Père adoptif du Christ, époux de la Vierge, charpentier infatigable, patron des travailleurs, saint Joseph est l’une des principales figures des récits entourant l’enfance du Christ. Pourtant, Joseph était peu représenté dans l’art des débuts du christianisme et du Moyen Âge. Il était presque toujours intégré à des thèmes autres, comme la Nativité, la Sainte Famille ou la fuite en Égypte. Ce n’est qu’à partir du 16e siècle, avec la Contre-Réforme, que Joseph commença à être représenté comme un personnage entièrement autonome. Nous vous proposons donc de découvrir, à l’aide de cinq œuvres, les principaux épisodes de la vie de cette figure paternelle par excellence.
Michaelina Wautier (1604-1689), Saint Joseph, 1650-1656, huile sur toile, 76 × 66 cm, Vienne, Kunsthistorisches Museum.
Dans le contexte de l’époque, il est exceptionnel, pour une femme comme Wautier, d’avoir été en mesure de produire une œuvre aussi vaste et diversifiée que la sienne. Sa production comprend à la fois des natures mortes, de scènes historiques et religieuses ainsi que de nombreux portraits.
L’artiste hollandaise nous livre ici un saint Joseph, bien que vêtu à l’antique, qui rappelle énormément les portraits bourgeois en vogue au 17e siècle. La posture et le regard portant au loin du modèle, qui est représenté de profil, dégagent à la fois hauteur et droiture. L’arrière-plan uniforme au ton de brun foncé contraste avec la lumière qui se dégage du visage du personnage. Tous ces éléments participant à la construction picturale viennent sans conteste anoblir le sujet représenté.
De plus, Joseph est figuré en concordance avec les codes iconographiques étant dévolus à sa représentation par l’Église. Le portrait nous montre un homme d’âge mûr, au front ridé et affublé d’une barbe et de cheveux grisonnants. Le personnage tient également en main un bouquet de lis blancs, l’emblème floral associé à Joseph. C’est la fusion entre cette iconographie classique représentant Joseph et les codes du portrait hollandais du 17e siècle qui rend cette œuvre particulièrement intéressante.
Daniele Crespi (1598-1630), Le songe de saint Joseph, vers 1620-1630, huile sur toile, 297 × 203 cm, Vienne, Kunsthistorisches Museum.
L’épisode du songe qui est décrit dans l’Évangile de Matthieu (1,18-25) introduit le personnage de Joseph dans l’histoire chrétienne. Ces quelques versets serviront de canevas à Daniele Crespi dans la réalisation de son tableau.
Au premier plan, nous remarquons tout d’abord un Joseph assoupi dans un lieu facilement identifiable comme son atelier de charpentier par la présence de plusieurs outils et de copeaux de bois jonchant le sol. L’ange pose une main sur l’épaule de Joseph tout en pointant avec l’autre vers l’arrière-plan de la composition, où l’on aperçoit la Vierge et l’Enfant Jésus. C’est par ce geste tout simple que le peintre lombard livre visuellement au spectateur le message envoyé par Dieu.
Par l’utilisation de la couleur et de la lumière pour structurer l’œuvre, il sépare la composition en deux temporalités. La première nous montre en avant-plan le moment présent : elle est composée de Joseph et de l’ange aux couleurs vives baignant dans la lumière. La seconde, représentée par la Vierge et l’Enfant, qui sont encore dans la pénombre et figurés dans des tons beaucoup plus ternes, indique ce qui attend Joseph dans un avenir proche.
Guido Reni (1575-1642), Saint Joseph et l’Enfant Jésus, 1640, huile sur toile, 89 × 73 cm, Houston, The Museum of Fine Arts.
Très célèbre de son vivant, grandement collectionné après sa mort, Guido Reni est une figure incontournable de l’art de la Contre-Réforme. Le style de l’artiste italien a grandement contribué à rendre accessibles les personnages de l’histoire chrétienne en les humanisant.
Le Saint Joseph et l’Enfant Jésus nous présente un père aux traits vieillissants tenant tendrement son fils. Les regards que les deux personnages portent l’un sur l’autre sont emplis d’amour et de bienveillance. Le vêtement orange de Joseph, qui entoure les deux personnages, fait en sorte qu’il se dégage une impression de protection paternelle dans la composition. Le tissu permet également de centrer le sujet en créant une coupure colorée s’opposant à un arrière-plan uni. L’auréole de Joseph est présente, mais à peine visible, ce qui vient renforcer l’humanité du personnage.
Mais plus que les personnages, c’est le fruit que tient l’enfant dans ses mains qui livre le message de l’œuvre. Ce dernier évoque le fruit défendu ayant été consommé par Adam et Ève au moment de la Chute du paradis terrestre. Il s’agit également d’un discret rappel de la miséricorde divine, la naissance du Christ apportant comme fruit la possibilité pour les hommes d’accéder à la rédemption.
Gerard van Honthorst (1592-1656), L’enfance du Christ, vers 1620, huile sur toile, 137 × 185 cm, Saint-Pétersbourg, Musée de l’Ermitage.
La manière dont Honthorst représente Joseph dans cette composition se réfère à la fois à l’Évangile de Matthieu (13,55), qui nous indique le métier du père du Christ, et aux textes apocryphes du Protévangile de Jacques et de l’Histoire de l’enfance de Jésus (ou Évangile du Pseudo-Thomas), qui racontent que la seule présence du Christ dans l’atelier de Joseph suffit à corriger toutes les erreurs dans le travail du charpentier.
L’œil avisé notera immédiatement l’influence du Caravage dans l’ouvrage du peintre hollandais. Honthorst mise, à l’instar de son confrère italien, sur un puissant contraste entre les ténèbres entourant les personnages et la lumière émanant de la chandelle tenue par l’Enfant Jésus. Il s’agit d’une allégorie se référant à l’Évangile de Jean (8,12), qui parle de Jésus comme la lumière du monde. Cette utilisation de la lumière crée une ambiance mystérieuse nous dévoilant un instant d’intimité familiale et un Christ portant un regard tendre sur son père. Les deux anges en arrière-plan nous rappellent que Dieu le Père veille à la fois sur son Fils et sur son père adoptif.
Pierre Jacques Cazes (1676-1754), La mort de saint Joseph, 1706, huile sur toile, 83 × 72 cm, Québec, Augustines de l’Hôtel-Dieu de Québec.
Membre de l’Académie royale de peinture et de sculpture dès 1703, Cazes fait carrière presque uniquement en tant que peintre de scènes mythologiques et religieuses. Plusieurs églises paroissiales importantes de Paris possèdent des tableaux de l’artiste, notamment Notre-Dame-de-Paris et Saint-Germain-des-Prés. Le petit format de La mort de saint Joseph nous donne cependant à penser que, dans son contexte d’origine, il s’agit d’un tableau de dévotion privé et non d’un tableau d’autel. Ce n’est qu’au 19e siècle que l’œuvre arrive en sol québécois en même temps que plusieurs dizaines de tableaux religieux issus de la collection des abbés Desjardins.
Le texte apocryphe de L’histoire de Joseph le charpentier fournit la façon dont l’épisode de la mort du père du Christ est ici représenté. Le personnage de Joseph, qui est figuré sous les traits d’un vieillard alité, aurait eu 111 ans au moment de son décès, selon la tradition. L’apocryphe mentionne également que Joseph serait mort avant l’entrée du Christ dans la vie publique. C’est ce qui explique la présence dans la composition d’un Christ adolescent ne portant pas la barbe. La Vierge soutenant la main de Joseph au moment du trépas, en conformité avec les récits apocryphes et les évangiles, parait beaucoup plus jeune que son époux.
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Images de couverture :
Daniele Crespi (1598-1630), Le songe de saint Joseph, vers 1620-1630, huile sur toile, 297 × 203 cm, Vienne, Kunsthistorisches Museum.
Guido Reni (1575-1642), Saint Joseph et l’Enfant Jésus, 1640, huile sur toile, 89 × 73 cm, Houston, The Museum of Fine Arts.
Michaelina Wautier (1604-1689), Saint Joseph, 1650-1656, huile sur toile, 76 × 66 cm, Vienne, Kunsthistorisches Museum.
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