Par Matthew J.L. Ehret − Le 16 novembre 2021 − Source Lew Rockwell
Dès les premiers jours du Sommet COP26 à Glasgow, le Pape François a adressé plusieurs accolades aux dirigeants mondiaux et à l’ensemble de la communauté catholique mondiale pour qu’ils prennent des mesures audacieuses face au changement climatique anthropique et modifient radicalement tout notre système de valeurs vers un nouvel ordre. Faisant référence aux Accords de Paris de la COP21, le Pape a déclaré :
Il n’y a pas d’alternative. Nous pouvons atteindre les objectifs fixés par l’Accord de Paris uniquement si nous agissons de manière coordonnée et responsable. Ces objectifs sont ambitieux, et ils ne peuvent plus être reportés. Aujourd’hui, c’est à vous de prendre les décisions nécessaires.
Au cas où quelqu’un aurait l’idée de relancer les politiques nationalistes en opposition aux forces globalisantes de l’ère post-État-nation dans laquelle nous sommes censés entrer, le pape a déclaré :
Nous pouvons affronter ces crises en nous repliant sur l’isolationnisme, le protectionnisme et l’exploitation. Ou bien nous pouvons y voir une réelle chance de changement, un véritable moment de conversion, et pas seulement dans un sens spirituel.
Cet appel à la conversion de la société vers l’action climatique faisait écho à l’encyclique Laudato Si de 2015 produite par le pape pour inaugurer la COP21 et le verdissement du christianisme sous une nouvelle éthique.
Dans l’encyclique Laudato Si de 2015, le pape s’en prenait directement à la notion « ancienne et obsolète » du christianisme qui considérait l’humanité comme une créature divine née avec une étincelle prométhéenne :
Une présentation inadéquate de l’anthropologie chrétienne a donné lieu à une compréhension erronée de la relation entre les êtres humains et le monde. Souvent, ce qui était transmis était une vision prométhéenne de la maîtrise du monde.
Cette nouvelle éthique chrétienne dévoilée par le pape François voit l’homme non pas comme une espèce capable de transcender les limites de la nature, mais plutôt comme une espèce liée inexorablement à l’écosystème au sein duquel il a évolué. Si les écosystèmes de la terre imposaient des limites à toutes les espèces en fonction de variables telles que l’espace, la nourriture et la disponibilité des ressources, alors selon les prêtres séculiers du nouvel ordre mondial, l’humanité ne devait pas être différente. La nature n’est guère plus qu’une mère Gaia, figure de l’ancienne Babylone, depuis longtemps révolue, avec la lecture de la prière d’ouverture de l’encyclique de 2015 :
Loué sois-tu, mon Seigneur, à travers notre sœur, la Terre Mère, qui nous soutient et nous gouverne, et qui produit des fruits variés avec des fleurs et des herbes colorées. Cette sœur crie maintenant contre nous à cause du mal que nous lui avons infligé.
Je pose donc à nouveau la question : quelle sorte de « conversion » le pape François veut-il que le monde chrétien entreprenne en soutenant à la fois les Accords de Paris de 2015 et les objectifs de la COP26 aujourd’hui ?
S’agit-il de l’adoption des valeurs chrétiennes incarnées par le message du Christ d’aimer son prochain et d’aimer Dieu ? Est-ce l’adhésion à l’appel anti-impérialiste du Christ de chasser les changeurs d’argent du temple ou de relever les malades et les pauvres ?
Eh bien, si l’on évalue l’objectif de la COP26 et les idéologues du Forum économique mondial comme Mark Carney qui dirigent ce sommet, la réponse sent plus le soufre que l’amour.
Les objectifs anti-développement de la COP26
En prétendant réformer l’ensemble du système de valeurs politiques, économiques, sécuritaires et culturelles de l’humanité autour d’un nouvel ordre vert mondial, les initiatives de la COP26 appellent à rendre les objectifs mondiaux de réduction des émissions de carbone juridiquement contraignants et applicables par de nouveaux mécanismes de gouvernance mondiale. M. Carney a demandé que 135 000 milliards de dollars soient mobilisés au cours des 30 prochaines années pour réduire les émissions de CO2 de 80 % par rapport aux niveaux de 1991, en déployant des éoliennes, des panneaux solaires, des usines de biocarburants et des réseaux verts sur toute la surface de la terre.
On s’attend à ce que de vastes pans de nations bloquent leurs terres pour défendre les écosystèmes (interdisant ainsi la construction de barrages hydroélectriques ou tout développement réel dans des régions comme le bassin du fleuve Congo).
Les systèmes bancaires sont en train d’être recâblés par le Green Banker’s Compact de Carney afin de canaliser les financements vers des systèmes d’énergie verte coûteux, tandis que les entreprises « sales » qui produisent du CO2 devraient être détruites. Carney a fait savoir que le pivot de cette nouvelle économie anti-carbone est fondé sur de nouveaux indices de carbone que toutes les entreprises sont censées présenter et qui montreront leur degré de vertu verte sur la base d’un gradient allant du vert profond au brun (et cinquante nuances entre les deux). La position de votre entreprise sur ce gradient déterminera le niveau des taux d’intérêt que vous devrez payer ou si vous pourrez ou non accéder à des prêts. Carney a exposé ce nouveau système en 2019 en disant :
Les informations sur le climat doivent devenir complètes, la gestion des risques climatiques doit être transformée et l’investissement durable doit devenir courant… les entreprises qui anticipent ces évolutions seront largement récompensées. Celles qui ne le feront pas cesseront d’exister.
Tout cela se fait bien sûr avec la conviction supposée (et totalement non scientifique) que cela permettra de maintenir les températures à 1,5 degré des niveaux préindustriels.
Ignorant pour l’instant qu’il n’a jamais été démontré que le CO2 joue un quelconque rôle causal dans les fluctuations de température, examinons le type d’effet que cette nouvelle donne verte mondiale aura sur la vie humaine.
L’électricité peu fiable et de mauvaise qualité produite par les éoliennes et les panneaux solaires est d’une qualité bien inférieure à celle de l’énergie produite par les combustibles fossiles ou les centrales nucléaires.
Il est bien connu que ces sources d’énergie « verte » peuvent fonctionner à des degrés limités dans les secteurs résidentiels d’une économie, mais les secteurs du transport et de l’industrie, qui consomment plus de 50 % des besoins en électricité de la société industrielle, ne fonctionneront pas avec l’énergie solaire ou éolienne, car vous ne pouvez pas fabriquer une éolienne avec l’énergie éolienne et vous ne pouvez pas traiter l’acier industriel avec l’énergie éolienne ou solaire.
Et oubliez l’idée d’alimenter un jour un réseau ferroviaire à grande vitesse ou à sustentation magnétique. Les densités thermiques des énergies renouvelables sont tout simplement trop faibles, et toute société assez stupide pour fermer ses centrales pétrolières, gazières et nucléaires « sales » en faveur de ces énergies renouvelables mettra irrémédiablement son secteur industriel hors d’état. Si le pays fait partie des secteurs sous-développés de la planète, il pourra se retrouver à recevoir des tas d’argent de monopole comme pot-de-vin pour signer les pactes verts de la COP26, comme Boris Johnson l’a défendu à la COP26, mais il se condamnera à ne plus jamais construire d’industrie lourde.
En attendant, il est utile de garder à l’esprit que les moulins à vent et les panneaux solaires ne fonctionnent qu’à 26 % de leur capacité dans les bons jours, mais qu’ils tombent parfois à moins de 1 % de leur capacité lorsque le soleil ne brille pas et que le vent ne souffle pas, ce qui entraîne le genre de crises qui secouent l’Europe en ce moment même.
Le secrétaire du Conseil de sécurité russe Nicolai Patrushev a récemment dénoncé l’absurdité des réseaux d’énergie verte en déclarant : « La crise énergétique de l’Europe a montré que les technologies existantes ne permettent pas de répondre aux demandes économiques uniquement grâce aux sources d’énergie renouvelables. L’Europe, région industrialisée, s’est révélée incapable de remplacer le charbon, le pétrole et le gaz par des centrales éoliennes, solaires et marémotrices. »
L’effet global de cette politique anti-scientifique est une vaste réduction des moyens dont dispose l’humanité pour subvenir aux besoins de ses huit milliards d’âmes. C’est l’abolition de la souveraineté des nations et l’abolition des moyens de mener à bien le mandat de sortir l’humanité de la misère, de la pauvreté et du désespoir… tout cela sous le couvert vertueux de la protection de l’environnement.
La question vaut vraiment la peine d’être posée : Le mandat de la COP26 visant à créer un programme mondial de décarbonation repose-t-il vraiment sur des intentions honnêtes de préserver l’environnement et de protéger les pauvres ? Les efforts du pape François pour remodeler l’ensemble de l’Église catholique autour de l’agenda vert sont-ils vraiment motivés par l’amour chrétien, comme le pape aime tant le dire ? Ou quelque chose de plus sombre est-il en jeu ?
Le fondateur du Club de Rome, Sir Alexander King, a vendu la mèche en déclarant en 1991 : « En cherchant un nouvel ennemi pour nous unir, nous avons eu l’idée que la pollution, la menace du réchauffement climatique, les pénuries d’eau, la famine et d’autres problèmes de ce genre feraient l’affaire…. tous ces dangers sont causés par l’intervention humaine, et ce n’est que par un changement d’attitude et de comportement qu’ils peuvent être surmontés. Le véritable ennemi est donc l’humanité elle-même. »
Les traditions anti-malthusiennes du Vatican
En des temps meilleurs, il y a de nombreuses années, une vision beaucoup plus saine a été avancée par les dirigeants de l’église qui ont vu que la voie vers la résolution de la guerre froide se trouvait dans l’élimination réelle de la pauvreté et de la guerre dans le monde.
À l’instar d’hommes d’État catholiques dévoués tels qu’Enrico Mattei, John F. Kennedy, Konrad Adenauer ou Charles De Gaulle, qui ont lutté contre un État profond idéologique malthusien au sein de leurs nations, l’Église dans son ensemble a été prise dans une bataille entre des idéologies opposées tout au long du 20e siècle.
Pour ceux qui dirigeaient la faction humaniste au cours de cette période turbulente (en particulier à la suite des meurtres et des coups d’État perpétrés contre les dirigeants susmentionnés), naviguer à travers la guerre froide ne signifiait pas simplement « choisir un côté communiste ou capitaliste » comme tant de gens étaient censés le faire dans le cadre des règles de la théorie des jeux. Leur stratégie a pris la forme d’une solution beaucoup plus morale.
Dans l’encyclique Laborem Exercens de 1981 du pape Jean-Paul II, les termes de la dichotomie manichéenne de la guerre froide ont été mis à nu, le pape visant deux idéologies opposées qui souffraient de poisons inverses, mais également destructeurs. D’une part, l’encyclique polémique contre les systèmes qui privilégient les libertés de l’individu au détriment du bien-être de la société (la doctrine hédoniste du capitalisme « chacun contre tous » de Adam Smith, par exemple). D’autre part, le pape s’en prend au matérialisme destructeur du « matérialisme dialectique » de Marx, qui ne valorise que le tout, au mépris total du respect du caractère sacré de l’individu.
Le principe chrétien défendu par le Pape dans cet écrit fondateur se trouvait dans l’édit de Genèse 1:28 qui invitait l’homme à « être fécond et à multiplier, à remplir la terre et à la soumettre ».
Si l’on s’en tient à la croyance que l’homme a été créé à l’image vivante du Créateur, et si l’on comprend que le Créateur est un être vivant et créatif (et non un tyran impuissant qui a établi les règles de l’univers pour ne plus jamais participer à son processus de création), alors certaines vérités s’imposent.
Multiplier semblait assez simple, mais être fécond était la considération la plus importante. Multiplier signifie quelque chose de quantitatif, mais être fécond signifie quelque chose de qualitatif. Dans l’encyclique, le pape Jean-Paul II écrit :
PAR LE TRAVAIL, l’homme doit gagner son pain quotidien et contribuer au progrès continu de la science et de la technique et, surtout, à élever sans cesse le niveau culturel et moral de la société dans laquelle il vit en communauté avec ceux qui appartiennent à la même famille. Par travail, il faut entendre toute activité de l’homme, manuelle ou intellectuelle, quelle qu’en soit la nature ou les circonstances ; il faut entendre toute activité humaine qui peut et doit être reconnue comme travail, parmi toutes les nombreuses activités dont l’homme est capable et auxquelles il est prédisposé par sa nature même, en vertu de l’humanité elle-même. L’homme est fait pour être dans l’univers visible une image et une ressemblance de Dieu lui-même, et il y est placé pour soumettre la terre. Dès le début, il est donc appelé à travailler. Le travail est l’une des caractéristiques qui distinguent l’homme du reste des créatures, dont l’activité pour assurer leur subsistance ne peut être appelée travail. Seul l’homme est capable de travailler, et seul l’homme travaille, occupant en même temps par le travail son existence sur la terre.
Comme l’a démontré l’encyclique, « fructueux » signifie élever le niveau de vie, le niveau d’éducation et le niveau culturel de tous les peuples. Cela signifiait appliquer équitablement les fruits des découvertes scientifiques sous forme de progrès technologique pour tous les êtres humains – puisque l’absence d’application de ce type de progrès condamnerait l’humanité au sort des animaux. L’absence de progrès scientifique et technologique ferait en sorte que la capacité de charge et les limites de la croissance de l’espèce seraient relativement fixées aux ressources, minéraux, terres agricoles, techniques de production, etc. qui existent à un moment donné.
Le pape Jean-Paul II a reconnu que la résolution de la dichotomie bipolaire de la guerre froide se situait dans cette compréhension plus élevée de la nature du travail et de la vie humaine en déclarant : « Le travail humain est une clé, probablement la clé essentielle, de toute la question sociale, si nous essayons de voir cette question vraiment du point de vue du bien de l’homme. Et si la solution – ou plutôt la solution progressive – de la question sociale, qui ne cesse de se poser et devient toujours plus complexe, doit être recherchée dans le sens de « rendre la vie plus humaine », alors la clé, à savoir le travail humain, acquiert une importance fondamentale et décisive. »
Décrivant la notion de « soumettre la terre » et les aspirations infinies interconnectées de l’humanité à l’amélioration de soi et à la générosité infinie des nouvelles découvertes, le pape a déclaré ce qui suit :
L’expression « soumettre la terre » a une portée immense. Elle signifie toutes les ressources que la terre (et indirectement le monde visible) contient et qui, par l’activité consciente de l’homme, peuvent être découvertes et utilisées à ses fins. Ainsi, ces mots, placés au début de la Bible, ne cessent jamais d’être pertinents. Elles englobent aussi bien les âges passés de la civilisation et de l’économie, que l’ensemble de la réalité moderne et les phases futures du développement, qui commencent peut-être déjà, dans une certaine mesure, à prendre forme, bien qu’elles soient encore, pour la plupart, presque inconnues de l’homme et cachées de lui.
Ce bannissement de la découverte créative et la destruction de la technologie qui pourrait autrement libérer d’innombrables pauvres esclaves ou serfs des chaînes matérielles à une station plus élevée dans le cosmos en tant que créatures d’intelligence et de dignité, est une technique utilisée par les oligarques depuis les jours de l’ancienne Babylone et Rome. C’est avec la même technique qu’on a tenté de persuader les esclaves du Sud confédéré que l’esclavage était autorisé par la Bible et que certains étaient nés avec le statut d’élus destinés à dominer les faibles. Elle a été appliquée par des régimes régressifs au sein de l’Église qui ont cherché à convaincre leurs paroissiens que Dieu voulait que l’humanité soit ignorante, puisque manger de l’arbre de la connaissance était la racine du péché.
Cette perversion du christianisme s’est malheureusement emparée de nombreux leaders d’opinion au sein de l’Église catholique qui s’étaient ralliés au programme transhumaniste de réformateurs tels que le moderniste jésuite Pierre Teilhard de Chardin et ses innombrables sbires au sein de l’ordre jésuite. Ces mêmes forces se sont retrouvées à promouvoir une libéralisation pourrie tout au long des années de réformes de Vatican II, de 1962 à 1965, et ont répondu à l’appel de Chardin d’adapter le christianisme aux règles de l’époque en choisissant leur camp dans le jeu bipolaire de la guerre froide entre capitalisme et communisme.
Ces mêmes agences ont de plus en plus travaillé à séparer l’Église de ses propres principes et à en faire un simple instrument d’adaptation susceptible d’être soumis aux goûts et aux normes fluctuants de notre époque. Si le style et les normes d’une époque se polarisent sur le modernisme, le libéralisme, l’écologisme et la guerre contre le réchauffement climatique, les valeurs de l’Église libéralisée doivent elles aussi s’adapter à ces normes, même si elles sont éloignées de la vérité, de la moralité ou des enseignements du Christ.
Matthew J.L. Ehret
Matthew Ehret est le rédacteur en chef de la Canadian Patriot Review et Senior Fellow de l’Université américaine de Moscou. Il est l’auteur de la série de livres « Untold History of Canada » et de Clash of the Two Americas. En 2019, il a cofondé la Rising Tide Foundation, basée à Montréal.
Traduit par Hervé, relu par Wayan, pour le Saker Francophone
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Source : Lire l'article complet par Le Saker Francophone
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