L’auteur est professeur à la retraite de l’École Polytechnique de Montréal et membre du Regroupement Des Universitaires
DES UNIVERSITAIRES / (3e de 3) Ce texte est le dernier d’une série de trois portants sur le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (GIEC). Ces articles ont comme objectif de dresser un court historique de l’étude du climat et de la formation du GIEC, de présenter les principales conclusions du dernier rapport ainsi que de discuter des retombées de la COP26, qui s’est tenue à Glasgow, du 31 octobre au 13 novembre 2021.
L’ampleur des défis
À la COP26 a été adopté le « Pacte de Glasgow » par 197 pays. Cette rencontre, comme les 25 autres avants, n’apporte pas de solution miracle. Elles donnent lieu à des négociations entre États qui ont des intérêts particuliers à défendre. Des lignes de fractures ressortent entre le Nord et le Sud, mais également entre les pays producteurs de combustibles fossiles et les consommateurs, qu’ils soient riches ou non.
Les contributions déterminées au niveau national (CDN) des pays signataires de l’Accord de Paris mèneraient à un réchauffement catastrophique de 2,7°C selon l’ONU. Une analyse du Climate Action Tracker, publiée le 9 novembre, prédit une hausse de 2,4°C en se basant sur les objectifs déposés par les pays participants à la rencontre de Glasgow.
Accords à Glasgow: Espoir
L’Accord de Paris ne contenait aucune mention concernant les combustibles fossiles. Le pacte de Glasgow mentionne explicitement la nécessité de diminuer l’usage du charbon pour la production d’électricité et la fin des subventions inefficaces aux combustibles fossiles. C’est une avancée importante, mais tellement tardive…
Une quarantaine de pays ont publié une déclaration stipulant leur intention de procéder à une transition du charbon vers l’énergie propre, et quelques pays ont lancé une coalition pour sortir complètement de l’extraction du pétrole et du gaz.
Plus de cent pays, dont les États-Unis, se sont engagés à réduire leurs émissions de méthane, un puissant gaz à effet de serre, dont les émissions ont augmenté énormément depuis le début de l’extraction du gaz naturel par fracturation.
Une centaine de pays se sont engagés à mettre fin à la déforestation d’ici 2030. Le Brésil est l’un des signataires, mais la tendance est à l’opposé depuis la prise du pouvoir par Jair Bolsonaro.
Vingt pays, dont les États-Unis, ont promis de ne plus dépenser l’argent de leurs impôts pour financer des projets d’exploitation de combustibles fossiles à l’étranger. Engagement facile à prendre, ce sont les compagnies multinationales qui font le gros des investissements, les banques privées en tout premier lieu.
Les États-Unis et la Chine ont présenté un accord pour renforcer leur action climatique, ce qui a apporté une lueur d’espoir, car ce sont les deux plus grands émetteurs de CO2. Mais la politique américaine peut se montrer très capricieuse selon l’administration qui est à la tête du pays. Un optimisme prudent est de rigueur.
Désaccords à Glasgow: Déception
« La catastrophe climatique frappe toujours à la porte », a déploré le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, à l’issue de la COP26, et ceci au terme de deux semaines de négociations difficiles.
Le texte final demande aux Parties d’accélérer l’élimination progressive du charbon et des subventions aux combustibles fossiles. Mais le texte n’impose aucune contrainte, en plus d’édulcorer la portée en utilisant un vocabulaire qui laisse de grands espaces d’interprétation, par exemple l’utilisation du terme « subventions inefficaces ».
La Chine n’a pas annoncé de nouveaux objectifs climatiques à cette COP. L’an dernier, le pays avait promis d’atteindre un pic d’émissions de GES en 2030, avant de parvenir à la neutralité carbone en 2060. L’Inde, de son côté, ne prévoit pas la carboneutralité avant 2070.
Les plus gros consommateurs et producteurs de charbon n’ont pas signé la promesse de réduire l’utilisation de ce combustible. La Chine, l’Inde, l’Australie, la Russie et les États-Unis sont aussi restés à l’écart. Pour certains pays, comme l’Inde et l’Indonésie, c’est la seule façon de fournir un service essentiel à une population pauvre; pour d’autres, comme l’Australie, c’est une question de commerce. Environ 40% de l’électricité mondiale est encore produite par le charbon.
Les pays les plus pauvres, qui comptent pour une très faible portion des émissions mondiales de GES, demandent aux pays développés qu’un financement prenne en compte les « pertes et préjudices » qu’ils subissent de plus en plus fortement à cause du changement climatique, que ce soit sous forme de sécheresses, inondations, canicules ou tornades. La demande n’a pas été reçue favorablement par les pays du Nord, qui propose un dialogue jusqu’en 2024 pour en analyser les implications.
Autre sujet brûlant, la promesse toujours non tenue des pays riches de porter à cent milliards de dollars par an leur aide aux pays en développement. Là comme ailleurs, les promesses non tenues finissent par saper l’espoir d’un changement global significatif.
Selon le Programme des Nations unies pour le développement, une somme de 423 milliards de dollars est dépensée chaque année en subventions aux combustibles fossiles. Le retrait de ces subventions permettrait pourtant de les rediriger vers l’aide internationale.
Système économique mondial
Les changements climatiques ne sont pas le résultat d’un mauvais fonctionnement du marché, mais plutôt le résultat d’une économie capitaliste qui fonctionne parfaitement en transférant les externalités sur les populations les plus pauvres et les générations futures. Les solutions technologiques, comme la captation et séquestration du carbone, et celles reliées au marché ne régleront pas le problème. Les échanges de droits d’émissions, qui font partie de l’Accord de Paris, permettent de continuer à émettre des GES en se donnant bonne conscience.
Les accords internationaux, comme celui patronné par l’Organisation mondiale du commerce (OMC), sont des accords qui posent des contraintes et limitations réelles aux pays qui désirent protéger leur environnement et le climat. Des modifications à ces accords doivent être faites rapidement pour que soient intégrées des clauses portant sur ces enjeux.
Les blocages au changement
Les grandes puissances parlent, avancent des cibles, mais font peu pour les atteindre. L’excuse: les réalités économiques et sociales à court terme. L’idéologie de la croissance est loin d’être abandonnée. La triste réalité est, qu’en matière de changement climatique, il est impossible de rattraper le temps perdu. Chaque mois où les émissions de carbone se maintiennent à leur niveau actuel contribue d’aggraver la situation.
Dès la fin de la COP26, le plus haut tribunal de l’État de la Louisiane a contredit le président américain en validant la vente de nouveaux permis d’extraction de gaz et de pétrole dans le Golfe du Mexique. Le Canada a octroyé de nouveaux permis avant la COP, même chose pour de nombreux autres pays. Selon une évaluation récente de l’ONU, les émissions annuelles de GES vont augmenter de plus de 13% d’ici la fin de la décennie.
Conclusions
Rappelons que la cible d’augmentation de 1,5°C n’est pas arbitraire; elle représente le seuil au-delà duquel des effets de rétroactions positives pourraient s’amplifier et faire en sorte que les bouleversements climatiques augmenteront même si les émissions cessaient. Les humains auront alors déclenché un dérèglement hors contrôle.
L’urgence climatique est le plus grand danger que l’humanité a rencontré. C’est un danger planétaire. En même temps que ce danger nous guette, c’est une opportunité de trouver des axes de coopérations et d’entraide globale qui n’ont jamais été entrepris dans un monde jusqu’à présent divisé et morcelé. La solution ne peut être que globale et juste. Formidable défi à l’égoïsme de clan qui enferme les humains.
Il n’y aura plus besoin de COP lorsque ces rencontres auront abouti à une solution viable, ce qui voudra dire que les négociations auront permis d’atteindre la carboneutralité en respectant une justice sociale et économique réelle. Espérons que cela adviendra avant que les COP ne cessent parce qu’il n’y aura plus assez d’humains pour les tenir.
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