Calvaires !

Calvaires !

Novembre est à nos porte. Un mois gris, pluvieux et froid. Si l’on ne se réfère qu’à la température ambiante, on ne s’étonnera pas que le onzième mois de l’année se mérite le macabre surnom de « mois des morts » ! Cependant, l’appellation vient plutôt du calendrier liturgique, qui souligne la Toussaint le 1er novembre et la fête de tous les morts le 2 novembre. Le moment est donc plus que propice pour vous parler encore une fois du patrimoine religieux se trouvant dans nos cimetières ! 

Je vous propose donc une incursion dans l’univers des calvaires qui sont disséminés un peu partout sur le territoire québécois.

D’abord, quelques distinctions lexicales. 

Au risque de vous en apprendre, on nomme croix le symbole formé par un trait vertical et un trait horizontal se joignant à une hauteur donnée. La croix est le symbole chrétien par excellence, puisqu’elle évoque le moment phare de la Passion. 

Elle en est aussi le symbole le plus épuré, puisqu’elle ne figure que l’instrument de torture ayant servi à la crucifixion du Christ. Si l’on ajoute à la croix une représentation du Christ, on parlera plutôt de crucifix. 

Iconographiquement, pour parler de calvaire, il faut que l’ensemble de l’épisode biblique de la crucifixion soit représenté. 

Minimalement, le calvaire le plus simple se compose de trois croix. Celle du centre, où se trouvait le Christ selon les évangiles, sera toujours plus grande ou plus haute que les deux croix latérales. Les calvaires les plus élaborés comprennent donc une multitude d’éléments qui se réfèrent aux textes des évangiles en lien avec l’épisode de la Crucifixion : le Christ et les deux larrons en croix, les soldats romains, les arma christi (les instruments de la Passion), voire même une présence de la Vierge, de saint Jean et de Marie-Madeleine. 

Des origines européennes

Bien qu’il y en ait eu dès le 7e siècle, durant lequel on érige des croix monumentales en Irlande, c’est autour de l’an 1000, à l’époque romane, que le calvaire monumental connait son véritable essor. Le phénomène s’étend à l’ensemble du monde chrétien et il s’explique par la difficulté d’accéder aux lieux saints qui sont très éloignés de l’Europe et occupés par les Sarrasins musulmans. 

Les communautés chrétiennes cherchent donc à recréer des lieux plus accessibles sous le modèle du Golgotha de Jérusalem. Ce qui nous mène, quelques siècles plus tard, aux 16e et 17e, sur la côte ouest de la France et en Bretagne où il est coutume d’ériger des calvaires dans les cimetières. Or, de nombreux marins et colons qui partent pour la Nouvelle-France viennent précisément de ces régions. La coutume arrive donc en Amérique dès les tout débuts de l’établissement colonial français. 

Le plan de l’habitation de Port-Royal, dessiné en 1605 par Samuel de Champlain, montre un calvaire surplombant le cimetière. Il s’agit d’ailleurs de l’exemple le plus ancien d’un calvaire monumental au Canada. Des milliers d’autres suivront, si bien qu’au début du 20e siècle, la majorité des communautés catholiques du Québec auront un calvaire sur leur territoire. 

Pourquoi dans les cimetières ? 

Bien que certains calvaires se trouvent à la croisée des chemins ou au bout des routes marquant les limites territoriales des collectivités, la majorité des calvaires québécois se retrouvent dans nos cimetières paroissiaux. Le choix de cet emplacement pour ce type de monument s’inscrit pleinement dans la vision chrétienne de l’existence et du trépas.

Le Christ, en mourant sur la croix, permet par son sacrifice le rachat des péchés de l’humanité. Il offre ainsi à tous les pénitents la possibilité d’accéder à la vie éternelle. C’est le sens de la parole du Christ quand il dit à Dismas, le bon larron repentant : « je te le dis : aujourd’hui, avec moi, tu seras dans le paradis. » 

Malgré la violence évidente du sujet représenté – on parle tout de même de trois hommes agonisant dans des souffrances épouvantables –, le calvaire livre un message d’espoir. Il remémore au passant la promesse faite par le Christ à ceux qui ont foi en lui. Il est également l’inscription dans le territoire d’un memento mori, une occasion de réfléchir à notre propre condition de mortel, et une invitation pour les vivants à prier pour le repos éternel des trépassés.


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