Dans le jeu complexe de la politique moyen-orientale, aucune subtilité n’est de trop. La rencontre entre les principaux responsables des services secrets de l’Arabie Saoudite et de la Syrie en marge d’un forum sécuritaire au Caire fut tout sauf un exercice de tout repos dans un décor feutré ou chaque mètre carré comportait un dispositif d’amplification ou de répétition du signal.
Le responsable de la principale direction des services secrets du Royaume d’Arabie Saoudite, Khalid Al-Humaydan (à G. sur la photographie supra) aurait même suggéré que directeur des renseignements généraux syriens quelques conseils très “amicaux” sous peine d’une prolongation du purgatoire dans lequel se trouve la Syrie. Il a été question d’éloigner les “conseillers” militaires iraniens et de rompre tout lien avec Hezbollah libanais, mais cette question récurrente dans le jeu de rivalité géostratégique entre le bloc du Conseil de Coopération du Golfe (que Washington tente de faire passer pour une nouvelle alliance sunnite) et l’Iran demeure subsidiaire tant l’enjeu est à la fois complexe et énorme. Les États-Unis continueront à faire semblant de s’opposer à une réhabilitation de la Syrie tant que des critères recherchés dans le cadre d’un affaiblissement de l’influence russe au Levant et celle de l’Iran dans la région n’ont pas été atteints. Les syriens, habitués aux jeux de miroirs les plus subtils, avec une approche particulièrement pragmatique des enjeux du pouvoir, ne lâcheront pas prise même en cas d’un nouveau plan Marshall à coup de planche à billets car ils s’attendent à un scénario à l’irakienne qu’ils veulent absolument éviter. La double-pensée contradictoire sera déterminante et les brouilles aussi fulgurante que les effusions d’amitié frelatée au nom d’une fraternité ennemie.
Tous ces gentillhommes de l’an 2021, plus condottiere de quelques coteries et autres maisons vassales ne semblent pas trop sympathiques et pour certains, rien ne semble limiter leur virtue machiavélienne. Le chantage odieux est une adresse d’un art consommé du messager. Le racket en est un autre, spécialité exclusive du suzerain qui manipule des faux marchés avec de la fausse monnaie et des faux titres.
Ce monde glauque est inévitable. Jouer au double jeu ne garantit aucunement de s’en sortir indemne. C’est les rapports de force qui ont toujours déterminé les rapports entre différents groupes d’humains aux intérêts divergents. La menace de la faim est aussi vieille que celle de l’art de la guerre. Elle fait partie de la panoplie de la stratégie de la terre brûlée et comme telle elle appartient aux tactiques militaro-économiques primitives qui ont été utilisés par certaines puissances européennes pour s’arracher des morceaux de colonies en Afrique et ailleurs. Un avatar policé de cette méthode subsiste dans certains types de négociations post-conflit entre un haut commis de l’Etat et un prince d’un royaume où tout est possible. Frapper avec un bâton puis attirer avec une carotte puis actionner un piège à loups ou un coup malencontreux de tronçonneuse… Ce cycle ouvre également un autre champ des possibles.
Après dix ans de guerre, la force brute n’a pas changé la donne. Les sanctions économiques non plus même si elles ont détruit une société entière. Place à la duperie et à la tromperie. D’un point de vue historique, c’est les levantins qui ont toujours excellé dans ce domaine. Ceux de la péninsule arabique agissent comme les Yankees en bulldozer en pleine échoppe de fine porcelaine…
Au Caire, derrière les portes et sous les tables, les espions russes et israéliens cherchent à appréhender le sens du vent dans un labyrinthe de courants d’air. Une tâche aussi ardue qu’ingrate. Car à tous les coups, et tous les coups sont permis dans ce domaine interlope, la conclusion s’achève sur une mauvaise interprétation et perception erronée du réel.
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