Alors que les États-Unis mettaient en œuvre au Moyen-Orient élargi la « doctrine Rumsfeld/Cebrowski » de destruction des structures politiques, les Britanniques organisèrent le « Printemps arabe » de 2010-11 sur le modèle de ce qu’ils avaient fait en 1915 avec Lawrence d’Arabie. Les deux stratégies se superposent et concourent au même but : anéantir toute possibilité de résistance politique en plaçant les Frères musulmans au pouvoir dans toute la région.
par Thierry Meyssan.
L’extension de la guerre
Le Président Bush écrit à ses homologues libyen et syrien leur enjoignant « soit de détruire leurs armes de destruction massive, soit de les voir détruire par les États-Unis et tout détruire sans discussion ». Le 6 mai 2002, le directeur du Désarmement au département d’État, John Bolton, désigne la Libye, la Syrie et Cuba comme les prochaines cibles. La Libye – qui est déjà sous embargo – décide de temporiser, tandis que la Syrie refuse de se désarmer unilatéralement et se prépare à la guerre. Il ne sera plus question de Cuba par la suite.
À peine Bagdad tombé, le Congrès débat de la suite. L’ancien leader des chrétiens libanais, le général Michel Aoun vient déposer contre la Syrie devant le Congrès, accusant celle-ci de protéger de nombreuses organisations terroristes – qu’il ne nomme pas. La guerre contre Damas est votée, puis ratifiée par le Président Bush, le 12 décembre 2003. C’est le Syrian Accountability Act, rédigé sur le modèle de l’Iraq Liberation Act de 1998. Dans la foulée, Mouammar Kadhafi annonce, le 19 décembre, que son pays renonce à toutes ses armes de destruction massive et accepte le principe d’inspections internationales.
Durant l’offensive en Afghanistan, le secrétaire d’État Colin Powell avait créé l’Initiative du partenariat US-Moyen-Orient (MEPI). Ce bureau est si important qu’il est dirigé par Liz Cheney, la propre fille du Vice-président et membre du gouvernement alternatif, Dick Cheney. Ses fonctionnaires travaillent en collaboration avec ceux du département du Commerce (pour l’accès et le contrôle de l’Internet) et de la National Endowment for Democracy (NED), l’agence commune des services secrets des « Cinq yeux ». Le Président Bush confirme à l’occasion du 20e anniversaire de la NED que le Proche-Orient et l’Afrique du Nord constituent la priorité stratégique. L’objectif du MEPI est de « démocratiser » les gouvernements de certains États alliés (Arabie saoudite, Bahreïn, Égypte, Tunisie et Yémen) en parallèle de la préparation des guerres avec les États révolutionnaires (Libye, Syrie).
L’idée que l’on puisse « démocratiser » de l’extérieur, non seulement les institutions d’un État, mais la pratique politique d’un peuple, est simplement antinomique et grotesque. Pour les trotskistes qui dirigent la NED, c’est le vieux fantasme de la « révolution mondiale ». Peu importent les Peuples, leur pays et leur Histoire, la révolution est pour tous et le pouvoir est pour eux. Alors que durant la révolution bolchévique, Léon Trotski et sa secrétaire furent encouragés par les Britanniques à massacrer leurs concitoyens à grande échelle, affaiblissant ainsi la Russie, ses disciples reproduisent ses forfaits : parlant un charabia d’extrême gauche, ils organisent des crimes de masse au service de l’impérialisme.
Sur place, le programme du MEPI est exclusivement administré depuis Tunis ou Abou Dhabi. Les ambassades US en Tunisie et aux Émirats ont été construites pour l’occasion : ce sont d’immenses buildings, à l’écart des zones susceptibles d’accueillir des manifestations, hyper sécurisés et comprenant des installations souterraines bien plus importantes que celles visibles. Les autres chancelleries états-uniennes de la région sont priées d’appliquer les directives qu’elles reçoivent sans avoir connaissance de la stratégie d’ensemble. Washington a tiré les leçons de la prise de son ambassade à Téhéran par les étudiants qui suivaient l’imam Khomeiny. Ses diplomates avaient été arrêtés en flagrant délit d’espionnage – ils n’ont jamais été pris en otage quoi que prétende la propagande de Washington – et les documents saisis avaient permis à l’Iran révolutionnaire et à l’URSS de découvrir tout le dispositif US régional.
Durant quinze ans, comme dans le cauchemar de George Orwell, les États-Unis ont dépensé plus de 2 milliards de dollars annuels pour la « promotion de la démocratie » (sic), sachant que leur propre Constitution ne reconnaît pas la souveraineté populaire, condition préalable à toute démocratie – indépendamment du fait qu’ils ont suspendu la Bill of Rights depuis 2001. L’essentiel des budgets a été dépensé par l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID), puis par le Bureau pour la Démocratie, les Droits de l’Homme et le Travail au département d’État, et enfin par la CIA et son « ONG », la National Endowment for Democracy (NED). Les différents rapports d’évaluation montrent l’impossibilité de connaître l’impact de ces programmes par rapport à leur objectif officiel.
Au demeurant, la « démocratie » version US actuelle n’est pas « Le Gouvernement du Peuple, par le Peuple, pour le Peuple », selon la formule d’Abraham Lincoln. Aucun amendement n’a modifié la philosophie de la Constitution des États-Unis d’Amérique. Celle-ci refuse toujours la souveraineté à son peuple pour l’attribuer aux seuls gouverneurs des États fédérés. Dans la pratique, depuis Lincoln, le mot « démocratie » désigne dans le jargon politique US un régime qui respecte l’égalité entre ses différentes minorités, d’abord exclusivement ethniques, puis aujourd’hui aussi genrées ou d’orientation sexuelle.
Considérant qu’il dirige le monde post-soviétique, Washington présente son plan de « démocratisation » du Moyen-Orient élargi à ses partenaires du G8 (sommet de Sea Island, juin 2004). Bien qu’aucun ne soit persuadé que l’on puisse exporter la démocratie dans des pays aussi différents les uns des autres et où, souvent, la population est massivement analphabète, chacun l’accepte comme il l’avait fait treize ans plus tôt avec « Tempête du désert ». Cette fois, La Russie est partie prenante, ou semble l’être.
Dans cette période, le Premier ministre britannique Tony Blair s’aligne systématiquement sur les positions états-uniennes, de sorte qu’il est qualifié dans son propre pays de « petit chien » de Washington. Une fronde agite le Foreign Office, à propos des initiatives ahurissantes de George Bush et d’Ariel Sharon en Palestine, et du comportement stupide et brutal des forces US en Irak. Cette position avait été résumée par l’ancien ministre des Affaires étrangères, David Owen. Il m’avait expliqué que les États-Unis étaient incapables d’occuper un pays : « Nous avons tenu l’Empire des Indes avec quelques milliers d’hommes. Nos amis américains sont dépassés en Irak, malgré leurs 170 000 soldats et leurs mercenaires ! », s’exclamait-il. 52 anciens ambassadeurs de Sa Majesté saisissent le Premier ministre et lui conseillent de faire des propositions aux États-Unis plutôt que de les suivre dans leurs errements.
Sir James Craig, ancien ambassadeur en Syrie et en Arabie saoudite, est chargé d’animer au Foreign Office un programme sur l’« Engagement [du Royaume-Uni] avec le monde islamique ». Officiellement, il s’agit de subventionner des actions diverses et variées. En réalité, de mettre sur pied une vaste opération avec les Frères musulmans. Un agent du MI6, Angus McKee, est chargé de convaincre les membres du gouvernement du bien-fondé de cette politique. Un autre, Mockbul Ali, supervise les relations entre le Foreign Office et les Frères résidant au Royaume-Uni.
L’idée de Sir Craig est de rééditer la « Révolte arabe de 1915 ». A l’époque, le Foreign Office avait confié à Lawrence d’Arabie le soin d’unifier les Arabes contre l’Empire ottoman. Tous s’engagèrent dans l’aventure contre le colonisateur turc, mais en définitive aucun ne conquis la liberté qu’il espérait. L’Empire britannique remplaça le sultan. Cette fois, le « Printemps arabe » sera dirigé contre l’Iran. Comme en 1915, Londres s’appuiera sur un groupe détesté de tous, de sorte que celui-ci ait besoin de son aide et ne puisse pas le trahir. C’était les Wahhabites, ce sera les Frères musulmans.
Fin 2004, Tony Blair propose donc à George Bush Jr un plan de renversement des gouvernements laïcs arabes et de remplacement par la Confrérie des Frères musulmans. Le Premier ministre expose une partie de son projet, le 1er août 2006, au World Affairs Council de Los Angeles. Il y définit la stratégie anglo-saxonne : « Nous avons commis l’erreur de croire qu’en combattant à la fois les religieux d’Al-Qaïda et les laïcs de Saddam Hussein, nous apporterions la démocratie. Nous devons au contraire soutenir les « modérés » [que sont les Frères musulmans] face aux « extrémistes » [que sont les Iraniens, les laïcs Syriens et le Hezbollah libanais] », affirme-t-il.
L’Occident écarte donc l’opposition religieux/laïcs qui mine le monde musulman et ne prendra en considération que celle entre les nationalistes « modérés » qui acceptent de collaborer avec l’impérialisme et les « extrémistes » qui s’y refusent.
Tout cela sonne bien, mais n’a guère de sens lorsque l’on sait que les Frères musulmans ont été créés par les Anglo-Saxons, qu’Al-Qaïda est une de leurs branches utilisées contre les Soviétiques, et que Saddam Hussein était un ancien obligé de la CIA. Pourtant c’est ce discours qui prévaudra jusqu’à qualifier de « modérés » les jihadistes en Syrie.
Durant cette période, la Westminster Fondation, branche britannique des « ONG » des « Cinq yeux » – l’alliance militaire entre l’Australie, le Canada, les États-Unis, la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni – et donc équivalent de la NED états-unienne, promeut quantité de rencontres, principalement avec les Frères égyptiens et syriens. Elle organise notamment un grand colloque avec des parlementaires et la Confrérie, au Caire en 2006.
Progressivement, le plan britannique est mis en œuvre par les États-Unis.
Liz Cheney crée au Conseil de sécurité nationale le Groupe pour la Politique et les Opérations en Iran et en Syrie (« Iran Syria Policy and Operations Group »). Cet organe très secret s’installera successivement au département d’État, à celui de la Défense et dans les bureaux de son père, le Vice-président Dick Cheney. Il comprend notamment le Conseiller national adjoint de sécurité, James F. Jeffrey, et le conseiller spécial du Président Bush, Elliott Abrams. Disposant d’un budget de 80 millions de dollars, ce « Groupe » identifie et corrompt les interlocuteurs qui joueront le rôle principal au Liban en 2006 et en 2008, en Iran en 2009, et en Syrie en 2012. Dans un discours devant la Foreign Policy Association, Liz Cheney compare son travail avec celui réalisé avec Lech Walesa pour préparer le changement de régime dans la Pologne des années 1980. Elle est alors considérée à Washington comme le « Tsar » du Moyen-Orient élargi. En Iran, elle crée des groupes séparatistes au Baloutchistan et organise une gigantesque campagne terroriste avec une secte post-marxiste, les Moudjahiddines du peuple (OMPI).
En 2007, ce Groupe fut dissous lors du scandale du Bureau des plans spéciaux (« Office of Special Plan ») qui était chargé d’inventer de quoi justifier l’attaque de l’Irak. Les membres du Groupe furent incorporés sous la direction d’Elliott Abrams dans une autre structure, encore plus secrète, chargée de mettre en œuvre la Stratégie pour une démocratie globale (« Global Democracy Strategy »). Elle avait été créée des années auparavant par le Président Bill Clinton. Elle travailla non seulement à mettre en œuvre le plan britannique au Moyen-Orient élargi, mais aussi à renverser le Président Manuel Zelaya au Honduras, à fomenter diverses tentatives de coup d’État au Venezuela, et à tenter des opérations au Myanmar. Malheureusement, nous n’en savons guère plus sur ses activités.
Direction les « Printemps arabes » !
Revenons un peu en arrière. Pour commencer, Washington prépare le prochain gouvernement syrien sur le modèle de ce qu’il avait prévu en Irak : en janvier 2004, un marchand d’armes, Farid Ghadry, organise à Bruxelles le congrès fondateur d’une Coalition démocratique syrienne. Malheureusement, les ambitieux s’y bousculent et ne parviennent pas à dégager de leader. Il n’y aura donc pas d’équivalent syrien au rôle qu’Ahmed Chalabi a joué pour l’Irak.
Le plan anglo-saxon trouve sa première application concrète avec la tournée régionale du secrétaire d’État Colin Powell, suivie du sommet de la Ligue arabe à Tunis (mai 2004). Les États-membres adoptent une Charte arabe des Droits de l’Homme, bien que chacun sache que de nombreux pays ne l’appliqueront pas. Puis, le secrétaire général de la Ligue et le Président tunisien proposent la suite de leur kit « démocratique » : adopter une Déclaration qui autorise l’usage de la force pour contraindre certains États récalcitrants à appliquer les résolutions de la Ligue. Immédiatement, le Liban (Émile Lahoud) et la Syrie (Bachar el-Assad) interviennent. Les deux Présidents ont reconnu la rhétorique de Colin Powell selon laquelle la « démocratie » s’impose de l’extérieur et voient dans ce texte une manière de justifier une agression états-unienne, alors que les vrais violateurs des Droits de l’Homme – comme l’Arabie saoudite – ne seront pas inquiétés. Après divers accrochages, la Déclaration de Tunis est expurgée.
Alors que le projet de « Printemps arabe » se met progressivement en place, celui de guerre contre les États du Moyen-Orient élargi qui résistent à l’Empire se poursuit.
Un « diplomate » qui a fait ses classes en Irak auprès de l’Autorité provisoire de la Coalition – et qui dispose donc du soutien des hommes du 11-Septembre –, Jeffrey Feltman, est nommé à Beyrouth. Il doit organiser un soulèvement contre la force de paix syrienne qui a mis fin à la guerre civile, susciter une répression sanglante, et justifier un débarquement des Marines pour rétablir la paix. De la sorte, Washington fera d’une pierre deux coups et s’emparera à la fois du Liban et de la Syrie.
Dans son discours sur l’État de l’Union du 2 février 2005, le Président Bush fait référence au Syrian Accountability Act et menace la Syrie en raison de son soutien à la Résistance libanaise contre l’expansionnisme israélien. Le 7 février, l’ambassadeur syrien à Washington, Imad Mustafa, est convoqué au département d’État et s’entend signifier que son gouvernement n’a que 48 heures pour cesser ses relations avec le Hezbollah. Le 14 février, un gigantesque attentat tue à Beyrouth l’ancien Premier ministre Rafic Hariri. Dans les heures qui suivent, une campagne de presse mondiale accuse les Présidents Émile Lahoud et Bachar el-Assad d’avoir commandité le meurtre et appelle à un « changement de régime » à Damas.
Pendant plusieurs années, on racontera que l’attentat a été commis grâce à une camionnette bourrée d’explosifs. Cependant, le Hezbollah diffusera des vidéos piratées prises par un drone de repérage israélien chargé de suivre Rafic Hariri et la scène du crime dans les jours le précédant. Ainsi que je le publierai dans la revue russe Odnako, l’opération a été réalisée conjointement par Israël, les États-Unis et l’Allemagne au moyen d’une arme nouvelle issue des nanotechnologies et utilisant des particules d’uranium enrichi. Pour démentir mon article, les Nations Unies reconstitueront l’attentat à très grand frais en France, mais ne parvenant à rien, elles ne révéleront jamais leurs conclusions.
Peu importe, pendant ce temps les équipes du Centre d’application des actions et stratégies non violentes (Centre for Applied Nonviolent Action and Strategies) organisent des manifestations et un sit-in à Beyrouth dès le lendemain de l’attentat. Cette organisation serbe est le bras armé de l’Albert Einstein Institution, elle-même créée par l’OTAN et la NED sous la direction de Gene Sharp. Elle travaille en relation avec le chef de l’unité psychologique de l’armée israélienne, Reuven Gal. Depuis 1989, cette agence manipule les foules pour renverser des régimes politiques sous couvert de « révolutions colorées ». C’est elle qui a organisé la tentative de coup d’État de Zhao Ziyang réprimée sur la place Tienanmen (là encore, les faits n’ont aucun rapport avec ce qu’en rapportèrent les médias occidentaux), les « révolutions » en Lituanie, au Kosovo, en Irak, en Géorgie, etc. À Beyrouth, ce sera la « révolution du Cèdre », mise en scène par Eli Khoury (Quantum Communications), que le Président Bush invitera deux ans plus tard.
Gene Sharp contestera mes enquêtes sur ses liens avec l’OTAN et la NED lorsque le Président de la République bolivarienne du Venezuela, Hugo Chávez, s’y référera longuement. Malheureusement et contrairement à ses affirmations, Sharp a bien travaillé pour l’OTAN et a bien été subventionné par la NED, et il était également présent durant les crises dans les pays que j’ai mentionnés. Au demeurant, la presse russe confirmera un à un tous ces points et ce « philosophe » se verra interdire l’entrée dans de nombreux États.
Le principe des « révolutions colorées » provient d’une étude réalisée pour l’OTAN par Gene Sharp, en 1985 : Rendre l’Europe impossible à conquérir. L’auteur y montrait l’impossibilité d’installer un nouveau régime sans un minimum d’appui dans la population. Par conséquent, il est possible de faire chuter un régime simplement en donnant l’impression qu’il a perdu sa légitimité populaire. Sur ce principe, la CIA a imaginé comment manipuler des foules, organiser des manifestations et faire croire à une véritable révolution pendant que des équipes spécialisées prendraient le pouvoir. Depuis la chute des Ceaucescu, en 1989, Gene Sharp et la CIA ont mis en pratique ce scénario dans de nombreux pays, souvent avec succès. Cependant, une Révolution vise à transformer la société, tandis qu’une « révolution colorée » ne cherche qu’à changer l’équipe dirigeante. Les premières durent une décennie, tandis que les secondes se font en quelques semaines, et ne sont que des mises en scène visant à masquer des coups d’État ; ainsi, les gouvernements mis en place ne durent jamais bien longtemps.
Jeffrey Feltman coordonne la campagne contre les Présidents Lahoud et el-Assad. Les quatre principaux collaborateurs du Président libanais pour la sécurité du pays – Moustapha Hamdane (chef de la garde présidentielle), Jamil Sayyed (chef de la sûreté générale), Ibrahim El-Haj (directeur des forces de sécurité intérieure) et Raymond Azar (chef des services de renseignement militaire) – sont arrêtés et incarcérés par les Nations Unies. Ils ne seront libérés que quatre ans plus tard, de telle sorte qu’Israël pourra attaquer plus facilement le Liban à l’été 2006. Une commission d’enquête internationale est mise en place sous les auspices des Nations Unies. Elle est composée par les assassins : ses deux langues de travail sont l’anglais (une des six langues officielles de l’ONU) et l’hébreu, ses deux principaux responsables sont un ancien magistrat allemand, Detlev Mehlis, qui avait déjà travaillé pour la CIA et le Mossad contre la Libye, et un commissaire de police également allemand, Gerhard Lehmann, impliqué dans le scandale des prisons secrètes de la CIA. Un Tribunal spécial des Nations Unies pour le Liban sera institué par le Conseil de sécurité et le Premier ministre libanais, sans être jamais ratifié ni par le gouvernement, ni par le Parlement libanais. Il verra pourtant le jour et sera présidé par le juge italien Antonio Cassese, par ailleurs rémunéré par les Moudjahiddines du peuple, une organisation terroriste financée par la CIA contre la République islamique d’Iran. Des témoins assurent avoir participé au crime sous les ordres de Bachar el-Assad, mais ils prennent la fuite lorsqu’ils sont démasqués et que l’on révèle qu’ils ont été rémunérés par le fils de la victime, Saad Hariri, et Rifaat el-Assad, l’oncle exilé du chef d’État syrien.
Quoi qu’il en soit, si toute l’opération de la « révolution du Cèdre », de la Commission d’enquête internationale et du Tribunal spécial est éventée avec retard, Jeffrey Feltman parvient à faire croire au Conseil de sécurité que les Présidents libanais et syriens ont fait assassiner l’ancien Premier ministre libanais.
Le plan initial de la CIA prévoyait :
1. de tuer Rafic Hariri et de rendre les Présidents libanais et syrien responsables de sa mort ;
2. d’organiser avec les hommes de Gene Sharp une « révolution colorée », celle du Cèdre ;
3. de susciter une répression de cette révolution par la Force de paix syrienne au Liban ;
4. de justifier un débarquement des Marines qui auraient non seulement rétabli l’ordre à Beyrouth, mais attaqué Damas.
Or, réagissant aux manifestations anti-syriennes, le Président Bachar el-Assad, qui avait déjà commencé le retrait de ses troupes depuis plusieurs mois, décide subitement de les retirer toutes, coupant ainsi l’herbe sous le pied de la CIA.
Considérant que Damas avait abandonné le Liban, Jeffrey Feltman fait main basse sur le pays. Il fait revenir le général Michel Aoun qui portait une lourde responsabilité durant la guerre civile (1975-90) et était parti en exil en France. S’alliant avec tous ceux qui sont financés par l’Arabie saoudite, Israël et les États-Unis, Aoun fonde la coalition du « 14-Mars » contre la Résistance. Mais, surprise, après avoir passé quelques mois dans son pays, il réalise que les choses ne sont pas ce qu’elles paraissent et s’allie avec la Résistance. Il signe un Document d’entente mutuelle avec le Hezbollah, le 6 février 2006.
Cherchant à unifier les projets militaires contre les sept États de la région qui leur résistent et les projets subversifs de « Printemps arabes », Washington et Londres organisent divers contacts entre la « révolution du Cèdre » libanaise, l’opposition syrienne et les Frères musulmans, tout en planifiant une seconde tentative d’invasion. Cette fois-ci, Israël attaquera directement le Liban sous un prétexte ou un autre et écrasera le Hezbollah. La Syrie devrait venir en aide à la Résistance et les Marines pourraient enfin débarquer. Les États-Unis placeraient alors au pouvoir les Frères musulmans et autres alliés de l’Arabie saoudite à Beyrouth et à Damas « libérés ». C’est l’opération « Jasmin Bleu ».
Dans cette optique, Walid Jumblatt, le vice-président de l’Internationale socialiste et leader de la partie des druzes libanais favorables à Washington, reçoit en mai dans son palais de Mokhtara une délégation des Frères musulmans. Ou encore, le Front du salut syrien se réunit à Londres, les 4 et 5 juin. Il n’y a que 43 participants à cette « importante » rencontre à laquelle, ni Walid Jumblatt, ni Saad Hariri bien qu’annoncés ne se rendent. En l’occurrence ce Front n’est qu’une devanture masquant les Frères musulmans derrière l’ancien Vice-président syrien, Abdel Halim Khaddam.
Les États-Unis équipent Israël afin d’envahir le Liban dans les mois à venir.
La guerre contre le Liban
Cependant, au Liban les amis du Président Lahoud et de ses quatre généraux tentent, seuls, de faire la lumière sur l’assassinat de Rafic Hariri. Les Renseignements militaires parviennent à arrêter un gendarme à la retraite, Mahmoud Rafeh, qui avoue diriger un réseau d’espionnage et d’assassinat pour le compte du Mossad israélien. Il s’avère que cet homme est un ancien collaborateur de Tsahal lorsque ce dernier occupait le Liban. De fil en aiguille, on découvre l’implication de sa cellule dans de nombreux assassinats ou tentatives d’assassinats survenus au cours des quatre dernières années et que l’on avait à tort attribués à la Syrie.
Le Liban exige du Conseil de sécurité qu’il condamne l’ingérence perpétuelle d’Israël. L’État hébreu viole en effet plusieurs fois par jour l’espace aérien et maritime du pays afin d’espionner le Hezbollah. Il écoute également le réseau de télécommunications mobiles et a fait assassiner divers leaders politiques. Les États-Unis, la France et le Royaume-Uni ne savent que répondre.
Le hasard veut qu’au même moment, une patrouille israélienne qui s’était aventurée en territoire libanais tombe dans une embuscade tendue par le Hezbollah. Huit soldats sont tués et deux autres capturés. En droit international, tout peuple dont une partie du territoire est occupée peut légitimement combattre l’armée ennemie, y compris sur le territoire de l’État agresseur. L’ONU ne considérera donc pas que les prisonniers ont été « enlevés », mais bien qu’ils ont été « capturés » dans le cadre d’une action militaire non gouvernementale. Le Hezbollah entend utiliser ces prisonniers comme monnaie d’échange contre ses soldats détenus en Israël. Mais vu de Tel-Aviv, il n’y a pas une minute à perdre. Il faut hâter la guerre commanditée par Washington avant que le Renseignement militaire libanais ne découvre la vérité sur l’assassinat de Rafic Hariri, c’est-à-dire sur la tentative de guerre précédente. Liz et Dick Cheney donnent leur accord. Israël envahit à nouveau le Liban.
L’ambassadrice des États-Unis à l’OTAN, Victoria Nuland-Kagan (du Projet pour un nouveau siècle américain), bat le tambour de la guerre et mobilise les Alliés, mais à l’issue de 34 jours de conflit, Israël doit reculer. Le Conseil de sécurité lui permet de sauver la face en imposant un cessez-le-feu. Alors que toutes les chancelleries – sauf Damas – considéraient la victoire d’Israël comme assurée, quelques centaines de résistants sont parvenus à mettre en déroute une armée ultra moderne soutenue en continu par le Pentagone. Ces combattants d’exception étaient placés sous le commandement de Sayyed Hassan Nasrallah et sous la supervision du ministre syrien de la Défense, le général Hassan Turkmani, secrètement présent sur le champ de bataille.
Contrairement à une idée répandue, l’Iran n’a guère eu le temps de s’impliquer dans cette guerre et prévoyait d’offrir l’asile politique aux dirigeants du Hezbollah. Mais après le cessez-le-feu, le Président Mahmoud Ahmadinejad va considérablement investir dans la Résistance libanaise dont il va multiplier par quatre cents (400) le nombre de missiles.
Les hommes du 11-Septembre qui étaient jusque-là victorieux aux États-Unis, en Afghanistan et contre Saddam Hussein, viennent de subir une défaite au Liban tandis que les baasistes irakiens entrent à leur tour en résistance. La victoire du Hezbollah remet en cause le pouvoir illégitime du « gouvernement de continuité » états-unien.
source:https://www.voltairenet.org/
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Source : Lire l'article complet par Réseau International
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