Par The Saker – Le 19 décembre 2021 – Source The Saker’s Blog
Pour comprendre ce qui vient de se passer [La proposition d’accord faite par la Russie sur l’OTAN et la sécurité européenne, NdT], nous devons examiner deux choses : la façon dont la Russie a choisi de communiquer ses exigences, puis le contenu des exigences elles-mêmes. Toutefois, avant de le faire, je tiens à recommander deux autres points de vue, tous deux très utiles, à mon avis :
Je vous recommande de les lire avant de poursuivre. Ceci étant dit, examinons plus en détail ce qui s’est passé.
Premièrement, il s’agit clairement d’un ultimatum. Deuxièmement, il s’agit d’un ultimatum exposé publiquement.
Ce deuxième point est absolument crucial, car il marque, à tout le moins, une rupture totale avec la pratique diplomatique russe (et soviétique) normale.
Il est également assez évident que la forme et le fond de cet ultimatum seraient inacceptables pour les États-Unis et les colonies américaines en Europe.
Ce qui soulève la question suivante : qu’est-ce que les Russes essaient d’obtenir ici ?
Certains diront que les Russes (ou Poutine personnellement) sont tout bonnement stupides et qu’ils sont trop arrogants pour se rendre compte que leur ultimatum ne serait jamais accepté. Eh bien, si les États-Unis (la seule partie de l’« Occident » qui compte parce qu’elle a un pouvoir réel) ignorent cet ultimatum et continuent gaiement sur la voie qu’ils suivent depuis au moins Bill Clinton, et que les Russes (ou Poutine personnellement) ne font rien, alors ceux qui pensent que les Russes sont stupides auront raison.
Voyons maintenant ce qui pourrait se passer.
La première chose que nous devons comprendre est que la Russie détient l’avantage au plan militaire (lisez Martyanov pour plus de détails, je ne vais pas me fatiguer à tout répéter ici). Examinons donc rapidement le pire des cas : « Biden » ignore la Russie et celle-ci réplique en déployant des systèmes d’armes, y compris des armes hypersoniques qui menaceront les USA, non seulement en Russie, mais aussi en Biélorussie, dans l’Arctique et au milieu de l’Atlantique. Les États-Unis auront alors le même sentiment que Moscou : ils seront à cinq minutes de l’anéantissement. Est-ce que cela sera bon pour « Biden » ?
Imaginons que « Biden » décide de jouer les durs et crée une sorte d’incident qui obligerait les Russes à couler un navire de l’US Navy ou à abattre un avion de l’US Air Force. Cela signifierait la guerre. Dans ce cas, « Biden » aurait deux options : maintenir la guerre en dessous du seuil nucléaire et perdre cette guerre (l’infrastructure militaire de l’OTAN sera détruite) ou se lancer dans le nucléaire et risquer un holocauste nucléaire. L’une ou l’autre de ces options sera-t-elle bonne pour « Biden » ?
Supposons maintenant que « Biden » accepte de négocier avec la Russie (tout en maintenant, bien sûr, toutes les histoires de « consultation avec les partenaires et les alliés ») et que les deux parties parviennent à un accord. Comment cet accord se manifesterait-il ? Eh bien, c’est assez évident. L’OTAN devra renoncer à son expansion tandis que la Russie devra fournir des garanties vérifiables qu’elle n’attaquera aucun pays de l’OTAN. Je sais, je passe sur un milliard de détails dans lesquels, comme le dit l’expression, se cache le diable, mais pour nos besoins, cela suffit. Alors, à nouveau, je pose la même question que ci-dessus : est-ce que ce serait un bon résultat pour « Biden » ?
Nous devons examiner cette possibilité plus en profondeur :
Tout d’abord, certains des vassaux américains de l’UE seraient furieux et feraient deux choses : protester verbalement aussi fort que possible et s’engager dans toute action qu’ils pourraient imaginer pour forcer la situation et créer une crise. Et non, cela ne serait pas du tout bon pour « Biden ». Mais, considérez ceci : premièrement, « Biden » peut dire aux vassaux de l’UE de se taire et de bien se comporter. Mais plus important encore, cette « mauvaise option » semblera « moins mauvaise » à « Biden » que l’une des deux options mentionnées ci-dessus (placer l’ensemble des États-Unis à 5 minutes de la destruction ou faire face à une guerre totale).
Vous vous souvenez que j’ai dit que la Russie détenait l’avantage au plan militaire ?
La Russie a également des avantages aux niveaux politiques et économiques beaucoup plus grands que les États-Unis, qui n’ont presque rien. Politiquement, la Russie est désormais « plus qu’un allié« de la Chine, elle est un partenaire proche de l’Inde (à la fureur de la Maison Blanche) et politiquement, elle est beaucoup moins isolée que les États-Unis ! Même la carte ci-dessous ne donne pas la pleine mesure de la situation. Pourquoi ?
Parce que la plus grande partie de la « communauté internationale » qui « soutient » les (ou plutôt obéit aux) États-Unis est l’UE, qui elle-même est en crise terminale à trop de niveaux pour être comptée ici !
Comparez les zones rouges et grises sur la carte, et posez-vous ces questions : quelle zone a l’armée la plus puissante ? Quelle zone a le plus de ressources naturelles et humaines ? quelle zone a les routes commerciales les plus prometteuses ? Quelle zone a un PIB réel, par opposition à un PIB purement « FIRE » ? Quelle zone est littéralement en train de mourir spirituellement sous l’idéologie transnationale « Woke » et quelle zone a conservé la volonté et la capacité de se battre pour ses valeurs spirituelles, culturelles et civilisationnelles ? Enfin, quelle zone a une vision viable de l’avenir ?
Je pourrais continuer à poser beaucoup d’autres questions de ce genre, mais je pense que vous voyez où je veux en venir : les États-Unis ne perdent pas seulement militairement, mais aussi sur tous les fronts !
Question suivante : de quoi les États-Unis ont-ils le plus besoin ?
Eh bien, il y a beaucoup de choses dont les États-Unis ont besoin, mais je n’en retiendrai qu’une : le temps. Pourquoi ? Parce que la vérité est que les États-Unis n’ont plus que deux options : un retrait de l’Europe « à la Kaboul » ou un « réarrangement » ordonné et négocié du système européen de sécurité collective (que, ne l’oublions pas, les États-Unis ont bousillé tout seuls, un véritable désastre dont ils sont maintenant totalement responsables).
[Aparté : la sécurité unilatérale n’existe pas. Toute véritable sécurité est toujours collective. Ce truisme est pourtant une hérésie politique dangereuse en Occident, pour laquelle les gens sont brûlés sur un bûcher (au sens figuré). L’unilatéralisme n’est qu’un déclencheur d’insécurité et, finalement, de guerre].
S’il n’y a pas de guerre, l’OTAN survivra, du moins politiquement. S’il n’y a pas de guerre, « Biden » pourra dire que la position « ferme et unie » de l’Occident a forcé la Russie à faire des concessions : rappelez-vous comment la crise des missiles de Cuba a été présentée par les États-Unis comme une victoire américaine alors qu’en fait, elle a forcé les États-Unis à retirer leurs missiles de Turquie ? Plusieurs décennies se sont écoulées depuis la crise des missiles de Cuba, mais quelque 99 % de la population des États-Unis et de l’UE croit sincèrement que les États-Unis ont « gagné » ! La machine de propagande anglo-sioniste peut facilement répéter cela une fois de plus. À l’exception d’un « petit » problème : cette fois-ci, la Russie a présenté son ultimatum en premier et l’a fait très publiquement.
Pourquoi les Russes ont-ils choisi cette méthode ?
Eh bien, je ne sais pas, je ne peux pas lire dans les pensées du Kremlin, mais je pense que la Russie veut bien plus qu’un simple « match nul » (ce qu’était la crise des missiles de Cuba). La Russie veut une victoire totale, qu’elle définirait comme une « défaite de l’OTAN », au moins en Europe. Pourquoi ?
Examinons maintenant les options de la Russie :
Ne rien faire ou « plus de la même chose » : cela signifie une reddition totale à l’Occident, suivie d’une partition de la Russie et d’une attaque américaine contre la Chine. Dire que cela est inacceptable pour la Russie est un truisme.
Diminuer progressivement les exigences de l’ultimatum : c’est une question plus intéressante et il s’agit à nouveau d’un cas où « le diable se cache dans les détails ». Par exemple, l’existence de l’OTAN ne signifie rien en soi pour la Russie. Idem pour l’UE, d’ailleurs. Ce ne sont en réalité que des prétextes sans intérêt pour des politiciens sans avenir et des pays sans agence. La plus grande erreur commise par l’UE et l’OTAN a été sa « glorieuse » expansion vers l’Est, pour découvrir que tout ce qu’elle a accompli a été d’affaiblir irrémédiablement l’UE et l’OTAN, car les nouveaux arrivants sont, comment le dire poliment, complètement stupides, corrompus et infantiles. Lorsque j’écoute les politiciens de l’UE et de l’OTAN, je pense à un jardin d’enfants sous crack ou à quelque chose d’aussi insensé (voir ici pour un exemple parfait).
Une option pour la Russie serait donc de « revoir de manière créative » les termes de son ultimatum et d’en conserver la substance tout en abandonnant le ton hostile et en accordant à l’Occident quelques « concessions » symboliques. S’agirait-il d’une bonne option pour Poutine ? Eh bien, tout dépendra de ce que l’on appelle le « diable dans les détails ». Si, à la fin du processus, l’OTAN est défaite, alors oui. Si l’OTAN reste aussi agressivement hostile qu’elle l’est aujourd’hui, alors non.
D’où la question suivante : que fera la Russie dans un tel cas ?
Ici, nous devons au moins envisager une option : une reconnaissance russe de la LDNR justifiée par le rejet total (de facto et de jure) par Kiev des accords de Minsk et les provocations et attaques ukronazies constantes contre la LDNR : rappelez-vous deux choses que Poutine a dites récemment. Il a parlé de « républiques non encore reconnues » et il a parlé de « génocide ».
Vous savez ce qu’est la « responsabilité de protéger » ?
Bien sûr, les Ukronazis devraient attaquer (même au moins symboliquement), ce qui permettrait à la Russie d’agir militairement contre l’Ukraine, de libérer la LDNR et de déployer des forces russes à l’intérieur de ces républiques, avec le soutien total du Belarus, bien sûr, et peut-être même de la Chine (politiquement). Remarquez que je n’ai pas parlé d’« invasion ». Imaginons que la Russie utilise ses systèmes d’armes à distance pour défaire les Ukies, libérer la LDNR, puis se tourne vers le reste de l’Europe avec un « sourire » suggérant fortement ce qui suit : « lequel d’entre vous veut être le prochain ? ». Cela entraînerait une panique totale en Europe, notamment à Mons, Bruxelles et Varsovie.
Et voici la beauté de cette option : La Russie peut facilement frapper Mons et Bruxelles (ou Varsovie) avec des armes conventionnelles et laisser la plus grande partie de ces villes en parfait état. Et si l’UE/OTAN décide de riposter, alors la Russie mènera une guerre à grande échelle contre l’UE/OTAN et elle la gagnera.
Qu’en est-il de l’administration « Biden » dans un tel scénario ? Le Pentagone sait ce que les missiles russes peuvent lui faire, ainsi qu’à tout autre objectif militaire sur le territoire continental des États-Unis. Je doute fort que l’État profond américain soit prêt à commettre un suicide collectif juste pour essayer de (et échouer à !) protéger l’UE. De toute façon les Russes n’ont aucune intention ou capacité d’envahir l’UE, alors pourquoi détruire les États-Unis pour une menace qui n’existe même pas !
Est-ce que « Biden » veut entrer dans l’histoire comme « le Président qui a perdu l’Europe » ?
Est-ce que « le président qui a déclenché un holocauste nucléaire » serait plus parlant ?
En rendant publiques ses exigences, la Russie a donc (pour la première fois et enfin !!) également envoyé un message aux peuples de l’Ouest. Ce message peut se résumer ainsi : nous ne voulons pas la guerre mais, si vous insistez, nous nous y engagerons.
Et, pour la première fois depuis 1991, la Russie dispose des moyens concrets pour atteindre ces objectifs.
Voilà, je crois que nous avons compris.
Maintenant, nous devons également nous attaquer au gros morceau : le parti de la guerre américain et, plus encore, les infantiles de l’UE sous crack. Pour eux, défaire l’OTAN serait tout à fait inacceptable… ou pas ?
Le parti de la guerre américain est juste cela, américain. Et si certaines têtes qui parlent dans la boite qui rend idiot ressemblent à de véritables « faucons », les professionnels de l’armée américaine connaissent, eux, la vérité. Non seulement cela, mais l’« aile intelligente » du parti de la guerre comprend que les États-Unis ont désespérément besoin de temps et d’un retrait ordonné, même si ce n’est que temporaire ! Leur jeu est, comme je l’ai dit à plusieurs reprises, un jeu que j’appelle la « barbichette nucléaire » mais, surtout, un jeu qui ne doit pas déclencher une guerre nucléaire réelle dont ils n’ont pas besoin du tout (ne serait-ce que parce qu’ils mourraient probablement eux-mêmes).
Il reste donc les infantiles de l’UE sous crack. Je vais dire quelque chose de terrible, et je me sens vraiment mal d’écrire cela, mais je ne vois qu’une seule méthode pour ramener les Européens à la réalité : La Russie doit les vaincre militairement, une fois de plus, comme elle l’a fait maintes et maintes fois dans son histoire. D’une manière ou d’une autre, les mégalomanes narcissiques qui administrent actuellement le continent européen au nom des États-Unis ne connaissent pas l’histoire et ne refréneront pas leur profond sentiment de supériorité raciale sur les hordes asiatiques russes sous-humaines. Ces prétendus Kulturtraegers modernes et autres Herrenvolk détestent toujours la Russie pour avoir vaincu Hitler, Napoléon et tous les autres, et pour eux, leur phobie (dans le sens de la haine et de la peur) de tout ce qui est russe fait maintenant partie de leur identité, quelque chose de sacré pour eux et au diable ceux qui pensent autrement !
Voici ce qu’il a fallu faire la dernière fois
Le seul moyen efficace de ramener la « Race Maitresse européenne » à la réalité est bien connu (voir photo i contre).
Je dirais qu’un tel résultat va directement à l’encontre des intérêts des États-Unis et de la Russie. Et, plus évidemment, elle va totalement à l’encontre des intérêts des peuples d’Europe.
Mais si ces derniers ne font rien pour empêcher une telle issue, alors c’est aux États-Unis et à la Russie de l’empêcher.
Et si les États-Unis ne l’empêchent pas, alors la Russie le fera.
Quant à l’idée que des boycotts, des sanctions (même depuis l’enfer !) ou l’annulation du NordStream 2 arrêteront les Russes, elle est vraiment plus que ridicule. La dernière fois, la Russie a perdu 27 millions de personnes et a reconstruit son économie en une décennie.
Conclusion
Ce n’est donc pas un bluff russe mais un véritable ultimatum. En fait, il est si réel qu’il a été rendu public pour deux raisons, je crois : d’abord, bien sûr, pour tenter de réveiller les peuples occidentaux et, ensuite, pour « délier les mains » moralement de la Russie en cas de guerre totale.
Les analystes occidentaux supposent toujours que les gestes publics leur sont en quelque sorte exclusivement destinés. Ils ont tort. Cet ultimatum s’adresse également au peuple russe et aux forces armées russes et leur dit ceci : « Peuple de Russie, nous avons fait tout ce que nous pouvions pour éviter cela, nous avons plaidé et supplié pendant des décennies, et nous avons reculé sur de nombreux fronts, mais malgré cela, l’Occident continue de faire pression. Nous ne permettrons jamais qu’un 22 juin se reproduise. Préparez-vous à la guerre ».
Je terminerai par trois citations de Poutine lui-même :
« En tant que citoyen de Russie et chef de l’État russe, je dois me demander : Pourquoi voudrions-nous un monde sans la Russie ? »
« Il y a cinquante ans, les rues de Leningrad m’ont appris une chose : si un combat est inévitable, il faut frapper le premier. »
« Tout agresseur doit savoir que rendre les coups sera inévitable et qu’il sera détruit. Et puisque nous serons les victimes de son agression, nous irons au paradis en tant que martyrs. Eux, ils tomberont simplement raide morts, ils n’auront même pas le temps de se repentir ».
Andrei
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone
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Source : Lire l'article complet par Le Saker Francophone
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