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par Patrick Mbeko.
L’armée soudanaise a dissous le gouvernement de coalition et déclaré l’état d’urgence, plongeant le pays dans sa plus grande crise politique depuis le début d’une transition particulièrement difficile. Analyse pour Sputnik de Patrick Mbeko, spécialiste de l’Afrique centrale.
Lundi, l’armée soudanaise a arrêté le premier ministre Abdallah Hamdok avec son épouse (tous deux emmenés vers un lieu inconnu), dissous le gouvernement mixte civils-militaires et décrété l’état d’urgence dans tout le pays. L’annonce a été faite à la télévision nationale par le lieutenant-général Abdel Fattah al-Burhan, qui chapeautait jusque-là le Conseil de Souveraineté, l’instance chargée de piloter la transition jusqu’aux prochaines élections prévues fin 2023. Outre la dissolution du gouvernement et de cet organe, Abdel Fattah al-Burhan a également annoncé le limogeage des ministres et des préfets, ce qui ouvre la porte à toutes les incertitudes et fait craindre le retour de vieilles pratiques du temps où les militaires contrôlaient toutes les structures du pouvoir et de l’État.
Coup d’Etat en cours au #Soudan, la plupart des ministres ont été arrêtés et internet a été coupé dans tout le pays. Le Premier ministre, Abdallah #Hamdok, se trouve entre les mains de «forces militaires». #Sudanese #Sudanrevolts #SUDAN_COUP pic.twitter.com/pvSujnCnmd
— LSI AFRICA (@lsiafrica) October 25, 2021
Les réactions sur la scène internationale n’ont pas tardé. L’Union africaine s’est dite profondément « consternée » par la tournure des évènements. Même inquiétude exprimée par la Ligue arabe, l’Union européenne et les États-Unis, qui ont annoncé la suspension d’une aide de 700 millions de dollars destinée au gouvernement de transition. Ils ont également menacé de revoir leur aide au Soudan si la situation persistait. Le lieutenant-général Abdel Fattah al-Burhan a assuré que la transition vers un État civil restait la priorité et a promis que des élections libres se tiendront comme prévu en 2023. Mais pour de nombreux Soudanais et observateurs étrangers, ce énième coup d’État pourrait marquer la fin d’une transition amorcée après la chute de l’ex-président Omar Hassan al-Bashir, il y a plus de deux ans.
Des mois de tensions
Il faut dire que le coup d’État de l’armée soudanaise intervient après des mois de tensions croissantes dans le pays, où militaires et civils, qui se partagent pourtant le pouvoir au sein d’une coalition transitoire bancale (le fameux Conseil de la Souveraineté), se regardent en chiens de faïence. Leurs partisans se sont nargués devant le Parlement de transition, il y a quelques jours. La semaine dernière, le premier ministre Abdalla Hamdok a déclaré qu’une transition complète vers un régime civil devrait être en place d’ici le 17 novembre (ce qui aurait placé le Soudan sous un contrôle civil total pour la première fois depuis 1989), faisant écho aux termes de la transition et aux voix de milliers de manifestants descendus dans la rue pour demander que la promesse du mouvement pro-démocratique soit honorée. Son arrestation ce lundi soulève des questions sur la volonté des militaires de laisser totalement le pouvoir aux civils.
Des réformes économiques controversées
La transition elle-même a été pour le moins chaotique. De profondes divisions politiques et des problèmes économiques chroniques hérités de l’ère Al-Bashir l’ont considérablement assombrie. Au cours des derniers mois, le gouvernement de Khartoum a entrepris une série de réformes économiques difficiles afin de pouvoir bénéficier d’un allégement de la dette de la part du Fonds monétaire international (FMI). Ces mesures, qui comprenaient la réduction des subventions et un flottement contrôlé de la livre soudanaise, ont été jugées trop sévères par de nombreux Soudanais. Entre-temps, les tensions entre civils et militaires ont persisté, tout comme celles entre certains segments de l’armée. Le 21 septembre dernier, les autorités ont fait état d’une tentative de putsch ratée visant à renverser le gouvernement de transition, rejetant la faute sur des officiers et des civils sympathisants ou proches du régime déchu d’Omar al-Béchir. Le premier ministre Abdallah Hamdok a même laissé entendre qu’il y aurait eu plusieurs autres tentatives de coup d’État…
Conjugué aux évènements des dernières heures, tout ceci n’est pas de nature à rassurer quant à l’avenir du Soudan et place l’actuel homme fort du pays dans une position intenable. La rue a déjà décidé de faire entendre sa voix et depuis l’annonce de la dissolution des institutions de transition, des milliers de personnes ont envahi les grandes artères de la capitale, scandant des slogans hostiles aux militaires. Entre-temps, rien n’indique que le coup d’État bénéficie du soutien unanime de l’armée, qui elle-même reste assez divisée. Dans ces circonstances, les risques de frictions ne sont donc pas à écarter, et advenant que cela puisse se matérialiser, on n’ose imaginer les conséquences. L’incertitude est donc totale et « la révolution soudanaise » dans une situation qui s’apparente à une équation à plusieurs inconnues.
Quoi qu’il en soit, les tenants du pouvoir actuel sont dans une position très délicate. Ils doivent satisfaire les revendications de la rue qui s’est fortement mobilisée depuis l’annonce du coup d’État, s’assurer de maintenir la cohésion au sein de l’armée, tout en rassurant la communauté internationale.
Tant et aussi longtemps que les différentes forces en présence ne s’entendront pas sur la direction à donner, l’avenir de ce vaste pays de 1,88 million de km² s’écrira en pointillés.
source : https://fr.sputniknews.com
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Source : Lire l'article complet par Réseau International
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