La Russie est prête pour une « transformation » de la sécurité du golfe Persique

La Russie est prête pour une « transformation » de la sécurité du golfe Persique

par Pepe Escobar.

La Russie est le seul État à disposer de l’influence, des outils, des avantages et des relations nécessaires pour faire évoluer le golfe Persique vers un nouveau paradigme de sécurité.

Il est impossible de comprendre la reprise des négociations nucléaires du JCPOA à Vienne sans tenir compte des graves turbulences internes de l’administration Biden.

Chacun et son voisin connaît les attentes directes de Téhéran : toutes les sanctions – sans exception – doivent être levées de manière vérifiable. Ce n’est qu’à ce moment-là que la République islamique reviendra sur ce qu’elle appelle les « mesures correctives », c’est-à-dire l’accélération de son programme nucléaire pour répondre à chaque nouvelle « punition » américaine.

La raison pour laquelle Washington ne présente pas une position aussi transparente est que sa situation économique est, bizarrement, bien plus alambiquée que celle de l’Iran sous sanctions. Joe Biden est maintenant confronté à une dure réalité intérieure : si son équipe financière augmente les taux d’intérêt, le marché boursier s’effondrera et les États-Unis seront plongés dans une profonde détresse économique.

Les démocrates paniqués envisagent même la possibilité d’autoriser la mise en accusation de Joe Biden par une majorité républicaine lors du prochain Congrès, en raison du scandale Hunter Biden.

Selon une source de sécurité nationale américaine non partisane, il y a trois choses que les démocrates pensent pouvoir faire pour retarder le jugement final :

Premièrement, vendre une partie des stocks de la réserve stratégique de pétrole en coordination avec leurs alliés pour faire baisser les prix du pétrole et l’inflation.

Deuxièmement, « encourager » Pékin à dévaluer le yuan, rendant ainsi les importations chinoises moins chères aux États-Unis, « même si cela augmente sensiblement le déficit commercial américain ». Ils proposent de négocier les tarifs douaniers de Trump en échange. En supposant que cela se produise, et c’est un grand si, cela aurait en pratique un double effet, faisant baisser les prix de 25% sur les importations chinoises en tandem avec la dépréciation de la monnaie.

Troisièmement, « ils prévoient de conclure un accord avec l’Iran, quoi qu’il arrive, pour permettre à son pétrole de revenir sur le marché, faisant ainsi baisser le prix du pétrole ». Cela impliquerait que les négociations actuelles à Vienne aboutissent rapidement, car « ils ont besoin d’un accord rapidement. Ils sont désespérés ».

Il n’y a absolument aucune preuve que l’équipe qui dirige actuellement l’administration Biden sera en mesure de réaliser les points deux et trois ; pas si l’on tient compte des réalités de la Guerre froide 2.0 contre la Chine et de l’iranophobie bipartisane.

Néanmoins, le seul enjeu qui préoccupe vraiment les dirigeants démocrates, selon la source du renseignement, est que ces trois stratégies leur permettent de tenir jusqu’aux élections de mi-mandat. Ensuite, ils pourraient être en mesure de relever les taux d’intérêt et de se donner le temps d’une certaine stabilisation avant le scrutin présidentiel de 2024.

Comment les alliés des États-Unis réagissent-ils à cette situation ? Des mouvements assez intrigants sont dans les cartes.

En cas de doute, optez pour le multilatéral

Il y a moins de deux semaines à Riyad, le Conseil de Coopération du Golfe (CCG), lors d’une réunion conjointe avec la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni, ainsi que l’Égypte et la Jordanie, a déclaré à l’envoyé américain pour l’Iran, Robert Malley, qu’à toutes fins utiles, il souhaitait que le nouveau cycle du JCPOA aboutisse.

Une déclaration commune, partagée par les Européens et les Arabes, note qu’« un retour au respect mutuel [de l’accord nucléaire] serait bénéfique pour l’ensemble du Moyen-Orient et permettrait de multiplier les partenariats régionaux et les échanges économiques, ce qui aurait des répercussions durables sur la croissance et le bien-être de tous les habitants de la région, notamment en Iran ».

Cette déclaration est loin d’impliquer une meilleure compréhension de la position de l’Iran. Elle révèle, en fait, l’état d’esprit prédominant du CCG, régi par la peur : il faut faire quelque chose pour apprivoiser l’Iran, accusé d’avoir mené des « activités récentes » malveillantes, comme le détournement de pétroliers et l’attaque de soldats américains en Irak.

Voilà donc ce que le CCG propose aux Américains. Maintenant, comparez-le avec ce que les Russes proposent à plusieurs protagonistes en Asie occidentale.

Pour l’essentiel, Moscou fait revivre le concept de sécurité collective pour la région du golfe Persique, une idée qui mijote depuis les années 1990. Voici en quoi consiste ce concept.

Si le raisonnement de l’administration américaine est, comme on pouvait s’y attendre, à court terme – nous avons besoin que le pétrole iranien revienne sur le marché – la vision russe vise un changement systémique.

Le concept de sécurité collective appelle à un véritable multilatéralisme – ce qui n’est pas exactement la tasse de thé de Washington – et à « l’adhésion de tous les États au droit international, aux dispositions fondamentales de la Charte des Nations unies et aux résolutions du Conseil de Sécurité des Nations unies ».

Tout cela est en contraste direct avec l’impérial « ordre international fondé sur des règles ».

Il est trop exagéré de penser que la diplomatie russe en soi est sur le point d’accomplir un miracle : une entente cordiale entre Téhéran et Riyad.

Pourtant, on constate déjà des progrès tangibles, par exemple entre l’Iran et les Émirats Arabes Unis. Le vice-ministre iranien des Affaires étrangères, Ali Bagheri, a tenu une « réunion cordiale » à Dubaï avec Anwar Gargash, conseiller principal du président des EAU, Khalifa bin Zayed Al Nahyan. Selon Bagheri, ils ont « convenu d’ouvrir une nouvelle page dans les relations entre l’Iran et les EAU ».

Sur le plan géopolitique, la Russie est l’as de la situation : elle entretient de bonnes relations avec tous les acteurs du golfe Persique et au-delà, discute fréquemment avec chacun d’eux et est largement respectée en tant que médiateur par l’Iran, l’Arabie Saoudite, la Syrie, l’Irak, la Turquie, le Liban et les autres membres du CCG.

La Russie propose également le matériel militaire le plus compétitif et le plus moderne au monde pour répondre aux besoins de sécurité de toutes les parties.

Et puis il y a la nouvelle réalité géopolitique globale. La Russie et l’Iran sont en train de forger un partenariat stratégique renforcé, non seulement géopolitique mais aussi géoéconomique, totalement aligné sur le Grand Partenariat eurasiatique conçu par la Russie – et également démontré par le soutien de Moscou à l’ascension récente de l’Iran au sein de l’Organisation de Coopération de Shanghai (OCS), le seul État d’Asie occidentale à y être admis à ce jour.

En outre, il y a trois ans, l’Iran a lancé sa propre proposition de cadre de sécurité régionale, baptisée HOPE (Hormuz Peace Endeavor), dans l’intention de réunir les huit États riverains du golfe Persique (y compris l’Irak) pour aborder et résoudre les questions essentielles de coopération, de sécurité et de liberté de navigation.

Le projet iranien n’est pas allé très loin. Alors que l’Iran souffre de relations conflictuelles avec certains de ses destinataires, la Russie n’a pas ce bagage.

Le jeu à 5400 milliards de dollars

Et cela nous amène à l’angle essentiel du Pipelineistan, qui, dans le cas de la Russie et de l’Iran, tourne autour du nouveau champ gazier de Chalous, dans la mer Caspienne, qui vaut plusieurs milliards de dollars.

Un récent article à sensation a décrit Chalous comme permettant à la Russie de « s’assurer le contrôle du marché européen de l’énergie ».

C’est loin d’être le cas. En fait, Chalous permettra à l’Iran – avec l’aide de la Russie – de devenir un important exportateur de gaz vers l’Europe, ce que Bruxelles apprécie manifestement. Le directeur de la société iranienne KEPCO, Ali Osouli, s’attend à ce qu’un « nouveau centre gazier soit formé dans le nord pour permettre au pays de fournir 20% des besoins en gaz de l’Europe ».

Selon la société russe Transneft, Chalous pourrait couvrir à lui seul 52% des besoins en gaz naturel de l’ensemble de l’Union européenne au cours des vingt prochaines années.

Chalous n’est pas une mince affaire : il s’agit d’un site à deux champs, séparés par environ neuf kilomètres, le deuxième plus grand bloc de gaz naturel de la mer Caspienne, juste derrière Alborz. Il pourrait contenir des réserves de gaz équivalentes à un quart de l’immense champ gazier de South Pars, ce qui le placerait au 10ème rang des réserves de gaz du monde.

Chalous est un exemple concret de coopération géoéconomique entre la Russie, l’Iran et la Chine (RIC). Les spéculateurs occidentaux se sont empressés de proclamer que l’accord gazier de 20 ans constituait un revers pour l’Iran. La répartition finale, qui n’a pas été entièrement confirmée, est la suivante : 40% pour Gazprom et Transneft, 28% pour les chinois CNPC et CNOOC, et 25% pour la société iranienne KEPCO.

Des sources moscovites confirment que Gazprom gérera l’ensemble du projet. Transneft sera en charge du transport, CNPC est impliquée dans le financement et les facilités bancaires, et CNOOC sera en charge des infrastructures et de l’ingénierie.

La valeur de l’ensemble du site de Chalous a été estimée à 5,4 billions de dollars.

L’Iran ne pourrait pas disposer des fonds nécessaires pour s’attaquer seul à une entreprise d’une telle ampleur. Ce qui est définitivement établi, c’est que Gazprom a offert à KEPCO toute la technologie nécessaire à l’exploration et au développement de Chalous, ainsi qu’un financement supplémentaire, en échange d’un accord généreux.

Moscou a également réitéré son soutien total à la position de Téhéran au cours du cycle actuel du JCPOA à Vienne, ainsi que dans d’autres questions liées à l’Iran au Conseil de Sécurité des Nations unies.

Les petits caractères sur tous les aspects clés de Chalous pourraient être révélés avec le temps. Il s’agit d’un partenariat stratégique géopolitique/géoéconomique gagnant-gagnant-gagnant de facto pour la Russie, l’Iran et la Chine. Et il va bien au-delà du fameux « accord de 20 ans » sur les produits pétrochimiques et les ventes d’armes conclu par Moscou et Téhéran en 2001, lors d’une cérémonie au Kremlin au cours de laquelle le président Poutine a accueilli le président iranien de l’époque, Mohammad Khatami.

Il n’y a pas deux façons de le dire. S’il est un pays qui dispose de l’influence, des outils, des avantages et des relations nécessaires pour faire entrer le golfe Persique dans un nouveau paradigme de sécurité, c’est bien la Russie, suivie de près par la Chine.

Pepe Escobar

source : https://thecradle.co
traduit par Réseau International
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À propos de l'auteur Réseau International

Site de réflexion et de ré-information.Aujourd’hui nous assistons, à travers le monde, à une émancipation des masses vis à vis de l’information produite par les médias dits “mainstream”, et surtout vis à vis de la communication officielle, l’une et l’autre se confondant le plus souvent. Bien sûr, c’est Internet qui a permis cette émancipation. Mais pas seulement. S’il n’y avait pas eu un certain 11 Septembre, s’il n’y avait pas eu toutes ces guerres qui ont découlé de cet évènement, les choses auraient pu être bien différentes. Quelques jours après le 11 Septembre 2001, Marc-Edouard Nabe avait écrit un livre intitulé : “Une lueur d’espoir”. J’avais aimé ce titre. Il s’agissait bien d’une lueur, comme l’aube d’un jour nouveau. La lumière, progressivement, inexorablement se répandait sur la terre. Peu à peu, l’humanité sort des ténèbres. Nous n’en sommes encore qu’au début, mais cette dynamique semble irréversible. Le monde ne remerciera jamais assez Monsieur Thierry Meyssan pour avoir été à l’origine de la prise de conscience mondiale de la manipulation de l’information sur cet évènement que fut le 11 Septembre. Bien sûr, si ce n’était lui, quelqu’un d’autre l’aurait fait tôt ou tard. Mais l’Histoire est ainsi faite : la rencontre d’un homme et d’un évènement.Cette aube qui point, c’est la naissance de la vérité, en lutte contre le mensonge. Lumière contre ténèbres. J’ai espoir que la vérité triomphera car il n’existe d’ombre que par absence de lumière. L’échange d’informations à travers les blogs et forums permettra d’y parvenir. C’est la raison d’être de ce blog. Je souhaitais apporter ma modeste contribution à cette grande aventure, à travers mes réflexions, mon vécu et les divers échanges personnels que j’ai eu ici ou là. Il se veut sans prétentions, et n’a comme orientation que la recherche de la vérité, si elle existe.Chercher la vérité c’est, bien sûr, lutter contre le mensonge où qu’il se niche, mais c’est surtout une recherche éperdue de Justice.

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