Geneviève Guilbault passe pour une des figures fortes du gouvernement Legault. On la dit même redoutable communicatrice.
C’est possible. Qu’on me permette toutefois d’en douter, ou du moins, de nuancer cette appréciation. Car ce qui est en jeu, c’est sa maîtrise de la langue française.
J’ai trois exemples en tête.
Exemples
Le premier vient immédiatement à l’esprit. Se portant à la défense du nouveau cours de culture québécoise, elle a soutenu qu’il aurait une « petite saveur chauvine ». Le chauvinisme, la ministre le sait maintenant, réfère à un nationalisme étroit, fermé et exagérément exalté. Le nationalisme québécois en général et celui de la CAQ en particulier n’ont rien de chauvin. On comprend que ce n’est pas ce que la ministre voulait dire. Mais elle l’a dit quand même et a donné une mauvaise impression du gouvernement sur une question essentielle.
Autre exemple, un peu plus ancien, mais aussi important. Geneviève Guilbault, aux temps forts de la COVID, avait demandé aux Québécois d’être « dociles ». Elle aurait pu dire disciplinés. Mais elle ne l’a pas dit. Elle a plutôt utilisé un terme qui réfère à l’univers de la soumission, bien peu compatible avec la morale démocratique. Il y avait dans cette formule une psychologie dominatrice un peu étrange, qu’on peine à s’expliquer.
Un dernier exemple s’impose. En entrevue avec Emmanuelle Latraverse le 11 février 2019, elle avait présenté d’étrange manière sa position sur la question nationale en disant vouloir « s’affranchir jusqu’à un certain point du joug fédéral ». Cette déclaration me fascine. Si le régime fédéral est un joug pour le Québec, pourquoi devrait-on se contenter de s’en affranchir jusqu’à un certain point ? Cela revient à dire, comme un vieux sketch de RBO, qu’on pourrait essayer de se libérer, mais juste à moitié.
Notons que sur cette question, elle décrivait peut-être de manière exacte la logique du nationalisme caquiste !
Exigence
Chose cocasse : la ministre, dans cet entretien, témoignait de son amour de la langue française en disant prendre la peine de bien la parler et de bien l’écrire. Je n’en doute pas. Et c’est ce qui rend le tout triste.
Qu’on se comprenne : tout le monde peut trébucher en parlant. Et je ne veux pas accabler la ministre. Ses erreurs sont les nôtres comme peuple. Trop souvent, nous maîtrisons mal notre propre langue.
Si j’en parle, c’est surtout pour rappeler que le souci du mot juste, en français, n’est pas une coquetterie d’esthète ou d’écrivain finasseur, mais la condition élémentaire d’une adéquate expression de sa pensée.
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