« Sa présence aux côtés d’Éric Zemmour s’explique cependant par la face cachée de son CV : une expérience politique jugée précieuse, au sein des mouvements de jeunesse du Front national, puis du parti fondé par Bruno Mégret, le Mouvement national républicain ( MNR)… »
C’est La Lettre A, « le quotidien de l’influence et des pouvoirs », qui a sorti l’information dans son édition du 8 décembre 2021 : Philippe Schleiter, consultant RH dans le civil, s’occupe des investitures (probables) « pour le parti d’Éric Zemmour », qui a un parti tout neuf. Le mouvement de l’essayiste, passé du journalisme politique à la politique pure, s’est effectivement transformé en parti, dont le nom a été révélé le 5 décembre 2021 par l’intéressé lui-même :
Une reconquista qui avait déjà été utilisée par Arnaud Monterbourg, enfin presque, puisqu’il avait placé sont retour en politique (après les abeilles) sous le signe de la remontada, cette image footballistique qui décrit un club perdant au match aller et qui renverse avec panache la vapeur au match retour.
Le grand public ignorant qui est Schleiter, la première recherche tombe sur un long article (un chapitre) de Valérie Igounet, grande sioniste devant l’Éternel et (logiquement) pourfendeuse d’antisionistes. Elle cite longuement Martin Peltier :
Aujourd’hui, le négationnisme apparaît comme un enjeu principal pour les idéologues frontistes, comme le ciment de tout un édifice idéologique. Le Front national ne fait pas que s’accommoder de la négation des chambres à gaz, il s’en nourrit. Martin Peltier l’exprime admirablement :
« Nous autres, à l’extrême droite, sommes fondamentalement révisionnistes. Pourquoi ? Parce que nous aimons l’Histoire, c’est un trait constitutif de notre esprit politique, et que la méthode historique n’est rien d’autre qu’une révision permanente. […] Nous sommes des vaincus de l’Histoire récente, il suffit, pour s’en convaincre, de regarder comment s’est constitué le mouvement national aujourd’hui conduit par Jean-Marie Le Pen. Ses chapelles sont nombreuses, mais son noyau d’origine est issu des guerres de décolonisation, et principalement de la guerre d’Algérie. C’est en réaction à l’injustice et au mensonge sécrétés par l’issue de cette guerre que sont créés les divers mouvements dont allait naître le Front national. Et, dès lors, un souci révisionniste nous animait. […] Donc, notre mouvement national s’est formé autour des vaincus de la guerre d’Algérie, en quête de révision et de réhabilitation historique. Très vite s’y sont agrégés des vaincus d’autres combats, ceux de la dernière guerre mondiale, bien sûr, qu’ils fussent maréchalistes ou collaborateurs d’obédiences diverses […]. […] L’extrême droite, dans toutes ses composantes, est révisionniste par construction. Elle s’emploie à rétablir l’Histoire constamment faussée du déclin français. […] À la fin des années 70, à l’initiative d’un professeur de Vichy, […] le souci de révision historique fut accaparé par une question intellectuellement mineure mais symboliquement forte, celle de l’existence, ou de l’inexistence, des chambres à gaz homicides utilisées massivement contre les Juifs et les Tziganes par les nazis. L’Établissement politique en a fort habituellement fait un abcès de fixation : le bruit mené autour interdit pratiquement de réviser d’autres questions autrement importantes depuis quinze ans, et a permis de plomber ceux qui, par fierté naturelle et liberté d’esprit, tel Jean-Marie Le Pen, refusent de réciter à genoux le credo exigé . »
Puis elle enchaîne sur l’affaire du « détail » :
En février 1997, un sondage « IPSOS Opinion-France 2-Le Figaro » rapporte que 49 % des personnes interrogées estiment que le FN est un « parti comme les autres » ; 45 % pensent que la présence de députés FN à l’assemblée serait une « bonne chose ». À cette époque, les dirigeants du Front national poursuivent leur travail de sape de la mémoire de la Seconde Guerre mondiale. Jean-Marie Le Pen revient, dans un journal américain, sur le « détail » et explique que, quand il dit que les « chambres à gaz sont un détail de l’histoire de la Deuxième Guerre mondiale, c’est évident. C’est une évidence ». L’information est répercutée en France. Les propos passent. Aux élections législatives du printemps 1997, le Front national présente sa liste de « députés pour un grand changement ».
Parmi eux, figurent Éric Delcroix (pour la seconde circonscription de l’Oise), Pierre Vial (pour la sixième circonscription du Rhône), Bruno Gollnisch (pour la treizième circonscription du Rhône), Xavier Schleiter – le neveu de Robert Faurisson, actif au sein du GRECE – (pour la dix-huitième circonscription de Paris), Jean-Yves Le Gallou, Pierre Pauty, etc. Ces quelques personnes présentent un rapport privilégié avec le négationnisme. Le Front national explique alors vouloir être le « noyau » de la recomposition de la droite française. La question des alliances avec le parti d’extrême droite se pose. Des signes de complaisance parviennent aux extrémistes. Le négationnisme peut faire figure d’argument électoral. Dans une lettre qu’il adresse à Bernard Antony, Jacques Limouzy, ancien ministre et député RPR du Tarn, se dit, « bien entendu, tout à fait hostile à toutes les vérités officielles en matière d’histoire » et s’exprime pour la remise en cause des lois condamnant le racisme et l’antisémitisme, notamment la loi Gayssot.
Las, pour Igounet, il s’agit de Xavier Schleiter. Poursuivant nos recherches, nous tombons sur un article de Libération datant du 10 mai 1997 et consacré au pedigree des candidats FN aux législatives de 1997 :
La nébuleuse négationniste constitue un autre réservoir de postulants frontistes. Avocat au barreau de Paris et défenseur de Robert Faurisson, Éric Delcroix en appelle à l’électorat dans la 2e circonscription de l’Oise. Auteur d’un ouvrage titré la Police de la pensée contre le révisionnisme, il a été condamné en 1996 par le tribunal correctionnel de Paris pour « contestation de crimes contre l’humanité » pour avoir qualifié de « mythe » et de « croyance de nature de moins en moins scientifique et de plus en plus religieuse » l’extermination des juifs par les nazis. Le propre neveu de Robert Faurisson, Xavier Schleiter, concourt sous l’étiquette FN dans le XVIIIe arrondissement de Paris. Il a notamment participé à l’encadrement du camp d’été de la filiale « jeune et paramilitaire » du Grece (Groupement de recherches et d’études pour la civilisation européenne).
Nulle trace de Philippe, dont seules les initiales ont été divulguées par le quotidien L’Opinion. C’est finalement La Lettre A qui lève le mystère :
Et qui livre le pseudonyme de Philippe sur Radio Courtoisie. On apprend ainsi que le frère de Xavier, le consultant RH donc, qui œuvre déjà pour Zemmour, a co-lancé « la fondation Polémia avec Jean-Yves Le Gallou, un think tank, écrit La Lettre A, qui prolonge le GRECE d’Alain de Benoist » (Groupement de recherche et d’études pour la civilisation européenne). On apprend en outre que ce consultant travaille pour de gros clients, dont Naval Group, qui vient de louper le contrat du siècle avec les sous-marins destinés à l’Australie, General Electric (qui a mangé un morceau d’Alstom [1]) ou Lafarge (groupe qui a été inquiété pour avoir financé l’État islamique en Syrie).
Pour finir, une citation de Schleiter, qui admire Poutine, et qui rêve de « bâtir l’axe Paris-Berlin-Moscou seul capable de donner à l’Europe sa sphère d’influence et de survie », ce qui en soi est très gaulliste (l’Europe du Général allait de l’Atlantique à l’Oural, mais pas l’Atlantique du traité du même nom).
Se garder des amalgames, donc, tout en étudiant les filiations, politiques et familiales, telle est la leçon de cette surprenante information, qui ne va pas tarder à faire vibrer le milieu médiatico-politique gauchisant, déjà échaudé par la candidature d’Éric Zemmour.
Source: Lire l'article complet de Égalité et Réconciliation