Par Douglas Farrow (Blogue de Douglas Farrow) — Traduit par Campagne Québec-Vie
L’émergence de Nowa Huta
Une société mondiale dans laquelle les citoyens ne sont que des points de données biométriques
Douglas Farrow
Nowa Huta ─ la Nouvelle fonderie [en polonais] ─ est une ville qui fut construite de toutes pièces à la périphérie de Cracovie à partir de 1949, en grande partie à des fins de propagande soviétique, mais aussi comme site d’industrie lourde. Ses habitants prolétaires étaient censés faire contrepoids à la bourgeoisie peu coopérative de la ville historique. Bien que l’endroit ne fût pas vraiment favorable pour une fonderie, de l’acier y serait produit. Les objectifs de propagande étaient moins sûrs de réussir. Éventuellement, le syndicat indépendant et autonome « Solidarité » finit par prendre le dessus, et le rideau de fer lui-même tomba.
L’athéisme d’État avait dicté que l’architecture impressionnante de cette ville utopique ne comporterait aucune église. Ce devait être une ville pour un peuple dont les seuls dieux seraient ceux du stalinisme. En 1960, cependant, des citoyens demandèrent l’autorisation de construire une église. Une croix fut érigée sans permis et des messes furent célébrées en plein air, même par un froid glacial. Chaque fois que la croix illégale était enlevée par les autorités, elle était rapidement remise en place. Un permis de construire fut finalement obtenu et en 1967, la construction de l’église Arka Pana [l’Arche du Seigneur] commença. Dix ans plus tard, elle était consacrée par le cardinal Karol Wojtyła, un an avant qu’il ne devienne pape. L’Arche du Seigneur avait résisté au déluge et s’était posée au cœur de Nowa Huta.
Une cinquantaine d’années plus tard. Les communistes chinois, sous la direction d’un homme aussi meurtrier que Staline, sont les nouveaux dirigeants de l’Orient. Le silicium est le nouveau symbole et l’instrument du pouvoir. Un étrange axe se forme entre l’Orient et l’Occident. Le son qui le caractérise n’est pas celui de l’acier percutant rythmiquement l’acier. La Nouvelle route de la soie en produit encore beaucoup, mais devant, derrière et au-dessus de tout cela, on entend le bourdonnement des données qui circulent par vagues dans le monde beaucoup plus silencieux du silicium et des satellites, de la fibre optique et des tours de communication 5 G. Une ville nouvelle et mondiale, une Babel invisible et presque invincible, est en train de s’ériger. Il y a de la place pour les églises. Les églises ont en effet été poussées à l’intérieur de ses murs ou séduites afin qu’elles en franchissent ses portes, elles y deviennent elles aussi invisibles, mais guère invincibles.
Le monde du silicium est le monde de la propagande par excellence. Ceux qui contrôlent le récit contrôlent tout, et ici il est tout à fait possible de contrôler le récit, comme nous l’avons appris récemment. Inondez la zone, comme on dit. Les contre-narratifs sont par définition de la « désinformation », et la désinformation peut être éliminée par des interventions algorithmiques ou d’autres formes de censure. Il n’est plus nécessaire de raser les églises ou de refuser les permis de construire. Laissez-les opérer dans le cyberespace, où elles peuvent être surveillées et disciplinées si elles s’éloignent trop de la narration. L’arche peut résider dans la ville, mais c’est la ville qui contrôle ses portes, les ouvrant et les fermant.
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