par Romana Rubeo et Ramzy Baroud.
L’Europe partage de plus en plus l’approche raciste d’Israël en matière de sécurité des frontières et adopte ses technologies meurtrières.
Au début du mois (décembre 2018, ndt), une conférence intergouvernementale s’est tenue à Marrakech, au Maroc, réunissant des dirigeants du monde entier pour parler des migrations mondiales. Après deux jours de délibérations, quelque 150 nations ont signé l’accord du Pacte mondial pour les migrations (GCM), qui appelle à la mise en œuvre de politiques plus humaines pour assurer “des migrations sûres, ordonnées et régulières”.
Mais la conférence et l’accord n’ont fait que mettre en lumière le double langage et l’hypocrisie de l’Occident. Car ce n’est pas du tout la “sécurité” des migrants et des réfugiés en route vers leurs frontières qui préoccupe les pays européens et les États-Unis, mais la sécurité de leurs frontières.
L’industrie de la sécurité des frontières en Europe et aux États-Unis est florissante et, dans les deux cas, Israël, avec ses infâmes politiques de sécurité militarisées, sert de modèle et fournit l’essentiel des technologies. Il n’est donc pas surprenant que les mécanismes de contrôle des frontières européennes et américaines deviennent aussi brutaux et inhumains qu’en Israël.
Dans le cas de l’Europe, cela ne fait aucune différence que certains de ses dirigeants aient fait de timides tentatives pour critiquer l’utilisation par Israël d’une force disproportionnée contre les Palestiniens et son siège dévastateur de Gaza, qui dure depuis près de 12 ans. L’Europe devient un des principaux marchés pour les technologies de guerre et de sécurité israéliennes – les mêmes qui ont été testées et utilisées contre les Palestiniens, les migrants et les réfugiés qui tentent d’approcher les frontières israéliennes.
En fait, l’Europe, et surtout ses puissances montantes d’extrême droite, adopte de plus en plus la manière dont Israël traite les populations “gênantes”.
Le même racisme
“Nous avons le devoir de protéger nos frontières contre les infiltrés illégaux”, a déclaré le Premier ministre israélien (de l’époque, ndt) Benjamin Netanyahou dans une récente déclaration à la presse. “Nous l’avons toujours fait, et nous continuerons à le faire”.
Il est de notoriété publique qu’Israël est un État qui discrimine la population palestinienne autochtone sur la base de la race et de la religion. Ces dernières années, le flux de migrants et de réfugiés africains, qui tentent de demander l’asile en Israël à la frontière du Sinaï, a ajouté une nouvelle composante au racisme israélien, sur la base de la couleur.
En mars de cette année, le grand rabbin séfarade d’Israël a traité les Noirs de “singes”, utilisant l’équivalent hébreu du “mot qui commence par un N*” pendant son sermon hebdomadaire.
Netanyahu, ainsi que d’autres responsables israéliens, reprennent souvent ces discours racistes. “Le “flot” de migrants en provenance d’Afrique est “bien pire” que les actes de terrorisme en provenance du Sinaï”, a-t-il déclaré.
On retrouve de plus en plus le même discours raciste au sein de l’extrême droite européenne.
“La pacchia e’ finita !” (La fête est finie) est un slogan récurrent utilisé par le ministre italien de l’Intérieur (de l’époque, ndt) Matteo Salvini pour véhiculer l’idée totalement erronée que les réfugiés ont l’intention de “vivre aux crochets” du peuple italien.
Des membres du parti La Lega de Salvini ont à plusieurs reprises et sans vergogne qualifié la première ministre italo-africaine d’Italie, Cécile Kienge, de “guenon” et de “prostituée”, des mots horribles qui font partie d’un vocabulaire raciste de plus en plus utilisé par les partis d’extrême droite du pays.
Il n’est donc pas surprenant que Salvini, l’étoile montante de ce que l’on peut considérer comme le mouvement néofasciste italien, soit le bienvenu en Israël.
Lors de sa première visite à Tel Aviv en mars 2016, où il a tenté de blanchir sa réputation de racisme et d’antisémitisme – historiquement associée à l’extrême droite italienne – Salvini a fait l’éloge d’Israël comme étant “l’équilibre parfait de différentes réalités, tout en assurant la loi et l’ordre. C’est certainement un modèle à suivre pour les politiques de sécurité et de lutte contre le terrorisme.”
En juin de cette année (2018, ndt), Salvini est devenu le nouveau ministre de l’Intérieur de l’Italie et, sans doute, l’homme politique le plus puissant du pays. Lorsqu’il est retourné en Israël au début du mois, Netanyahou et lui-même se sont fièrement félicités de leur “amitié”.
Son voyage en Israël est intervenu juste après la conférence de Marrakech, où les deux pays ont également uni leurs efforts pour résister aux politiques visant à assurer une migration “sûre” et digne.
Le gouvernement israélien n’a pas manqué l’occasion de montrer à Salvini la sécurité de ses frontières. Ce dernier a visité la frontière avec le Liban, où – selon son tweet – “les terroristes islamiques creusent des tunnels et installent des missiles pour attaquer Israël”.
Cette visite n’était pas une coïncidence. L’Italie est l’un des nombreux pays européens qui s’intéressent de près aux technologies et stratégies israéliennes en matière de sécurité des frontières et qui font pression pour qu’elles soient adoptées au niveau de l’Union européenne.
Israël et l’engouement de l’Europe pour la sécurité des frontières
L’Agence européenne de garde-frontières et de garde-côtes (FRONTEX) a été à l’avant-garde de l’utilisation de technologies militaires à des fins civiles, malgré les implications évidentes d’une telle politique sur l’érosion des libertés civiles et des droits humains fondamentaux.
Malheureusement, le débat européen sur cette question a été tranché en faveur des partisans de la “sécurité”. Il y a quelques années à peine, le débat sur la possibilité d’utiliser des drones pour contrôler les migrations et les itinéraires des réfugiés s’est imposé dans les médias et les milieux politiques européens.
À l’époque, beaucoup ont fait valoir que ces technologies pouvaient porter atteinte aux droits fondamentaux, tels que la vie privée, le droit d’asile – qui est protégé par le droit international – la liberté de circulation, etc.
Aujourd’hui, le déploiement de drones militaires est devenu une évidence, car le discours sur la sécurité nationale a prévalu dans la sphère publique, grâce aux harangues alarmistes et aux politiques de division.
En 2009, le marché européen de la sécurité des contrôles aux frontières était estimé entre 6 et 8 milliards d’euros (7-9 milliards de dollars). Aujourd’hui, on estime que ce marché atteindra 50 milliards d’euros au niveau mondial (57 milliards de dollars) d’ici 2022, dont une grande partie sera portée aux dépenses de l’Union Européenne.
Israël, en tant que pays rompu à la manipulation du terme “sécurité”, est sur le point de bénéficier immensément de cette évolution. Il exploite déjà habilement l’état d’esprit des Européens, obsédés par la sécurité, afin d’élargie sa part du marché militaire.
Israël est le septième plus grand exportateur trafiquant d’armes au monde, et est en train de devenir leader dans l’exportation mondiale de drones aériens.
La marque israélienne est particulièrement populaire car sa technologie est “Testée au combat”. En effet, l’armée israélienne a eu amplement l’occasion de tester ses diverses armes et caches de sécurité contre des civils palestiniens.
Le commerce de technologies de sécurité testées sur des Palestiniens
Au début de l’année, la société militaire israélienne Elbit a remporté un contrat de 68 millions de dollars sur deux ans avec l’UE pour fournir des services de systèmes d’aéronefs sans pilote (UAS) maritimes. Elle va déployer et exploiter son système de patrouille maritime Hermes 900, le même qui a été utilisé lors de l’assaut israélien sanglant contre Gaza en 2014.
L’armée israélienne a fait l’éloge de l’UAS, le qualifiant de “phénoménal” et de “véritable atout” dans cette guerre qui a tué 2250 Palestiniens, dont plus de 500 enfants.
FRONTEX a déjà passé un contrat avec Israel Aircraft Industries (IAI) pour l’utilisation de son système d’avion piloté à distance (RPAS) Airbus Maritime Heron dans le cadre de missions quotidiennes de sécurité et de surveillance des côtes. Cette technologie a également été utilisée lors de l’assaut israélien contre Gaza en 2014.
FRONTEX verse à IAI 4,75 millions d’euros (5,57 millions de dollars). FRONTEX a également conclu un contrat avec la société de défense italienne partiellement étatique Leonardo (anciennement Finmeccanica) pour sa technologie Falco pour 1,7 million d’euros (2 millions de dollars).
Il est ironique – et révélateur – que les entreprises qui alimentent en armes les conflits au Moyen-Orient soient aussi celles qui tirent des profits massifs de la vente de technologies utilisées pour empêcher les gens de fuir ces mêmes conflits.
Ces entreprises contribuent, en même temps, à la destruction systématique de pays entiers du Moyen-Orient et à l’idée de plus en plus répandue que la “forteresse Europe” a besoin d’une protection militarisée.
Ce qui permet la coopération entre Israël et l’UE et renforce le rôle d’Israël en tant que “protecteur de l’Europe” est la congruence entre le discours politique pro-israélien d’extrême droite et les mouvements populistes d’extrême droite qui sévissent en Europe.
Le 16 décembre, quelques jours seulement après la conférence du Maroc sur les migrations, des milliers de militants d’extrême droite ont manifesté à Bruxelles contre le Pacte mondial pour les migrations (GCM).
La manifestation, baptisée “Marche contre Marrakech”, a tourné à la violence lorsque des manifestants anti-réfugiés surexcités ont affronté la police.
Hélas, les affrontements de Bruxelles représentent le nouveau visage de l’Europe : intolérante, terrorisée et vulnérable aux idées racistes et d’extrême droite.
Si le nouvel environnement politique n’est pas de bon augure pour l’avenir de l’Europe, cette réalité ne convient que trop bien à Israël, non seulement parce qu’elle est conforme à son programme anti-migrants et anti-musulmans, mais aussi parce qu’elle constitue une splendide occasion d’augmenter les ventes de ses armes “testées au combat”.
Illustration : Le cortège entoure la dépouille du Palestinien Zaki Mohammed Adnan Ghanama, âgé de 25 ans, qui a été tué lors d’une attaque aérienne israélienne sur Gaza – Photo: Ramez Habboub
source:https://www.chroniquepalestine.com/
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Source : Lire l'article complet par Réseau International
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