuvent être reconstituées avec beaucoup plus de certitude, mais de manière approximative.
Un document ayant fait l’objet d’une fuite indique qu’il a croisé Falconer pour la première fois alors qu’il gérait une campagne de propagande sur la lutte contre l’extrémisme violent pour le gouvernement britannique, à Islamabad. Le dossier concerne un effort financé par le Foreign Office pour former des « entités d’opposition syriennes armées et civiles » et les promouvoir auprès de « publics syriens et internationaux » comme une alternative crédible au gouvernement de Bashar al-Assad.
Le projet a été mis en œuvre par ARK, une discrète société de renseignement fondée par Alistair Harris, probablement un agent du MI6, qui a remporté d’innombrables et lucratifs contrats en menant des opérations secrètes de guerre de l’information pour le compte du gouvernement britannique.
Khan était fortement impliqué dans les efforts d’ARK en Syrie. Un autre fichier ayant fait l’objet d’une fuite, décrivant une partie du travail de la société en Syrie, montre qu’elle a supervisé le « changement d’image » de l’Armée syrienne libre, armée par la CIA, afin de la présenter comme une force modérée et laïque, sans lien avec les factions djihadistes extrémistes qui dominaient l’opposition armée. Khan est cité comme l’un des trois agents gérant le bureau des médias du gouvernement parallèle de la Coalition nationale syrienne, contrôlé par Londres par l’intermédiaire d’agences de renseignement comme ARK.
Ce travail a permis à Khan de côtoyer de très près des membres de factions « rebelles » violentes impliquées dans d’horribles crimes contre l’humanité. Le fait qu’il « [ait] apporté un soutien politique et médiatique aux groupes politiques et militaires de l’opposition » en Syrie a été ouvertement confirmé. Un examen interne cinglant de Whitehall sur les opérations de guerre de l’information du Foreign Office dans le pays a conclu qu’elles étaient « mal planifiées, probablement illégales et ont coûté des vies ».
Ce n’était pas la première fois que Khan se trouvait en telle compagnie. À un moment donné après avoir quitté ARK en août 2014, il a rejoint InCoStrat, un autre contractant qui a mené des opérations psychologiques déstabilisantes au nom du gouvernement britannique tout au long de la crise syrienne. InCoStrat a fourni un « soutien en matière de communication stratégique » à divers groupes armés sur le terrain, notamment à la milice Jaysh al-Islam, notoirement brutale et soutenue par les Saoudiens.
Khan a également joué un rôle central dans cette initiative douteuse. Dans un document décrivant sa capacité à « [développer] des contacts dans les États arabophones touchés par des conflits », InCoStrat se vante de la façon dont, « dans sa précédente carrière de journaliste », Khan « a établi des relations avec des organisations terroristes au Royaume-Uni et au Moyen-Orient et s’y est intégré », ce qui lui a permis d’acquérir « une connaissance unique de leurs récits, méthodes de communication, processus de recrutement et gestion des réseaux ».
InCoStrat a été fondée par Emma Winberg, ancienne responsable politique du Foreign Office, et Paul Tilley, agent des services de renseignement militaire britanniques, ancien directeur des communications stratégiques du ministère de la défense britannique au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Winberg est partie rejoindre Mayday Rescue, l’organisation caritative mère du groupe humanitaire frauduleux connu sous le nom de Casques blancs. Elle a ensuite épousé son fondateur, James Le Mesurier, qui est mort dans des circonstances mystérieuses en 2019 après que des révélations accablantes de corruption financière ont été mises au jour.
Il est probable que le projet « Countering Pseudoscience » ne soit qu’une partie d’un plus vaste plan d’astroturfing en ligne visant à restaurer la chancelante confiance du public dans la politique Covid des autorités.
Valent Projects a également travaillé pour l’Institute for Strategic Dialogue, un groupe de réflexion néoconservateur, en effectuant des recherches sur « les acteurs violents utilisant le « dark web » pour mobiliser des recrues et menacer des personnalités publiques en Europe ». Cette initiative visait probablement aussi à contrer l’opposition au confinement.
En avril 2020, Khan a participé à une table ronde organisée par l’organisation, intitulée « Contrer la désinformation en période de Covid19″.
Début décembre, l’Institut a publié un bref rapport intitulé « Entre conspiration et extrémisme : une menace COVID à long terme ? », qui tentait de présenter la « radicalisation » des manifestants anti-confinement comme une menace terroriste. On ignore quelle a été la contribution de Khan à cette publication.
Valent Projects n’est qu’une des nombreuses sociétés qui ont ramené chez elles des techniques d’opérations psychologiques perfectionnées en Syrie et sur d’autres théâtres de guerre de l’information occidentaux, comme des soldats revenant des champs de bataille et commercialisant leurs compétences de tueurs auprès de sociétés privées de sécurité et de renseignement. Et Abigail Thorn n’est qu’une YouTubeuse parmi d’autres, à une époque où l’État britannique est connu pour recruter clandestinement des personnalités numériques pour servir ses intérêts dans le monde entier.
Par exemple, le contractant du Foreign Office, Zinc Network, entretient un réseau clandestin d’influenceurs russophones sur les médias sociaux de toute l’ex-Union soviétique, afin de promouvoir « l’intégrité des médias, les valeurs démocratiques [et] les questions sociales complexes », une campagne si intensive que ses relations avec ces personnes nécessitent une « gestion quotidienne ». Cet escadron de guerriers psychologiques sous couverture est soutenu par une « équipe interne de producteurs, de chercheurs et de stratèges russophones dans le domaine du numérique », équipe basée à Londres, qui les aide à créer, éditer et promouvoir leurs productions.
Par coïncidence, Zinc s’est engagé dans des efforts depuis le début de la pandémie pour concocter un lien entre les activités extrémistes et les opinions contre le confinement et l’hésitation face aux vaccins. Il a également publié des recherches sur la meilleure façon de commercialiser une application de test et de traçage auprès des citoyens britanniques, « dans le cadre d’un projet de recherche plus large sur la compréhension et le soutien du public à l’intelligence artificielle ».
Il est tout simplement incroyable que des opérations similaires n’aient pas été promulguées ailleurs dans le monde, ou que ce phénomène soit exclusif au Royaume-Uni. [Il semble bien que les mêmes initiatives soient prises en France, NdT]. De plus, il est impossible de savoir si la prochaine vidéo virale qui s’opposera à la dissidence de la base à l’égard d’un récit officiel est de la propagande d’État ou quasi-étatique, habilement conçue pour induire un « changement cognitif » chez les spectateurs, dans lequel la star du spectacle en ligne est effectivement un agent des services de renseignement qui débite un script élaboré par des espions professionnels.
Kit Klarenberg et Max Blumenthal
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone
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