Pour la quatrième fois depuis le début de la crise sanitaire, faisant face à un gouvernement aphone, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) pointe le manque de preuves permettant d’apprécier l’efficacité des mesures sanitaires.
Silence radio du côté de l’exécutif
En septembre 2020, quand la CNIL rendait son premier avis sur les dispositifs sanitaires, elle soulignait que ces derniers ne pouvaient être “justifiés que si leur utilité [était] suffisamment avérée au regard de l’évolution sanitaire du pays”. À ce moment-là, il s’agissait de contrôler l’utilisation des fichiers SI-DEP (centralisation des résultats des tests) et Contact Covid, ainsi que de l’application StopCovid.closevolume_off
Depuis, sans jamais obtenir une quelconque réponse de l’exécutif, l’institution est revenue à la charge par trois fois, en janvier 2021, en juin 2021, et finalement, le 30 novembre 2021.
Multiplications des dispositifs, mais pas des preuves
Depuis mars 2020, les mesures sanitaires, que d’aucuns jugent liberticides, se sont multipliées. Le traçage des contacts, les confinements, les couvre-feux, le passe sanitaire… Au nom de la santé des Français, la surveillance des données (qu’elles soient médicales ou identitaires) est devenue la norme. Une norme que la CNIL s’évertue, tant bien que mal, à réguler :
TousAntiCovid, SI-DEP, Contact-COVID, Vaccin COVID, passe sanitaire : à la suite de ses précédents avis et de ses 42 contrôles, la CNIL fait un nouveau bilan de ses actions concernant les systèmes et dispositifs mis en place par le gouvernement depuis 18 mois pour lutter contre l’épidémie de COVID-19.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que le bilan est mitigé. À la lecture du rapport, l’on peut lire çà et là que la CNIL relève “une conservation trop longue des données”, “une information incomplète des patients”, une “absence d’anonymisation des données d’utilisations” ou encore un “défaut d’information des personnes candidates à la vaccination”…
Par-dessus le marché, ce qui fait grand bruit sur les réseaux, c’est la question du passe sanitaire. À ce sujet, “la CNIL a invité le ministère à limiter expressément les finalités (objectifs) du dispositif envisagé et à prévoir une bonne information des personnes concernées, notamment sur les modalités de génération d’un nouveau passe.”
Le passe “sanitaire” l’est-il vraiment ?
Pour reprendre les termes de la CNIL, il faudrait “limiter les finalités du dispositif”. Cela signifie-t-il limiter la protection de la santé des Français ? Ou alors, que l’adjectif “sanitaire” ne colle pas vraiment au passe tel qu’on l’expérimente depuis le mois d’août 2021 ?
Alors que l’on traverse une cinquième vague de contaminations (dont l’existence même est remise en cause par plusieurs scientifiques), portée par le variant Delta en attendant le nouveau venu Omicron, il est plus que jamais temps de démontrer l’utilité du passe sanitaire. Depuis qu’il est avéré que les injections ne protègent pas totalement de la contamination ni de la transmission, la réservation de certains lieux aux seuls vaccinés apparaît caduque, même aux yeux des plus fervents défenseurs de la vaccination.
Pourtant, la danse des écouvillons se poursuit de plus belle, les QR codes sont générés à la pelle et les Français s’habituent à montrer patte blanche avant de se montrer en public. Et au vu des récentes annonces de notre gouvernement, difficile de croire que la gestion de la crise puisse se faire autrement qu’avec le passe sanitaire… En guise de preuve de son efficacité, tour à tour, Jean Castex, Olivier Véran et Gabriel Attal brandissent les chiffres de la vaccination. Ainsi, le fait que les Français se ruent vers les injections démontrerait l’utilité du passe sanitaire.
Tout le monde ne s’y trompe pas
Le passe sanitaire a tôt fait de diviser la population. Avant même son instauration, il avait donné lieu à une forte contestation parlementaire et citoyenne. En figure de proue, le sénateur Loïc Hervé, par ailleurs membre de la CNIL, martèle depuis plusieurs mois l’on peut être pour la vaccination et contre le passe sanitaire. Rappelant de temps à autre l’importance de la rationalité scientifique :
Artistes, citoyens, parlementaires européens, chercheurs, médecins ou scientifiques luttent contre l’irrationalité du gouvernement et militent pour plus de transparence. Parallèlement à cela, les actions en justice se multiplient, elles aussi.
Voir aussi : “Nous n’obéissons plus au droit parce qu’il est juste mais parce que nous avons peur de la sanction” Pierre Gentillet
Si la CNIL s’en tient à son rôle consultatif, sans ouvrir de procédure judiciaire, elle a au moins le mérite d’ouvrir des brèches. Fabrice Di Vizio ne manque pas à l’appel, annonçant hier qu’il déposait un recours ce matin en référé, auprès du Conseil d’État, pour demander la suspension du passe dans son principe.
Au téléphone, l’avocat nous confie que le gouvernement, puisqu’il ne semble pas avoir de preuves solides, “n’a aucun intérêt à répondre”. Cela étant, s’il est mis sous contrainte d’une injonction judiciaire, il ne pourra pas faire planer le mystère éternellement. Raison pour laquelle Fabrice Di Vizio se saisit de l’affaire et s’apprête à demander deux choses au Conseil d’État : dans un premier temps, d’ordonner au gouvernement de répondre à la CNIL, puis de suspendre le passe sanitaire.
Malgré sa nature enthousiaste, l’avocat ne cache pas son scepticisme quant à l’issue de ce référé, prédisant qu’il ne se passera pas grand-chose avec le Conseil d’État. Initialement, ils avaient demandé à ce que le dispositif ne soit pas une incitation déguisée à la vaccination et s’en tienne au contrôle de la propagation du virus. Pour autant, l’avocat nous confie : « À chaque fois que je les appelle, ils m’assurent que le passe sanitaire poursuit son objectif de gestion de l’épidémie. » Et d’ajouter : « Ils se bloquent eux-mêmes ! Ils s’embourbent avec le gouvernement dans un manque de rigueur et un silence questionnable. »
Pour Me Di Vizio, la suite des événements est relativement claire : « Ce passe sanitaire a toujours été une obligation déguisée. Beaucoup se sont fait vacciner pour le respecter, mais maintenant que le gouvernement doit faire face aux irréductibles gaulois, il va devoir changer de stratégie. Donc en guise de réponse, il va probablement abandonner le passe sanitaire et nous dire quelque chose comme “Tous les Français n’acceptent pas de se faire vacciner, donc le passe sanitaire ne peut pas remplir son objectif. Avec le variant Omicron, il faut prendre des décisions…” Et voilà l’obligation vaccinale. »
Auteur(s): FranceSoir
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