Dans une lettre ouverte adressée au Premier ministre Legault, M. Mario Lévesque a réclamé justice pour sa compagnie, Ressources Utica, ainsi que pour les autres membres de l’Association pétrolière et gazière du Québec (APGQ, qui s’est rebaptisée L’Association de l’Énergie du Québec pour tenter de donner l’impression d’être pro-climat!).[1]
Après avoir joué du violon sur le thème de l’importance de développer nos hydrocarbures, il s’est dit perplexe devant la possibilité que le gouvernement du Québec envisage d’annuler les permis d’exploitation gazière.[2] À tout le moins selon lui, pour « se sentir traité équitablement », il faudrait « une compensation à la valeur du marché »! QUOI? Après avoir floué les Québécois pendant une quinzaine d’années, essayé de fracturer 20 000 puits dans la vallée du Saint-Laurent, ce qui aurait mis notre santé et notre sécurité en péril, avec tous ces puits qui laissent du méthane s’échapper dans l’atmosphère, les coquins de l’APGQ, assoiffés de fonds publics, ont le culot d’exiger de se faire payer au nom de la JUSTICE!
Revenons en arrière. Entre 2006 et 2010, le MERN (Ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles) a « vendu » tout le sous-sol de la vallée du Saint-Laurent à un dix millième (1/10 000) de sa valeur marchande! Que s’est-t-il passé? Dans la vieille loi sur les mines promulguée vers 1880, le prix des « claims » était de 0,10$/ha par année, ce qu’ignoraient 99 % des Québécois. Alors, lorsque les nouvelles techniques de fracturation hydraulique ont fait leur apparition au tournant du 21e siècle, les schistes contenant un peu de gaz pouvaient désormais être exploités commercialement, comme au Texas ou en Pennsylvanie.
Dans La Presse du 4 septembre 2010, le chroniqueur Charles Côté nous apprend que la Colombie-Britannique, avec son système d’enchères, a vendu ses « claims » à 1 000,00$ l’ha, parfois plus.[3] En coupant la poire en deux, soit en utilisant le prix de 500,00$/ha, le rapport officiel du BAPE # 273 nous dit que le manque à gagner est de 5 milliards de dollars.[4] Une arnaque légale de 5 milliards! Et si les commissaires du BAPE avaient choisi de calculer le manque à gagner à mille dollars/ha comme en Colombie-Britannique…
Les conquistadors de l’APGQ s’étaient appropriés notre sous-sol en catimini à vil prix. Il faudrait une enquête publique pour faire la lumière sur cet épisode trouble de notre histoire.[5] Ces acquisitions se passaient en même temps que les opérations douteuses mises à jour par la commission Charbonneau. Est-ce qu’il serait possible de remettre en question la légalité de ces permis d’exploration?
Même sur le plan strictement économique, la fracturation hydraulique que l’APGQ nous proposait serait une arnaque pour les investisseurs. De nombreux articles affirment que la fracturation serait une bulle spéculative qui n’a jamais réussi à créer de la richesse.[6] N’en déplaise à l’APGQ, la déconfiture de Chesapeake Energy et de son PDG Aubrey McClendon serait le symbole du mirage économique qu’est cette technique controversée.[7]
La COP 26 de Glasgow fera le point au sujet de la situation climatique. Le GIEC affirme que l’exploitation des énergies fossiles place l’humanité au bord du précipice; pour sauver les fesses de l’humanité, il faut laisser plus de 80 % des énergies fossiles dans le sous-sol à titre d’actifs périmés (en anglais stranded assets). L’AIE nous dit qu’il ne faut plus investir dans les énergies fossiles.[8] Enfin, dans sa conclusion, le BAPE #307 affirme qu’il « n’est pas démontré que l’exploration et l’exploitation du gaz de schiste … serait avantageuse pour le Québec.»[9].
Malgré tout ce réquisitoire, M. Lévesque voudrait que les droits de forage soient compensés à la juste valeur du marché! Exige-t-il également une compensation pour d’éventuels profits? Faut-il lui rappeler qu’en période de crise climatique, ces permis sont des actifs sans valeur!(« stranded assets »). Au début du 21e siècle, l’affaire Norbourg avait fait les manchettes. M. Vincent Lacroix a été accusé d’avoir fraudé quelque 9 200 citoyens pour la somme d’environ 130 millions.[10] Les tribunaux ont condamné M. Lacroix à 12 ans (moins un jour) de prison et à une amende de 250 000 $.[11] L’APGQ fait les choses de manière plus grandiose que M. Lacroix. Celle-ci a extorqué minimalement 5 milliards de dollars aux 8 millions de Québécois. L’action de l’APGQ était illégitime et immorale. Mais contrairement à M. Lacroix, ses dirigeants ne feront jamais de prison car c’était légal selon la vieille loi sur les mines. S’il y a une véritable justice, les bandits à cravate de l’APGQ (alias l’Association de l’Énergie du Québec) ne devraient pas recevoir un sou pour leurs actifs périmés (stranded assets)![12]
1] https://www.newswire.ca/fr/news-releases/expropriation-des-compagnies-pe…
2 ] https://www.ledevoir.com/societe/environnement/639933/exploitation-petro…
Le gouvernement de M Legault vient d’annoncer que le Québec renonce à l’exploitation des hydrocarbures.
3] http://www.lapresse.ca/actualites/elections-federales/enjeux/environneme…
4 ] Rapport du BAPE # 273, page 201
5] https://www.rvhq.ca/lheritage-spolie/
6] https://www.desmog.com/2020/07/17/fracking-models-reserve-based-lending-…
7] https://www.theguardian.com/news/2018/aug/30/how-the-us-fracking-boom-al…
8 ] https://www.nationalobserver.com/2021/05/26/analysis/international-energ…
9 ] Rapport du BAPE # 307, page 397
10] https://fr.wikipedia.org/wiki/Affaire_Norbourg
11] https://www.ledevoir.com/economie/168163/l-affaire-norbourg-en-onze-ques…
12] https://www.ledevoir.com/politique/quebec/641322/quebec-renonce-definiti…
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