par Kahina Sidhoum.
Commencé dimanche 28 novembre 2021, le forum de coopération Chine-Afrique, le 8e du nom, se termine aujourd’hui à Dakar avec un bilan, des critiques et de nouvelles attentes des relations sino-africaines sur un terrain que les «partenaires» occidentaux entendent ne pas lâcher. Si on est loin de l’enthousiasme d’il y a moins d’une dizaine d’années par les «nouvelles routes de la soie» (Belt and Road), synonyme depuis leur annonce en 2013 d’émergence d’un nouveau monde, si des acteurs continentaux se mettent à accuser les entreprises chinoises de ne s’intéresser qu’aux richesses du sous-sol, les échanges entre Pékin et les Etats africains ont atteint un niveau considérable avec des perspectives annonciatrices de nouvelles lignes de prospection et de rapprochement.
Pour le bilan, la relation entre la Chine et les pays africains a profondément changé. Depuis 2000, année de la première édition du sommet Chine-Afrique, les échanges entre les deux parties ont été multipliés par 20, atteignant plus de 200 milliards de dollars, une estimation qui fait de Pékin le premier partenaire commercial de l’Afrique.
En deux décennies, la Chine est également devenue le premier bailleur de nombreux pays africains. Elle s’est également imposée sur le continent comme un acteur géopolitique de premier plan, jusqu’à damer le pion aux puissances occidentales, France et Etats-Unis en tête.
Pour les critiques, les opérateurs chinois sont accusés de reproduire les mêmes schémas de «coopération» que les Occidentaux, de ne s’intéresser qu’aux activités extractives, aux richesses du sous-sol africain et de ne prêter leur argent qu’à leurs conditions ; au seul bénéfice de leurs entreprises et de leurs personnels et en bénéficiant d’avantages fiscaux.
Dirigé contre eux par leurs rivales occidentales, mais de plus en plus repris par des acteurs africains eux-mêmes, le discours accusateur des entreprises chinoises en Afrique incrimine le «déséquilibre des échanges commerciaux» dont elles tirent profit ainsi que leurs pratiques sociales ou environnementales qualifiées de «prédation».
Dans les faits, on relève une prudence des banques chinoises à s’engager davantage en Afrique. Les investissements réalisés dans le cadre de la Route de la soie sont passés de 11 milliards de dollars en 2017 à 3,3 milliards en 2020. Par ailleurs, Pékin fait face au reproche de se servir des dettes contractées par les Etats africains comme un moyen de pression et d’influence sur les pays du continent en situation d’incapacité à honorer leurs engagements.
Pourtant, les chiffres varient et il est difficile de connaître l’ampleur exacte des créances des Etats africains. Selon la China Africa research initiative, entre 2000 et 2019, la Chine a prêté aux pays du continent 153 milliards d’euros. Mais cette créance est très variable d’un Etat à l’autre. L’Angola à lui seul cumule 30% de cette dette, indiquent des observateurs.
Vendredi, le ministère chinois des Affaires étrangères a rejeté l’accusation de se servir de la dette en Afrique. Il a invoqué le manque de fonds propres des pays africains comme entravant leur développement social. Depuis 2016, les montants des prêts sont en baisse. Et ces derniers mois, la Chine a accepté d’effacer ou de réévaluer la dette de certains Etats.
Fin 2020, selon les autorités chinoises, 43 milliards de dollars ont été injectés sur le continent via des entreprises chinoises. 3 500 se seraient implantées. Les entreprises chinoises ont construit ou modernisé plus de 10 000 kilomètres de chemin de fer et près de 100 000 kilomètres de routes en Afrique, rappelait le porte-parole de la diplomatie chinoise vendredi. A cause de la pandémie de la Covid-19, de grands investissements chinois prévus en Afrique sont aujourd’hui en souffrance. La ligne de chemin de fer à grande vitesse entre Mombassa et l’Ouganda n’est plus financée, tout comme l’autoroute entre Douala et Yaoundé au Cameroun ou encore un grand projet de chemin de fer en Ethiopie.
Des attentes économiques et sécuritaires
Pour les attentes, elles ont été résumées par le ministre sénégalais de l’Economie. «On a beaucoup d’investissements en dette, il nous faut plus d’investissements en fonds propres», a dit à Amadou Hott devant le ministre chinois des Affaires étrangères Wang Yi. La coopération entre la Chine et les pays africains doit «viser plus d’investissements directs étrangers chinois en Afrique», a-t-il ajouté.
Les ministres africains et leurs homologues chinois devront adopter un programme d’action et de coopération Afrique-Chine pour la période 2022-2024, outre un document portant les grandes orientations de la coopération sino-africaine à l’horizon 2035 qui constitue la feuille de route de coopération bilatérale à moyen et à long termes. Dans un livre blanc publié quelques jours avant ce sommet, les autorités chinoises détaillent leurs actions et leurs ambitions en Afrique. Elles parlent d’une «nouvelle ère» fondée sur l’égalité. Parmi les termes employés afin de caractériser cette relation : «Sincérité, résultats réels, amitié et bonne foi».
Outre l’économie, des pays africains souhaitent une implication chinoise sur le terrain sécuritaire et dans la lutte contre les groupes armés. Ainsi, la ministre sénégalaise des Affaires étrangères Aissata Tall Sall a dit espérer, dimanche à l’ouverture du forum sino-africain à Dakar, que la Chine apporte son soutien dans la lutte contre l’insécurité au Sahel. Mme Sall a dit espérer voir la Chine devenir «une voix forte» dans le combat contre le terrorisme dans la région du Sahel. «Nous voudrions que la voix de la Chine, compte tenu de son influence, soit une voix forte pour soutenir le Sénégal et tous les pays engagés dans le problème de l’insécurité au Sahel», a-telle déclaré.
Face à la Chine et à ses «nouvelles routes de la soie», les Occidentaux sont à la riposte. L’Europe est en train de peaufiner son «Global Gateway» avec l’Afrique, un partenariat présenté cet automne par la présidente de la Commission européenne. Pour leur part, les Etats-Unis déploient leur propre outil, «Build Back Better» -reconstruire en mieux. Lors de récente tournée africaine, le chef de la diplomatie américaine Anthony Blinken en a vanté les mérites dans la perspective d’un sommet Afrique-États-Unis en 2022. La Russie, la Turquie, le Brésil et dans une moindre mesure l’Inde sont aussi à l’offensive, soulignent les observateurs.
In fine, les relations de la Chine et de l’Afrique semblent être arrivées à un moment au tournant duquel vont se dessiner de nouvelles lignes de coopération, sans doute axées sur le pragmatisme et la prise en compte des intérêts des uns et des autres.
source:https://www.reporters.dz/
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Source : Lire l'article complet par Réseau International
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